Depuis 2019 Salomé Jartoux est venue de nombreuses fois au Cambodge avec son appareil. Elle avait même exposée en 2021 ) la Java bleu. Elle nous offre à voir aujourd’hui la collection de photos que son oncle avait prises quand il était casque bleu en 1993. Un voyage dans un temps pas si lointain mais où tout était différent.
En 1993, alors qu’il avait 21 ans, mon oncle Pierre quitta la France pour une mission militaire de cinq mois au Cambodge. De juin à novembre, il sillona le pays avec son appareil photo argentique en poche. Il en profita pour photographier les gens à l’improviste, dans leur vie de tous les jours.
J’ai découvert ses photos en août dernier, dans notre maison familiale du sud de la France. Près de 200 clichés reposaient dans un carton depuis des décennies. Ce jour-là, ma mère, mon oncle et moi avons passé l’après-midi à tout regarder avec attention. Bien que Pierre sous-estimait la qualité des photos, ma mère et moi étions époustouflées par leur beauté. Les photographies nous plongeaient dans un Cambodge d’autrefois, post-Khmers rouges, encore en état de reconstruction. Des gens marchant dans les rues, jouant de la musique, sans téléphone, vaquant à leurs tâches quotidiennes, à vélo ou à cheval, souriants, et débordants de vie. Chacune de ces photos était belle d’une manière simple, et élégante.
Durant sa mission, Pierre était affecté à Chhuk et Takeo, à mi-chemin entre Phnom Penh et Sihanoukville sur la RN4. Il était membre du bataillon français, 3e mandat de l’Autorité transitoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC). C’était la première fois que les Nations Unies assumaient la responsabilité de l’administration d’un État indépendant, dans le but de démobiliser les factions belligérantes et d’établir un gouvernement stable et élu. Les Khmers rouges étaient toujours présents et le pays avait encore du mal à se remettre de la récente guerre. L’objectif de l’unité de mon oncle était de stabiliser le pays après les élections. Tout en étant pleinement mobilisé dans son travail, Pierre avait encore du temps libre pour explorer le pays, rencontrer le peuple khmer, et, quand le moment s’y prêtait, pour les photographier.
J’ai demandé à mon oncle si je pouvais emporter les négatifs photos avec moi à Paris pour les faire scanner en haute définition dans un laboratoire. Il accepta, et je repartai avec un sac plein de négatifs photo soigneusement classés dans différentes enveloppes numérotées. Un mois après le dépôt des négatifs au labo, les photos numérisées me parvinrent un beau matin par email. Après avoir effectué une sélection sur les quelques 150 photos reçues, je réalisai des retouches mineures sur la couleur et le contraste (certaines photos étaient jaunies ou sous-exposées) dans le but de les rendre le plus proches possible de la réalité. Je suis contente d’avoir pu récupérer ces négatifs. Je peux maintenant, avec l’accord de Pierre, partager son expérience et son travail sur cette période importante de l’histoire du Cambodge.
Depuis 2019, je suis allée à de nombreuses reprises au Cambodge. C’est très intéressant pour moi de voir à quoi ressemblait le pays dans les années 90, et comment il a évolué par la suite. Même si les photos de mon oncle me semblent familières, les regarder m’a fait réaliser à quel point nos deux expériences sont différentes. Trente ans séparent ces photos d’aujourd’hui, même si certains des clichés semblent avoir été pris récemment. En 1993, internet en était à ses balbutiements, il y avait très peu de téléphones portables et pas du tout de smartphones. Peut-être les gens savaient-ils mieux savourer le moment présent.
C’était passionnant de pouvoir discuter du Cambodge avec Pierre, qui a connu Kampot, Phnom Penh et Sihanoukville près de 30 ans avant mon arrivée. Ses efforts auprès des Nations Unies ont contribué à préparer le terrain pour le beau Cambodge que je connais aujourd’hui.
Salomé Jartoux
Retrouvez les photos de Pierre sur le site de Salomé