Alors qu’ils sont vitaux pour des centaines de millions de personnes en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, un tiers des poissons d’eau douce, oubliés du monde, sont menacés d’extinction. Le Cambodge essaye de faire face aux menaces pesant sur le Mékong.
Les poissons d’eau douce : les oubliés du monde
Le rapport sur Les poissons oubliés dans le monde de WWF est un hommage aux poissons d’eau douce et un appel à l’action face à leur disparition. En effet, les lacs, les rivières et les zones humides et marécageuses sont parmi les endroits les plus riches en biodiversité. Couvrant moins de 1 % de la surface totale de la planète, ils abritent 51 % des espèces connues de poissons d’eau douce, soit 18 075 espèces, et un quart des espèces de vertébrés au monde.
Cependant l’importance de ces poissons est très largement sous-estimée et peu de personnes connaissent leur diversité. Ceux-ci fournissent de la nourriture à 200 millions de personnes et des emplois et des moyens de subsistance pour 60 millions. Ils soutiennent également deux industries mondiales majeures : la pêche récréative génère plus de 100 milliards de dollars par an, tandis que les poissons d'aquarium sont les animaux de compagnie les plus populaires au monde et alimentent un commerce mondial d'une valeur de 30 milliards de dollars.
Pourtant, un tiers des poissons d’eau douce sont menacés d’extinction et 80 espèces ont été déclarées atteinte par la liste rouge des espèces menacées de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), dont 16 pour la seule année 2020.
Dans le même temps, les populations de poissons d'eau douce migrateurs ont diminué de 76 % depuis 1970 et les mégapoissons d'un pourcentage catastrophique de 94 %.
La biodiversité des eaux douces diminue deux fois plus vite que celle des océans ou des forêts.
Nulle part ailleurs la crise de la nature n'est plus aiguë que dans nos rivières, nos lacs et nos zones humides, et l'indicateur le plus clair des dommages que nous causons est le déclin rapide des populations de poissons d'eau douce, a déclaré M. Stuart Orr, responsable mondial de l'eau douce au WWF.
Les poissons d’eau douce du Mékong nécessaire aux populations
Avec plus de 1 100 espèces de poissons, le Mékong est l'une des pêcheries intérieures les plus productives au monde. 16 % des protéines animales et 28 % de la lysine de la population cambodgienne proviennent des poissons d’eau douce du bassin du Mékong. Le rapport de 2017 sur la production halieutique de l'administration des pêches du gouvernement cambodgien a montré que le secteur de la pêche contribue à 8 % du produit intérieur de croissance du pays.
Parmi les 35 espèces de poissons commercialisées sur les marchés cambodgiens, cinq sont menacés de disparition selon une évaluation de WWF - Cambodge . Le barbeau géant et le barbeau d'Isok sont classés comme étant en danger critique d'extinction à l'échelle mondiale, tandis que le goonch géant, la perche tigre du Mékong et le gourami à oreilles d'éléphant sont classés comme étant en danger au Cambodge.
M. Seng Teak, directeur national du WWF-Cambodge a déclaré :
Malgré leur importance pour les communautés locales, les poissons d'eau douce sont invariablement oubliés. Les poissons d'eau douce sont importants pour la santé des personnes et des écosystèmes d'eau douce dont dépendent toutes les personnes et toute vie sur terre. Il est temps de s'en souvenir.
La surpêche, la destruction des habitats, les barrages hydroélectriques sur les rivières, le prélèvement excessif d'eau pour l'irrigation et la pollution domestique, agricole et industrielle sont les principales menaces dévastant les poissons. De plus, l’introduction d’espèces non indigènes, le changement climatique et la braconnage des espèces sauvages accélèrent bien évidemment leur disparition.
Le moratoire cambodgien
Le moratoire de dix ans sur la construction de barrages hydroélectriques sur le cours principal du Mékong, imposé par le gouvernement cambodgien a été applaudi.
La décision correcte du Cambodge est un exemple pour les autres pays, qui reconnaissent que les rivières à écoulement libre offrent des avantages inestimables pour les populations et les innombrables espèces sauvages qui en dépendent,
a déclaré M. Seng Teak.
Le 17 mai 2021, lors de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité à Kunming en Chine, les gouvernements auront l’occasion de s’engager dans la protection des poissons d’eau douce et de leurs habitats, les lacs, les rivières et les zones marécageuses. Cette conférence analysera les résultats du Plan stratégique 2011 - 2020 pour la diversité biologique et rendra sa décision finale quant au cadre mondial de la biodiversité après 2020. Ce dernier s’impliquera dans la contribution de la préservation de la biodiversité à la nutrition, la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance des personnes.
Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est de reconnaître la valeur des poissons d'eau douce et des pêcheries, et que les gouvernements s'engagent à mettre en œuvre de nouveaux objectifs et solutions, ainsi qu'à donner la priorité aux écosystèmes d'eau douce qui ont besoin d'être protégés et restaurés. Nous avons également besoin de voir des partenariats et des innovations grâce à une action collective impliquant les gouvernements, les entreprises, les investisseurs, la société civile et les communautés,
a déclaré M. Stuart Orr.