Les confinements obligent aussi les travailleurs sociaux à adopter de nouvelles pratiques pour continuer à accompagner les plus démunis. Lepetitjournal.com a rencontré Stéphanie Selle, directrice de Planète Enfants et Développement qui nous explique son action et ses problématiques nés de la pandémie.
Les 7, 8 et 9 avril, Planète Enfants et Développement (PE&D) et son partenaire Sko, une ONG cambodgienne, ont participé à une distribution de riz à 147 familles des communautés urbaines vulnérables de Phnom Penh dans les communes de Chbar Ampov 1 et Chbar Ampov 2, qui ont été particulièrement touchées par la crise du Covid-19.
" Aujourd'hui, je ne sais pas si je suis heureuse ou triste ", a déclaré Stéphanie Selle, directrice nationale de Planète enfant & développement au Cambodge. " Je suis heureuse de vous rencontrer tous, mais je suis aussi triste car le virus rend la vie des gens, votre vie, encore plus difficile que d'habitude. "
La Covid entraine une baisse des revenus
La crise de la Covid-19 a en effet entraîné une importante perte de revenus pour les habitants des communautés urbaines démunies vivant près de la rivière Tonle Sap. Gagnant habituellement leur vie comme conducteurs de tuk tuk, vendeurs de fruits aux restaurants, éboueurs, beaucoup d'entre eux ont perdu leur emploi à cause de la pandémie qui a provoqué la fermeture du pays au tourisme, des bars et des restaurants et une moindre utilisation des tuk tuks.
Sokhanya*, mère de 3 enfants, travaille comme éboueuse pour une entreprise privée. Son mari n'a pas d'emploi, et son seul revenu ne suffit pas à subvenir aux besoins de sa famille. "Avant la Covid, mes enfants complétaient mon salaire en vendant des fruits aux restaurateurs après l'école. La récente crise du Covid-19 nous a fait perdre ce revenu supplémentaire et j'ai donc beaucoup lutté pour trouver une solution afin de nourrir tout le monde." explique-t-elle.
Ce sont les autorités communales qui se sont chargées d'identifier les familles qui ont besoin d’aide.
Pov Huot, chef de la commune de Chbar Ampov 1, a d'abord rencontré les différents chefs de village pour discuter de la manière dont ils pourraient aider les familles vulnérables, puis les agents communaux ont rendu visite à chacune d'entre elles pour évaluer leur situation et identifier celles dans la situation la plus critique. "Nous avons d'abord contacté la Croix-Rouge par le biais du district. La mairie de Phnom Penh a également mobilisé ses ressources. Ensuite, j'ai contacté le réseau des ONG partenaires et les donateurs individuels pour compléter l'action et aider les familles les plus démunies à faire face à la situation. Nous avons également mené des actions de sensibilisation au virus et distribué des masques gratuits tous les jours", déclare-t-il.
Sokhanya est soulagée :
J'ai maintenant de quoi nourrir ma famille pendant deux semaines grâce aux 25 kilos de riz que j'ai reçus”
PE&D soutient depuis 3 ans les communes de Chbar Ampov 1&2, Deaum Chan, Deaum Chan 1 et Preak, avec le projet HALI qui rénove des maisons et mène des micro-projets pour résoudre les problèmes soulevés par les communautés : systèmes d'égouts, ponts... Sov* qui a reçu du riz jeudi 8 a également bénéficié d'une rénovation de sa maison au cours des derniers mois. La composante sociale du projet permet également de soutenir et d'accompagner les familles les plus vulnérables dans la résolution de leurs problèmes psychosociaux et de lutter contre la violence de genre dans les communautés.
Continuer malgré le confinement
Cet accompagnement psychosocial “à la française'', qui consiste à suivre des familles sur quelques mois afin de les rendre plus autonome dans la résolution de leurs problèmes quotidiens (éducation, santé, revenus...), a pu être poursuivi par téléphone depuis la mise en place du confinement à Phnom Penh le 15 avril.
“ Nous arrivons à la fin des 3 ans de la phase 1 du projet HALI, nos travailleurs sociaux connaissent donc bien les situations et les problématiques des familles suivies, ce qui nous permet de continuer à les accompagner même à distance.” explique Stéphanie Selle. “L’association est cependant loin de fonctionner normalement. Nous avons en effet le devoir de protéger nos équipes des zones représentant le plus de risque sanitaire et le confinement nous ferme également l’accès aux communautés que nous suivons habituellement.”
La fermeture des écoles à plusieurs reprises, en particulier, a fortement perturbé l’ouverture et l’activité de Kidora International Day Care , la première crèche de PE&D au Cambodge dans le quartier émergent de Boeung Toumpoung. L'établissement n’a pu ouvrir que deux mois. Cette crèche au concept innovant promeut un modèle de pédagogie active et bienveillante à un tarif abordable pour les tous petits dont les deux parents travaillent. Les revenus engendrés serviront à soutenir les autres projets de l’association et à offrir des bourses pour Kidora aux familles plus vulnérables.
“Nous restons en lien régulier avec les parents depuis la fermeture de la crèche pour les soutenir et leur transmettre des idées d’activités pédagogiques, mais nous avons décidé de ne pas les faire payer. Nous continuons cependant à rémunérer le staff de la crèche par solidarité et équité entre les membres de nos équipes. Cette situation qui dure depuis plusieurs mois affecte fortement notre trésorerie.” déplore Stéphanie Selle.
Concernant la suite de la crise de la Covid-19 au Cambodge et le rôle de PE&D, Stéphanie est claire : “Comme pour la distribution de riz, nous nous inscrivons dans une politique de veille et de soutien des actions prises par les autorités afin d’assurer le renforcement de leurs capacités et l’impact durable de nos actions. Nous cherchons en ce moment des fonds pour être prêts à soutenir d'autres actions urgentes pour les communautés et poursuivre le projet HALI.”
Pour aider Planète Enfants et Développement suivez ce lien.
* Les noms des bénéficiaires ont été changés
Credit photo : Claire Helluin pour PE&D