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Le développement économique, outil de lutte contre la déforestation

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Crédits : Shruti Suresh, WWF Cambodia
Écrit par Pierre Motin
Publié le 2 août 2018, mis à jour le 2 août 2018

Le WWF a publié en juillet un rapport intitulé Pulse of the Forest à propos de la déforestation dans la région du Grand Mékong. Quelles initiatives pour concilier le nécessaire développement économique de la région et la protection de la nature ? Retour sur ce phénomène et les initiatives prises pour y répondre au Cambodge.

La région du Grand Mékong, qui comprend le Cambodge, le Laos, la Birmanie, la Thaïlande et le Vietnam, est une des zone qui connaît la biodiversité la plus importante au monde. Selon un rapport du World Wildlife Fund (WWF) intitulé Pulse of the Forest, la région est actuellement à la croisée des chemins. Dotés d’économies extrêmement dynamiques, les pays sont face à un défi majeur : quel équilibre trouver entre développement économique et sauvegarde des forêts et de leurs écosystèmes ?

Région la plus boisée au monde dans les années 70, le Grand Mékong a désormais perdu un tiers de sa couverture forestière. Elle risque de perdre un autre tiers entre 2010 et 2030 si la tendance actuelle continue. Les forêts cambodgiennes, qui représentent plus de 8 millions d’hectares - soit 46,9% du Cambodge - sont menacées par le développement agro-industriel à grande échelle et un manque de politiques efficaces de protection des forêts. Entre 2010 et 2014, l’étendue des forêts cambodgiennes diminuait de 4,6% par an.

Selon l’ONG, il est urgent d’agir, aussi bien au niveau du gouvernement que des entrepreneurs, notamment pour mettre fin à l’exploitation illégale des forêts et au braconnage d’animaux sauvages. En effet, aucune autre région n’a connu autant d’extinctions d’espèces d’oiseaux et de grands mammifères. Au Cambodge, les tigres ont été déclarés comme une espèce éteinte en 2016.

Le rapport insiste sur l’importance des forêts pour les populations locales. Les forêts gardent le sol hydraté et aident à créer un couvert nuageux en émettant de vastes quantités d’humidité dans l’air. En outre, les forêts protègent la région des sécheresses et des inondations, et gardent les cours d’eau propres en filtrant les eaux polluées. Depuis plusieurs années, les puits de la région du lac de Tonle Sap s’assèchent à mesure que la déforestation s’accélère.

Thibault Ledecq, coordinateur régional forêts pour le WWF Grand Mékong, considère qu'au delà de la condamnation de la déforestation, il s’agit de penser à la manière dont les forêts pourraient être actuellement mieux gérées. « La déforestation pourrait être réduite si on maximisait les revenus liés à la sylviculture raisonnée. Il faut fournir aux populations l’opportunité de vendre des produits forestiers autres que les bois rares, comme le miel ou le bambou. C’est pour cela que nous avons souligné dans notre rapport le succès de projets qui, même modestes, peuvent contribuer à sauver les forêts. »

Le WWF soutient notamment des projets durables liés à la culture du rotin au Cambodge. « Les gens ne savaient pas récolter le rotin avant que le projet débute », explique Roth Hem, un habitant du village de Prek Thnant. « Ils allaient souvent dans la forêt et coupaient tout ce qu’ils voyaient. » Désormais, les villageois récoltent uniquement le rotin qui a atteint une certaine hauteur, et ne touchent pas les plantes et arbres alentours. « Nous avons travaillé avec Ikea à l’occasion de ce programme de soutien à l’industrie du rotin », indique Thibault Ledecq. « Ils ont amélioré leurs normes après avoir pu discuter avec nos équipes, afin de d’établir un cahier des charges crédible et applicable sur le terrain. En parallèle, nous avons accompagné la création d’une association de producteurs de rotin au Cambodge. »

Dans la province de Koh Kong, un projet de bambou et rotin durables fournit une source de revenus durant toute l'année aux villageois, ce qui signifie qu'ils n'ont plus à quitter leur village pour aller chercher du travail lors de la saison des pluies. Au lieu d'aller travailler dans de vastes plantations proches des zones urbaines, les villageois transforment le bambou récolte en de minces tiges qui seront ensuite vendus pour faire des bâtons d'encens. Leur comité de gestion communautaire de la forêt effectue des patrouilles dans la forêt. Ces patrouilles enlèvent les collets et pièges utilisés par les braconniers et maintiennent les voies coupe-feu de la forêt afin de la protéger d'éventuels incendies.

 

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Crédits : Shreti Suresh, WWF Cambodia

 

L’ONG, qui travaille avec de nombreuses communautés du Ratanakiri, de Koh Kong et des Cardamomes, voit un très important potentiel économique dans une exploitation raisonnée des forêts au Cambodge, qui protège la végétation et la faune. Pour Thibault Ledecq, « le gouvernement protégera plus les forêts s’il réalise le potentiel économique que représente leur préservation ». Le spécialiste des forêts du Grand Mékong souligne qu’il existe actuellement peu de mécanismes politiques et financiers pour aider les petits fermiers vivant dans les forêts. Un travail sur la taxation des produits tels que le bambou, le rotin et le miel signifierait par ailleurs pour les communautés et économies locales une plus grande valeur ajoutée liée à ces activités. Dans un contexte où les voix de la société civile sont parfois vues de manière hostiles, le WWF essaie d’avoir une démarche constructive. « Nous essayons petit à petit de travailler de l’intérieur, changer l’état d’esprit des décideurs. Si la situation des forêts du Grand Mékong est dramatique, la multitude de projets concrets et efficace nous incite à rester positifs. »

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Publié le 2 août 2018, mis à jour le 2 août 2018

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