Édition internationale

Une journée pour comprendre et préserver les sols cambodgiens

À l’occasion de la Journée mondiale des sols, l’IRD s’est mobilisé au Cambodge pour sensibiliser le public, renforcer les liens entre chercheurs et acteurs de terrain et mieux faire connaître les enjeux liés à la santé des sols, dans un pays où ceux-ci figurent parmi les plus sollicités d’Asie du Sud-Est.

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Photo fournie
Écrit par Raphaël FERRY
Publié le 15 décembre 2025

L’IRD engagé sur le terrain cambodgien

Directeur de recherche à l’IRD au sein de l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris, spécialiste de l’écologie des sols tropicaux, Pascal Jouquet travaille au Cambodge depuis quatre ans. Affecté à l’Institut de technologie du Cambodge (ITC), il y a installé un laboratoire dédié à l’étude de l’écologie et du fonctionnement des sols, ainsi qu’à leur restauration.

Ce laboratoire a été mis en place grâce au projet ReaSol, soutenu par l’ambassade de France. Il rassemble doctorants, étudiants et chercheurs de l’ITC, ainsi que plusieurs collègues français.

« Je suis responsable de cette équipe et du laboratoire d’étude des sols à l’ITC », explique-t-il. À ses côtés, l’enseignante-chercheuse Muon Ratha, ancienne doctorante qu’il avait encadrée au Cambodge et en France, cogère aujourd’hui l’ensemble des activités scientifiques.

Une Journée mondiale des sols pour sensibiliser et fédérer

La Journée mondiale des sols, célébrée chaque 5 décembre sous l’égide de la FAO, avait cette année pour thème la santé des sols dans les écosystèmes urbains. Au Cambodge, l’IRD et ses partenaires ont choisi d’en faire une occasion de structurer davantage une communauté encore jeune mais très mobilisée, réunissant scientifiques, ONG, acteurs privés et institutions publiques.

Selon Pascal Jouquet, « il y a un besoin de structurer cette communauté. Les pratiques sont diverses, les approches agroécologiques aussi, et la science du sol devient de plus en plus transdisciplinaire ».

Des interventions pédagogiques pour rapprocher science et société

Le 4 décembre, deux chercheuses françaises de l’unité iEES-Paris ont accompagné Pascal Jouquet au Lycée français René-Descartes pour une séance de deux heures destinée à trois classes de Seconde. L’objectif : expliquer les liens entre sols, biodiversité et services écosystémiques.

 

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Au Lycée français René-Descartes : 65 élèves sensibilisés

Les échanges ont porté sur l’agroécologie, les sols urbains, le carbone et la notion du « 4 pour 1000 », ce taux théorique d’augmentation annuelle du carbone dans les sols qui permettrait de compenser les émissions humaines de CO₂.

« Les élèves ont déjà au programme la durabilité des agrosystèmes et le cycle du carbone. Cela tombait parfaitement », souligne le chercheur. Environ soixante-cinq élèves ont participé à la séance.

Un atelier pour faire dialoguer acteurs et sciences du sol

L’événement central de la Journée mondiale des sols s’est tenu le 5 décembre à l’ITC. Il a réuni une quarantaine de participants issus d’institutions publiques, d’ONG, d’associations et d’entreprises privées.

Parmi les présents figuraient notamment la General Directorate of Agriculture, des chercheurs du CIRAD et de l’Université royale d’agriculture, les ONG Agrisud International, KCD et Happy Chandara, une représentante de l’Union européenne, un représentant de l’AFD, ainsi que des membres du Conservation Agriculture and Sustainable Intensification Consortium et du Cambodian Agricultural Research and Development Institute. Étaient également représentés Sindora Pepper Garden, Leng Dei et Focus on the Global South.

Les interventions scientifiques ont permis d’aborder les pratiques agroécologiques, la santé des sols et surtout les modalités de diffusion des connaissances auprès des agriculteurs et de la société civile.

« Le thème qui s’est imposé naturellement a été celui des liens entre connaissances scientifiques et besoins des acteurs de terrain », résume Pascal Jouquet.

Comprendre les sols qui portent la riziculture cambodgienne

Une sortie de terrain consacrée aux sols hydromorphes

Le 11 décembre, l’ITC a accueilli deux spécialistes de renommée internationale pour une formation de terrain : Pascal Podwojewski, taxonomiste des sols, et Christophe Ducommun, expert mondial des sols hydromorphes. Ces sols, submergés une grande partie de l’année, sont essentiels à la riziculture cambodgienne.

« Ils ont des caractéristiques très particulières et un fonctionnement qu’il faut bien comprendre », précise Pascal Jouquet.

Cette formation poursuivait également un objectif ambitieux : ouvrir la voie à la rédaction d’un ouvrage en khmer, traduit en français, consacré aux sols hydromorphes, à leur fonctionnement et aux pratiques durables adaptées à ces environnements.

 

Une journée pour comprendre et préserver les sols cambodgiens

 

Quel est l'état des sols cambodgiens aujourd’hui ?

Après quatre années de recherches au Cambodge, Pascal Jouquet reste prudent : « On ne peut pas répondre de façon générale ». Plusieurs tendances se dégagent néanmoins :

  • des sols très pauvres, notamment les sols sableux présents dans une grande partie du pays, à l’exception notable de la région de Battambang ;
  • une faible teneur en matière organique, limitant fortement la fertilité ;
  • des siècles de culture du riz ayant contribué à l’appauvrissement naturel des sols ;
  • la déforestation, qui a accéléré les phénomènes de dégradation ;
  • l’usage intensif de pesticides, appauvrissant la biodiversité et réduisant les nutriments disponibles.

Face à ce constat, chercheurs et ONG expérimentent des solutions agroécologiques : plantes de couverture, maintien des buttes termitiques — véritables réservoirs de biodiversité —, lutte biologique contre les nématodes ou encore création de « taches de diversité » dans les paysages agricoles.

Vers une communauté structurée et transdisciplinaire

Pour Pascal Jouquet, la Journée mondiale des sols a joué un rôle de révélateur : « On va de plus en plus vers une science du sol qui s’inscrit dans le concept One Health : la santé de l’environnement, des plantes, de la biodiversité et des humains ».

Le défi est désormais de fédérer durablement cette communauté cambodgienne des sols, de renforcer les formations et de rapprocher encore davantage la recherche scientifique des pratiques agricoles.

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