Avec sa silhouette caractéristique, le palmier à sucre est un élément important du paysage cambodgien. Nous partons à la rencontre de ceux qui savent en extraire le jus.
Au Cambodge, dans la cuisine de chaque foyer on trouve du sucre de palme. Son goût doux, son arôme agréable et ses bienfaits pour la santé le conduisent à être utilisé dans les recettes quotidiennes ainsi que la préparation du café. Pour de nombreux Cambodgiens, il est meilleur que le sucre blanc. Il est si particulier que le sucre de palme de Kampong Speu, ou Skor Thnot Kampong Speu en khmer, détient le statut d'indication géographique (IG) dans l'Union Européenne.
La récolte de sa sève de palmier est encore une pratique courante dans de nombreux villages cambodgiens. Un grand nombre de palmiers parsèment le royaume, et notamment les campagnes et les rizières.
Chaque élément du palmier, qui est l'arbre national du Cambodge, peut être exploité. Ses feuilles servent à fabriquer les toits ou les murs des maisons traditionnelles ainsi que des chapeaux. Son tronc peut être utilisé pour fabriquer des petits bateaux, des piliers de maison, des petites chaises et des objets de la vie quotidienne tels que des assiettes, des tasses ou des balais. Ses branches peuvent être transformées en décorations. Enfin, bien sûr, sa sève sucrée sert à l’élaboration du sucre, mais elle peut être utilisée de nombreuses façons, que ce soit dans les soupes ou les desserts, y compris les gâteaux, ou dans la fabrication de vin et de vinaigre. Les palmiers sont un élément important du paysage cambodgien et figurent fréquemment dans les peintures et les dessins représentant le pays.
Le sucre de palme est généralement produit de novembre à fin juin. Dans la province de Siem Reap, Mek Lo fait partie des personnes âgées du village de Ta Kos, dans la commune de Preah Dak, qui fabriquent du sucre de palme pour gagner leur vie.
Mek Lo : Habituellement, nous commençons à préparer la collecte du jus de palme au début du mois de novembre, mais nous en récoltons peu. En décembre, la quantité aura augmenté.. Et de janvier à février, la quantité sera abondante.
Long Ton : Le début de la récolte est en novembre, et quand se termine-t-elle ?
Mek Lo : Nous commençons à collecter le jus en novembre et nous arrêtons dès qu'il n'y a plus de jus à collecter. Généralement, lorsque la saison des pluies arrive, vers le mois de juin, la quantité de jus diminue...
Et lorsqu'il pleut, le vent rend difficile l'ascension aux palmiers.
Le jus de palme est sucré lorsqu'il tombe lentement des fleurs du palmier. La fleur peut être soit femelle, soit mâle. Les fleurs mâles sont plus longues, tandis que les fleurs femelles présentent des bosses rondes. Les fleurs femelles se transforment éventuellement en fruits si on leur en laisse le temps.
Pour obtenir ces précieuses gouttelettes de la fleur, il faut grimper au sommet du palmier en utilisant une échelle en bambou... rudimentaire. Il faut exercer une pression sur les fleurs pour que le jus puisse s'écouler. Les techniques de pressage peuvent être différentes d'un endroit à l'autre. Mais Mek Lo, qui travaille dans ce domaine depuis plus de vingt ans, a la sienne.
Tout d'abord, il examine les fleurs pour déterminer celles qui sont prêtes à être comprimées. Ensuite, il compresse une fleur pendant quatre à sept jours. Les outils sont assez simples mais ils sont spécialement conçus pour chaque type de fleur. Le bâton utilisé pour la fleur femelle est rond et long tandis que celui de la fleur mâle présente une surface plate à l'extrémité du bâton.
Il y a généralement trois fleurs par tige pour les fleurs mâles, mais celle du milieu doit être jetée. Dans le cas des fleurs femelles, Mek Lo les comprime pendant un certain temps, puis en coupe les mottes et une extrémité. Après avoir été comprimées, toutes les fleurs sont trempées dans l'eau pendant une journée, puis séchées au soleil pendant une autre journée. Ensuite, il coupe l'extrémité de chaque fleur pour en extraire le jus dans des bambous. La récolte commence par les fleurs mâles parce qu'elles fleurissent en premier.
Mek Lo répétera ce processus encore et encore, grimpant aux arbres pour faire des tailles sur les fleurs et pour changer les bambous deux fois par jour.
Long Ton : Il faut comprimer les fleurs combien de jours pour en obtenir le jus ?
Mek Lo : En général, cela prend environ cinq à sept jours, mais cela dépend aussi des fruits. Par exemple, si le fruit est assez mou, il faudra environ quatre jours, alors que des périodes plus longues sont nécessaires pour les fruits plus durs.
Quant aux fleurs, il faut parfois deux jours pour les immerger dans l'eau. Le nombre de jours augmente si les fleurs sont plus grosses, allant jusqu'à trois jours. Ensuite, les fleurs sont séchées au soleil avant que leurs extrémités ne soient coupées pour recueillir le précieux jus.
On récolte environ deux centimètres [à l'intérieur du récipient cylindrique en bambou] par nuit et cela augmente progressivement au fil des jours. En général, la septième nuit, la récolte atteint la moitié de la bouteille. Dans certains cas, le jus s'arrête à la moitié de la bouteille.
Mais cela dépend aussi du temps qu’il fait. Si le temps est frais, la quantité de jus sera élevée. S'il est sur le point de pleuvoir, la quantité de jus va diminuer ou s'arrêter.
La longueur des fleurs peut aussi modifier la quantité de jus recueillie. Par exemple, de la partie inférieure de la fleur à la section médiane, on obtient 8 à 12 litres de jus, tandis que de la section médiane au sommet de la fleur, on obtient 8 à 10 litres.
Un point important : Les récipients en bambou doivent être bien nettoyés. Si ce n’est pas le cas, le jus se gâtera facilement. Les récipients en bambou doivent être soigneusement lavés et séchés avant d'être rincés une dernière fois à l'eau chaude. Dans certaines régions du pays, les gens brûlent des feuilles de palmier et les pressent ensuite dans les bouteilles pour préserver l'odeur du palmier. Cette technique permet de dégager une odeur agréable tout en désinfectant les bouteilles.
Quand il est récolté, le jus devient trouble et visqueux dès qu’il se trouve dans les bambous. Pour éviter cela et garder le doux et clair, il faut déposer au fond du bambou un peu de bois de shorea roxburghii que Mek Lo appelle propulseur. Ce bois a un goût amer mais c’est sa présence qui va transformer le jus de palme en une boisson douce et savoureuse.
Le propulseur est couramment utilisé dans le cadre du processus et, comme son utilisation est très répandue, les gens ont constamment peur qu'il ne s'épuise un jour.
La marmite qui sert à faire bouillir le jus de palme porte plusieurs noms. Selon la région du pays, elle peut être appelée kok skor ou pong skor. Il faut deux à trois heures pour que l'eau contenue dans le jus de palme s'évapore par ébullition. Pour faire un kilo de sucre, il faut parfois jusqu'à huit ou neuf litres de jus de palme.
Tout au long du processus d'ébullition, la température dans la marmite doit être maintenue et surveillée. Elle ne doit pas être trop chaude pour ne pas faire brûler le sucre. Il faut donc surveiller attentivement le niveau de chaleur et la couleur.
LONG Ton
Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis de traduire cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.
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