Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Histoire : Des sapèques chinoises au Zhenla

Pascal Médeville nous parle de l’utilisation des monnaies chinoises dans les temps angkoriens et pré-angkoriens

sapequesapeque
des sapèques chinoises de l’époque de la dynastie des Song (Photographie : As6022014 at Japanese Wikipedia, CC BY 3.0) 
Écrit par Pascal Médeville
Publié le 19 octobre 2024

Dans ses Mémoires sur les coutumes du Cambodge, parlant de la façon dont s’effectuaient habituellement les transactions commerciales à la fin du XIIIe siècle, Zhou Daguan explique que pour les transactions importantes, on utilisait l’or et l’argent (qui venaient probablement de Chine, puisque l’on ne trouvait pas ces métaux précieux dans le pays, comme l’explique Zhou) et que pour les transactions peu importantes, on recourait au troc : les paiements se faisaient en grains, en marchandises chinoises, ou en étoffes.
Cependant, à l’époque de la dynastie chinoise des Song (960-1279), la sapèque chinoise (銅錢 tóngqián, littéralement « pièce de cuivre ») était largement utilisée non seulement en Chine, mais aussi en Corée, au Japon et, plus généralement, sur l’ensemble des régions parcourues par les routes de la soie, terrestre et maritime, dont le Zhenla. La pénurie de pièces de cuivre chinoises dans certaines régions fut même telle que les empereurs de Chine prirent à plusieurs reprises des édits pour interdire l’exportation de ces pièces, dans que cela eût beaucoup d’effet.


Les pièces chinoises étaient particulièrement recherchées au Japon et en Corée, ainsi qu’au Đại Việt, où une loi fut même promulguée interdisant la réexportation des pièces chinoises entrées dans le pays. Le Japon comme le Vietnam ancien battaient monnaie, mais les pièces produites circulaient peu, en raison notamment de leur qualité médiocre et de leur poids souvent aléatoire. Inversement, les sapèques chinoises, produites par fonte d’un alliage dans lequel le cuivre était majoritaire, se distinguaient par la bonne qualité de leur confection et la grande régularité de leur poids.


Comme le dit Zhou Daguan, les Chinois vivant à Angkor Thom étaient nombreux, et le commerce entre le Zhenla et la Chine était important. Il eût donc été surprenant que les pièces chinoises ne circulassent pas en pays khmer ! Je ne m’explique pas les raisons pour lesquelles Zhou n’en parle pas.


Dans un post de la page Facebook du Musée Sosoro, il est d’ailleurs expliqué que, « avant l’arrivée des Français, la population locale utilisait des pièces de monnaie de faible valeur en cuivre, étain ou zinc, pour la plupart originaires de Chine ou du Vietnam », appelées sapèques. Des sapèques de l’époque des Song ont été trouvées lors de fouilles au Cambodge, notamment sur le site du Preah Khan de Kampong Svay.
Les sapèques se distinguent par leur forme ronde et leur trou carré percé au centre de la pièce. Ce trou permettait d’attacher les pièces de monnaie pour en faire des ligatures. Sosoro parle de ligatures de 600 pièces, mais les ligatures chinoises comptaient plus généralement 1000 pièces.


PS : Dans le post de Sosoro, je relève les mots khmers suivants : កាស [kah] pièce de monnaie, សាប៉ែក [sa-paèk] sapèque, ព្យ៉ាស់ [pyah] piastre, សំណប៉ាហាំង [sâm-nâ pa-hang].


Ledit post est illustré de quelques photos de pièces et de ligatures. La sapèque qui se trouve dans le coin supérieur gauche porte l’inscription 嘉隆通寶 [en chinois : jiālóng tōngbǎo]. Le mot 通寶 [tōngbǎo] désigne les pièces de monnaie en circulation, tandis que 嘉隆 [jiālóng] n’est autre que le nom de l’ère Gia Long (1802-1819), ère du règne de l’empereur vietnamien Nguyễn Phúc Ánh, que nous connaissons justement sous le nom d’empereur Gia Long

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions