L'Union européenne a entamé lundi 11 février la procédure de suspension de l'accord Tout sauf les armes dont bénéficie le Cambodge, en raison de « graves insuffisances en matière de droits de l'homme. »
La Commission européenne a officiellement lancé lundi 11 février une procédure de 18 mois qui pourrait mener à la suspension de l’accord Tout sauf les armes, qui permet au Cambodge d’exporter sur le marché européen sans payer de droits de douane.
Le régime préférentiel européen Tout sauf les armes (TSA) permet aux pays en développement d’avoir accès au marché européen pour tous ses produits - armes exceptées - sans avoir à payer de droits de douane. Il est soumis au respect de plusieurs conventions internationales de protection des droits de l’homme et des droits des travailleurs.
L’Union européenne est le plus important partenaire commercial du Cambodge. En 2018, le marché européen représentait 45% des exportations cambodgiennes. Le secteur du textile, qui emploie environ 700 000 ouvriers dont les exportations en direction de l’UE se montent à 4,9 milliards d’euros, pourrait subir de lourdes conséquences en cas de suspension de l’accord préférentiel.
Ni une décision définitive, ni la fin du processus
Selon Cécilia Malmström, commissaire européenne au commerce, le lancement de la procédure ne signifie pas nécessairement que l’accord Tout sauf les armes sera suspendu. « Il faut insister sur le fait que l'initiative prise aujourd'hui ne constitue ni une décision définitive ni la fin du processus. Néanmoins, le compte à rebours officiel a maintenant commencé et des mesures concrètes sont attendues à bref délai. Nous entamons aujourd'hui un processus de surveillance et d'évaluation dans lequel nous sommes prêts à nous engager pleinement aux côtés des autorités cambodgiennes et à coopérer avec elles pour trouver une solution. (...) Notre engagement par rapport à la situation au Cambodge nous a permis d'arriver à la conclusion qu'il existe dans ce pays de graves insuffisances en matière de droits de l'homme et de droits des travailleurs auxquelles le gouvernement doit remédier s'il veut que son pays conserve un accès privilégié à notre marché. »
Le parti du premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis 34 ans, détient la totalité des 125 sièges de l’Assemblée nationale depuis les élections de juillet 2018, marquées par l’absence du CNRP, le principal parti d’opposition dissous par la Cour suprême cambodgienne en novembre 2017. Son président, Kem Sokha, est en résidence surveillée depuis septembre dernier après avoir passé un an derrière les barreaux.
« Ces derniers mois, les autorités cambodgiennes ont pris un certain nombre de mesures positives, notamment en libérant des personnalités politiques, des activistes de la société civile et des journalistes et en levant certaines des restrictions qui entravent les activités de la société civile et des syndicats, a déclaré Federica Mogherini, haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères. Néanmoins, faute de mesures plus convaincantes de la part du gouvernement, la situation sur le terrain remettra en question la participation du Cambodge au régime TSA. »
Le gouvernement cambodgien a réagi en exprimant son « profond regret » face à la décision de l'UE, et a souligné qu'il considérait que cette décision était une « injustice extrême » qui ne prenait pas en compte ses efforts en matière de respect des droits de l'homme. Selon les autorités cambodgiennes, les demandent de l'UE équivalent à une interférence dans la politique du pays.
La chambre de commerce européenne au Cambodge a indiqué que le lancement de cette procédure était contre-productif. « Nous sommes très préoccupés par le fait que cette enquête va envoyer les mauvais signaux par rapport aux perspectives du marché cambodgien à des investisseurs manufacturiers potentiels en 2019, et par une possible suspension en 2020, qui aurait un terrible impact sur l’emploi de centaines de milliers de personnes - souvent des femmes - et de tous ceux qui dépendent de leurs revenus », a indiqué Arnaud Darc, président d’EuroCham. Les chambres de commerce française, allemande, italienne, britannique, du Benelux et des pays nordiques ont indiqué partager ces préoccupations.