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INSOLITE – Une fenêtre sur le Royaume de Kim Jong Il

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 15 juin 2009

La fermeture du restaurant nord-coréen de la capitale attire l'attention sur le régime très isolé de Pyongyang.

(Crédit photo-th PPPost)
Le restaurant phnompenhois ?Pyongyang', propriété du gouvernement nord-coréen, a longtemps été une des plus étranges curiosités touristiques de la ville. Depuis son ouverture en 2003, les touristes sud-coréens mais aussi les expatriés étaient nombreux à fréquenter cet établissement du boulevard Monivong, les serveuses toutes originaires de Corée du Nord, en costume traditionnel et le sourire figé aux lèvres, servaient alors un assortiment de Kim chi, de calmars grillés, et des prestations de karaoké des plus stridentes. Pas de portrait du Grand Leader sur les murs, mais ?Pyongyang' donnait à ses clients un rare aperçu du Royaume ermite de Kim Jong Il, ainsi qu'un échantillon de ses spécialités culinaires.

L'énigme est encore plus grande maintenant que le restaurant a été fermé ses portes abruptement en février dernier en même temps que les autres branches de Bangkok, Pattaya ou encore Siem Reap, relançant ainsi les rumeurs quant aux opérations secrètes du restaurant. A l'en croire les experts contactés par le Phnom Penh Post, le restaurant qui comptait parmi la dizaine d'établissements disséminés dans la région à payer des rentes annuelles au régime de Pyongyang, le maintenant ainsi en vie, aurait été durement touché par la crise économique.

Du blanchiment d'argent
Selon le journaliste Bertil Lintner, auteur de recherches très poussées sur la Corée du Nord, le régime de Pyongyang a été forcé au début des années 90 à ouvrir des affaires à l'étranger afin de combler son déficit budgétaire, ce alors que la Chine et l'Union soviétique exigeait qu'il commence à payer ses importations en monnaie dure, plutôt qu'en simple troc. Les restaurants étaient affiliés à cette chaîne de sociétés commerciales contrôlée par le ?bureau 39', le bras financier, et selon Lintner en charge du blanchiment d'argent, du Parti des Travailleurs Coréens. « Les restaurants étaient utilisés pour rapporter de l'argent supplémentaire au régime de Pyongyang, alors même qu'ils étaient aussi suspectés de servir à blanchir les revenus des autres affaires commerciales, beaucoup plus louches, du régime » écrit ainsi Lintner par email, « Les restaurants et les autres sociétés qui génèrent des liquidités, sont souvent utilisés pour faire passer des grosses sommes d'argent que les banques auraient d'ordinaire du mal à accepter en dépôt. »

Sheila A Smith, spécialiste aux affaires japonaises du Conseil aux Affaires étrangères de Washington, dit ne pas avoir connaissance de ces restaurants. Mais elle ajoute toutefois qu'une chute des revenus générés par les activités illicites du régime, et ceux gagnés via la diaspora coréenne au Japon a pu pousser le régime à chercher des sources alternatives de revenu. « Je ne peux pas imaginer qu'ils fassent beaucoup d'argent, mais il faut rappeler que les Nord-Coréens ont désespérément besoin d'argent, quelque soit le montant ! » précise t-elle dans son email, « De manière générale il devient désormais très difficile pour la Corée du Nord d'accéder aux marchés étrangers, la volonté internationale d'étendre les sanctions à son encontre a des effets plus importants que jamais. »

Cité dans un article du Daily NK, créé par des activistes du Réseau Nord Coréen pour la Démocratie et les Droits de l'Homme, un transfuge autrefois responsable d'un restaurant similaire en Chine aurait déclaré que tous les établissements affiliés au ?réseau commercial' du gouvernement de Pyongyang devait verser de 10 à 30,000 dollars par an au régime. « Chaque année la somme totale est comptabilisée au siège commercial de Pyongyang, en cas d'erreur même minime, ou si les résultats ne sont pas bons, alors ils menacent de nous évacuer » raconte le dissident. Les entreprises ?capitalistes' du régime sont toutefois soumises aux règles du marché, et Lintner de citer un diplomate asiatique basé à Bangkok selon lequel les restaurants auraient fermé « en réponse à la situation économique ». Et Lintner d'analyser « Même si ces sociétés ont pour objectif de blanchir de l'argent, il leur faut tout de même couvrir les coûts opérationnels, et maintenir un certain niveau de liquidités pour survivre ».

Une réouverture prochaine ?
Toutefois, les employés du restaurant contactés mardi dernier, laissaient entendre que Phnom Penh n'en avait pas encore fini avec les kitcheries totalitaires de Pyongyang. « Nous allons ré ouvrir bientôt, dans trois mois » a ainsi déclaré un employé contacté par téléphone. Interrogé quant aux raisons de la fermeture, si elle était due à des rénovations, l'employé anonyme aura simplement précisé qu'il fallait « résoudre quelques problèmes », laissant entendre que la crise économique n'était pas la seule responsable.

Moon Young-Soo, manager du restaurant ?Le Seoul' sur le boulevard Monivong, a entendu des rumeurs selon lesquelles le restaurant aurait été fermé suite à des problèmes internes en RPDC sans pouvoir plus élaborer. A en croire un employé d'un établissement voisin du restaurant nord-coréen, lui aussi anonyme, le Pyongyang a fermé après qu'une dispute ai éclaté entre un client et une serveuse nord-coréenne qu'il voulait emmener de force. Si cela est vrai, alors ce n'est pas une première, Daily NK rapporte qu'en 2006 et 2007 des établissements similaires dans les provinces chinoises de Shandong et Jilin ont été forcés à fermer leurs portes après que plusieurs serveuses aient tenté de s'enfuir. Selon un de ces rapports, les serveuses sont soumises à une sélection des plus strictes avant d'être autorisées à travailler à l'étranger, le moindre petit détail douteux peut conduire à leur renvoi. Deux ou trois agents des services de sécurité de la RPDC habiteraient par ailleurs sur place, afin de mieux contrôler les employé(e)s, toute tentative de fuite conduisant à un rapatriement forcé de l'ensemble du personnel. « C'est parce qu'ils veulent être compétitives qu'ils ont du fermer leurs établissements les uns après les autres, il leur est impossible de gérer les problèmes internes, comme le départ des employés. »

L'ambassade Corée du Nord à Phnom Penh n'a pu être contactée pour répondre. Et alors que la nation paria continue de faire la Une avec ses programmes d'armement nucléaire, la réouverture du Pyongyang devrait continuer à attirer les visiteurs désireux d'avoir un aperçu du régime le plus secret de la planète.

Sebastian Strangio et Vong Sokheng de notre partenaire The Phnom Penh Post
Traduit par LePetitJournal.com-Cambodge mardi 16 juin 2009

Retrouvez cet article et le reste de l'actu en anglais sur http://www.phnompenhpost.com

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Publié le 16 juin 2009, mis à jour le 15 juin 2009

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