Voyage ethnobotanique : partons à la découverte de la Fête des eaux au Cambodge et de la consommation d'un mets tout à fait particulier : le "riz aplati" ou "ambok".
La Fête des eaux, en khmer « fête des courses d’aviron » (បុណ្យអុំទូក [bon om touk]) est l’une des plus importantes fêtes traditionnelles du Cambodge. Elle dure trois jours et se déroule les 14ème et 15ème jours de la lune croissante, ainsi que le 1er jour de la lune décroissante du mois de kattika (octobre-novembre dans le calendrier occidental). En 2019, cette fête se déroulait les 11, 12 et 13 novembre.
Outre les courses d’aviron qui opposent de longues barques venues de toutes les provinces du pays, cette fête est marquée par diverses cérémonies, dont les plus importantes sont la mise à flots de petits radeaux décorés dans les rivières et fleuves du pays, des prières à la Lune, et la consommation d’un mets tout à fait particulier : le « riz aplati », ou « ambok » (អំបុក [âm-bok]).
L’ambok est l’équivalent khmer de ce que les Indiens appellent le poha (qui est fabriqué à partir de riz précuit). Le riz aplati khmer est préparé quant à lui à partir de paddy cru.
En pays khmer, la période de la Fête des eaux marque le début de la récolte de riz. Pour fabriquer l’ambok, on utilise donc du riz fraîchement récolté. L’ambok peut être confectionné à partir de riz non-glutineux (អង្ករខ្សាយ [âng-kâ khsai], mais, de l’avis unanime des Khmers, c’est celui préparé avec du riz glutineux (អង្ករដំណើប [âng-kâ dâm-naep]) qui est le plus savoureux.
La fabrication consiste d’abord à faire griller à sec, dans un récipient de terre cuite placé sur un feu de bois, du paddy fraîchement récolté. Lorsque le riz commence à crépiter, il est transféré dans un mortier où il doit être pilé.
On utilise principalement deux sortes de mortiers : des mortiers de petite taille ou des mortiers, de plus grande capacité, actionnés au pied. Les petits mortiers sont en général servis par trois personnes : deux sont armées de longs pilons de bois à l’aide desquels ils pilent le riz en cadence, et une troisième personne, équipée d’une longue spatule, triture les grains de riz en train d’être pilés pour éviter qu’ils ne collent les uns aux autres.
Pendant le pilage, le son se détache des grains de riz. Une fois le pilage terminé, il est nécessaire de vanner le riz ou de le cribler, de façon à ne conserver que les grains aplatis, débarrassés de leur son. Le verbe d’action utilisé pour désigner cette action est « dal » (ដាល់), qui signifie « heurter », employé de préférence à « bok » (បុក), qui signifie stricto sensu « piler ».
L’autre type de mortier utilise un pilon fixé sur une longue planche de bois actionnée au pied. L’opération de pilage est alors désignée par le verbe « choan » (ជាន់), « piétiner, écraser avec le pied ».
Dans le cadre de la Fête des eaux, ce riz est consommé à minuit, le deuxième soir, d’une façon particulière : il est saisi à la main et la poignée est littéralement versée dans la bouche, un peu à la manière d’une personne qui viderait d’un trait un verre de boisson. Le verbe utilisé pour désigner cette action est d’ailleurs le verbe [âk] (អក), « verser dans la bouche ». Cette cérémonie de la consommation du riz aplati pendant la fête des eaux est appelée « âk âm-bok » (អកអំបុក).
S’il est préparé exclusivement pendant la période de la Fête des eaux, l’ambok peut être dégusté toute l’année car, sec et placé dans un contenant à l’abri de l’air, il se conserve parfaitement. On le consomme le plus souvent avec des bananes écrasées, ou encore agrémenté de noix de coco râpée, de sucre et de lait de coco. Avant d’adjoindre ces ingrédients, le riz aplati doit être grillé à sec, de façon à lui redonner sa texture croustillante.
Parfois aussi, on lui adjoint d’autres ingrédients (saucisses de porc débitées en petits dés, petites crevettes séchées, arachides grillées…) pour en faire mets salé.
Sur YouTube, on peut visionner plusieurs vidéos montrant l’opération de pilage du riz pour confectionner l’ambok
Cet article a été publié initialement sur Tella Botanica