Alors que près de 3 millions de chiens sont tués chaque année au Cambodge, de plus en plus de voix appellent à une interdiction nationale du commerce de viande de chien et de chat, à l’image de la Corée du Sud.


OPINION
En Asie, environ 30 millions de chiens sont abattus chaque année pour leur viande, dont 3 millions au Cambodge. En Indonésie, on en compte près d’un million, et au Vietnam, environ 5 millions de chiens et un million de chats.
La question morale divise : certains jugent incohérent de condamner la consommation de chien tout en acceptant celle du porc ou du bœuf. Mais le débat dépasse la seule morale : il s’agit aussi de l’image internationale du Cambodge et des conséquences économiques et culturelles de cette pratique.
En 2024, la Corée du Sud a franchi un cap en votant à l’unanimité une loi interdisant la viande de chien, qui entrera en vigueur en 2027. Ce changement, soutenu par 82 % de la population, reflète une évolution des mentalités face aux critiques internationales.
D’autres pays ont suivi cette voie : Singapour, la Thaïlande et le Vietnam ont déjà interdit le commerce et la vente de viande de chien. Seule la province de Siem Reap a adopté une mesure similaire au Cambodge.
Il est temps pour le pays d’envisager une interdiction nationale, signe d’un engagement en faveur de la compassion et du bien-être animal, et d’une image plus moderne.
Le bien-être animal, un outil de puissance douce
Le lien entre bien-être animal et diplomatie d’influence (ou soft power) peut sembler ténu. Pourtant, l’exemple de la Turquie illustre son importance.
Ce pays a longtemps joui d’une réputation bienveillante envers les animaux errants, notamment les chats d’Istanbul. Le documentaire Kedi, sorti en 2016, a contribué à renforcer cette image d’une ville où les félins vivent libres et respectés, créant même un tourisme autour des chats.
Des visiteurs racontent comment les habitants leur construisent des abris, les laissent dormir dans les boutiques ou les protègent de la pluie. Cette attention a fait des chats d’Istanbul une attraction à part entière.
Mais la Turquie a récemment terni cette image avec un projet de loi prévoyant l’euthanasie des chiens errants non adoptés après 30 jours. Cette mesure a suscité des protestations et terni son image internationale.
S’inspirer de la Corée du Sud et de la Turquie
Le Cambodge pourrait tirer des leçons de ces deux pays.
Les chiens et chats font partie du quotidien cambodgien, souvent comme compagnons ou gardiens de maison. Leur consommation n’est d’ailleurs pas une tradition profondément ancrée dans la culture locale.
En suivant l’exemple turc, le pays pourrait développer des campagnes de stérilisation et de sensibilisation pour mieux contrôler la population d’animaux errants. Et, à l’image de la Corée du Sud, il pourrait interdire la production et la consommation de viande de chien et de chat.
Selon l’ONG FOUR PAWS, des millions de chiens sont chaque année volés, empoisonnés ou vendus pour alimenter ce commerce. Ces pratiques nuisent à l’image d’un pays qui cherche à se positionner positivement sur la scène internationale.
Des touristes apercevant des têtes de chiens exposées sous la mention « viande spéciale » dans des restaurants de Phnom Penh ou Kampong Cham en ressortent choqués. À l’approche des Jeux asiatiques de la jeunesse de 2029, le Cambodge aurait intérêt à agir.
Une transition nécessaire pour les acteurs du secteur
L’exemple sud-coréen montre aussi qu’un tel changement peut se faire sans brutalité.
Le gouvernement coréen a prévu des aides financières et une reconversion professionnelle pour les éleveurs et restaurateurs concernés, avec une période de transition de trois ans. Ceux qui refusent de se conformer à la loi risqueront jusqu’à trois ans de prison et plus de 22 000 dollars d’amende.
Une politique similaire au Cambodge pourrait inclure des mesures d’accompagnement pour les familles dépendantes de cette activité, associant les restaurateurs, fournisseurs, autorités locales, ONG et associations de protection animale.
Pour une image de compassion
En interdisant le commerce de viande de chien et de chat, le Cambodge ne se contenterait pas d’améliorer son image. Il renforcerait la cohésion sociale, réduirait le vol d’animaux domestiques et contribuerait à un environnement plus harmonieux.

À long terme, cette démarche pourrait aussi favoriser le tourisme et créer des emplois liés à la protection animale.
En s’inspirant de la Corée du Sud et de la Turquie, le royaume pourrait ainsi affirmer une identité moderne et compatissante, fondée sur le respect des êtres humains comme des animaux.
Sreymean Kouch, chercheuse au Future Forum.
Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis la traduction de cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.









































