Édition internationale

Onn Sokny, de comptable à directrice, milite au Cambode pour l’inclusion

Touchée par une paralysie de la jambe droite, Onn Sokny a gravi les échelons jusqu’à diriger Epic Arts. Son objectif : abattre les barrières et défendre les droits des personnes handicapées.

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Photo fournie
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 24 août 2025

Atteinte d’une paralysie de la jambe droite depuis l’âge de deux ans, Onn Sokny a combattu les stéréotypes négatifs sur le handicap. Entrée comme assistante comptable, elle est aujourd’hui directrice générale (CEO) d’Epic Arts, une ONG qui promeut l’inclusion.

Forte d’expériences douloureuses d’exclusion, elle a choisi de se reconstruire et de plaider pour le changement.

En 2004, alors qu’elle préparait une licence en management à la Build Bright University de Phnom Penh, elle a commencé à travailler à temps plein chez Epic Arts comme assistante comptable.

« Il est difficile d’expliquer ce que j’ai ressenti en entendant dire que les personnes handicapées ne pouvaient ni faire d’études supérieures ni sortir comme les autres », dit-elle.
« Ces paroles m’ont blessée, mais elles ne m’ont pas empêchée de poursuivre mon rêve. »

Originaire de la province de Kampong Cham, venue étudier à Phnom Penh, elle se souvient que dans sa communauté, certains affirmaient qu’elle avait dû commettre de « mauvaises actions » dans une vie antérieure, d’où l’état de sa jambe.

« Dans les années 1980, alors que le pays se relevait du régime khmer rouge, la population manquait d’information sur le handicap. On ignorait que ma maladie était la poliomyélite. »
« Ce qui m’a encore plus peinée, c’est de voir ma propre famille commencer à penser comme nos voisins. »

Sokny prépare aujourd’hui un master en administration et management des affaires à l’Institut national d’entrepreneuriat et d’innovation. En 2024, elle a accompli un Yale World Fellowship de quatre mois en leadership à la Jackson School of Global Affairs de l’université Yale (États-Unis).

 

Onn Sokny, de comptable à directrice
Onn Sokny a suivi en 2024 un Yale World Fellowship de quatre mois à la Jackson School of Global Affairs (Yale, Connecticut, États-Unis). Photo : fournie.

Avant de pouvoir plaider efficacement, souligne-t-elle, tout commence par l’individu : résister au découragement, développer son potentiel, progresser sur les plans personnel et professionnel, et saisir les opportunités.

Epic Arts, un espace sûr pour les personnes handicapées

À la tête d’Epic Arts à Kampot, sa vision est d’inspirer les personnes handicapées à réaliser pleinement leur potentiel et à bénéficier d’un accès équitable aux activités et opportunités de la société, au même titre que les autres.

Sokny voit Epic Arts comme un lieu sûr où chacun, en particulier les personnes handicapées, peut se développer et partager ses préoccupations. L’organisation est enregistrée comme association caritative au Royaume-Uni ; sa branche au Cambodge vise à protéger les personnes handicapées contre la discrimination et à favoriser leur pleine reconnaissance.

Epic Arts propose gratuitement trois grands programmes : l’éducation inclusive, des projets communautaires et des entreprises sociales.

Éducation inclusive

L’organisation accompagne les enfants et les jeunes handicapés pour garantir leur accès à ses programmes éducatifs et aux écoles publiques de la province.
« Nous proposons surtout des formations pour les 18 ans et plus : arts de la scène, hôtellerie, et des compétences essentielles comme la langue des signes, le khmer, l’anglais et l’informatique », précise-t-elle.

Projets communautaires

Ces actions visent à sensibiliser le public aux droits des personnes handicapées et à faire évoluer le regard sur le handicap. Epic Arts offre aussi une ligne d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 pour les enfants handicapés confrontés à des abus, à un manque de droits fondamentaux ou ayant besoin d’aide administrative.

Entreprises sociales

Enfin, des opportunités d’emploi et de renforcement de compétences sont proposées via des entreprises sociales. L’équipe d’arts de la scène — composée de personnes avec et sans handicap — s’est produite au Cambodge et à l’international. Elle met en avant les talents des artistes handicapés et sensibilise aux enjeux du handicap. Les revenus de ces spectacles soutiennent les deux autres programmes.

« Plus qu’une organisation, Epic Arts est un espace sûr où partager préoccupations, défis et hésitations. Nous les conseillons beaucoup et les encourageons constamment à tenter des domaines qu’ils n’osent pas explorer », explique Sokny.
« Nous sommes environ 50, et 60 à 70 % des employés et bénévoles sont des personnes handicapées ou des parents d’enfants handicapés. »

Une progression patiente vers le leadership

Le parcours de Sokny n’a pas été immédiat : elle a été chargée de projet, cheffe de projet puis directrice pays, avant de devenir CEO en janvier. Son attachement à l’organisation nourrit son envie d’amélioration continue. Elle cherche sans cesse des connaissances pratiques à appliquer, notamment des compétences de leadership acquises à l’étranger.

Être leader, dit-elle, suppose de disposer des aptitudes nécessaires et de rechercher en permanence le perfectionnement. Les opportunités d’études ont élargi ses horizons et son état d’esprit, contribuant à répondre aux défis auxquels font face les personnes handicapées.

Onn Sokny, de comptable à directrice
Onn Sokny lors de l’assemblée générale (AGM) de l’association CICADA. Photo : fournie.

 

« L’information sur le handicap doit atteindre chaque recoin »

Par rapport au passé, Sokny constate une meilleure compréhension du handicap dans le public. Elle espère toutefois que les droits des personnes handicapées seront davantage diffusés dans les zones rurales, où l’accès à l’information reste limité.

Elle souhaite que chacun comprenne que le handicap n’a rien à voir avec de « mauvaises actions », mais relève de la santé. Des paroles apparemment simples peuvent briser le cœur des personnes concernées.

« Je sais combien l’humiliation et l’exclusion font mal. C’est encore plus difficile sans encouragements de l’entourage. »
« Il est pourtant essentiel de se relever, de demander de l’aide et un soutien moral à la famille, aux amis ou à toute organisation. »

Selon elle, toute la communauté doit intégrer l’inclusion du handicap comme un système à part entière.
« Peut-être le gouvernement devrait-il adopter des plans et politiques de long terme afin que les personnes handicapées ne se heurtent plus à des barrières pour participer à la société. »

RIN OUSA

Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis la traduction de cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.

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