Nous célébrons aujourd'hui en Argentine le día de la Lealtad. En effet, il y a 75 ans de cela, une grande mobilisation, notamment d’ouvriers argentins, avait lieu sur la Plaza de Mayo pour demander la libération du colonel Juan Domingo Perón. Retour sur ce jour historique qui a marqué la naissance du péronisme.
Les grandes lignes du contexte historique
Le 4 juin 1943 le président Ramón Castillo est destitué et s’installe un pouvoir militaire en Argentine. A l’époque, les quatre mouvements syndicaux principaux du pays (CGT nº1, CGT nº2, USA et FORA) ne s’opposent pas forcément à ce coup d’Etat qui écarte celui qui est considéré comme le dernier président de la Décennie Infâme, marqué par un pouvoir abusif et corrompu. Pourtant, le nouveau gouvernement militaire commence rapidement à étouffer ces syndicats et va jusqu’à dissoudre la CGT nº2 considérée alors comme extrémiste. Législation sur les syndicats, surveillance, arrestation de dirigeants durant les manifestations, très vite les ouvriers réalisent que leurs droits sont bafoués. Face à cette situation, certains représentants syndicaux socialistes tels que par exemple Ángel Borlenghi (socialiste et secrétaire général de la puissante Confédération générale des employés de commerce dans l’ancienne CGT nº2 socialiste), Francisco Pablo Capozzi (de La Fraternidad) ou encore Juan Atilio Bramuglia (de l’Union ferroviaire) s’allient avec des membres du gouvernement favorables aux revendications syndicalistes. Parmi eux on retrouve Juan Domingo Perón.
Peu de temps après, et grâce à la force de cette alliance entre syndicalistes et membres du gouvernement, Juan Domingo Perón est nommé directeur du département du Travail puis Secrétaire d’Etat un mois plus tard. Installé à ce poste et avec l’aide des syndicats, Perón va faire passer de très nombreuses mesures en faveur des ouvriers argentins : mise en place de tribunaux de prud’hommes, adoption du décret 33.302/43 étendant à tous les travailleurs l’indemnité de licenciement, pension de retraite accordée à plus de deux millions de personnes, création du statut d’ouvrier agricole et de celui de journaliste, création de l’hôpital polyclinique pour cheminots, interdiction des agences de placement privées, fondation d’écoles techniques à l’usage des ouvriers, etc. En deux ans, ce ne sont pas moins de 460 conventions collectives qui sont adoptées. Très vite, le fossé se creuse avec d’un côté les personnes soutenant Juan Domingo Perón et demandant sa participation aux présidentielles à venir, et de l’autre ceux soutenant l’ancien président Rawson.
Les jours d’octobre qui s’en suivirent furent mouvementés : le 8 octobre Perón est forcé de démissionner de ces fonctions et le gouvernement est largement remanié. Les manifestations commencent à gronder dans la capitale. Perón décide de s’exiler sur une île avec son épouse mais le président Farell ordonne sa détention quelques jours plus tard. Dès le 15 octobre, des grèves éclatent dans tout le pays et les mobilisations se multiplient pour soutenir l'ex Secrétaire d'Etat. Finalement, les syndicats appellent à une grève générale pour le 17 octobre.
17 octobre 1945 : un tournant politique majeur pour l’Argentine
Le 17 octobre 1945 a lieu une manifestation sans précédent pour réclamer la libération de Juan Domingo Perón, alors emprisonné sur l’île Martín García puis transféré à l’Hôpital militaire central pour raisons de santé. Ce jour-là, pas moins de 200 000 argentins de Buenos Aires et de sa périphérie se réunissent sur la Plaza de Mayo, scandant des slogans à la faveur de Perón. Pour contenir ce rassemblement, le pont du fleuve Riachuelo est brièvement levé pour empêcher l’accès à la ville mais rapidement rebaissé. La police, favorable à Juan Domingo Perón, ne réprimande pas la manifestation. Le nouveau Ministre de la Guerre, Eduardo Ávalos, ne mobilise pas davantage de forces armées, pensant que le mouvement se dissiperait de lui-même. Voyant l’ampleur du rassemblement, ce dernier se décide finalement a aller voir Perón pour lui proposer un accord : le gouvernement démissionnerait et il serait libéré s’il ordonnait la fin de la manifestation.
En fin de journée, Juan Domingo Perón se présente donc sur le balcon de la Casa Rosada et clame son célèbre discours rappelant ses engagements :
Desde hoy sentiré un verdadero orgullo de argentino porque interpreto este movimiento colectivo como el renacimiento de una conciencia de los trabajadores, que es lo único que puede hacer grande e inmortal a la patria
À la suite de cet épisode, le cheminement vers la présidence est engagé par Perón, même si celui-ci avait exprimé son souhait de se retirer de la politique avant que ce mouvement ne se produise.
Le 24 février 1946 ont lieu les élections présidentielles et Juan Domingo Perón l’emporte avec 52,84 % des voix, soit environ 290 000 voix de plus que son opposant de l’Union Démocratique.
Comment célébrera-t-on ce jour national cette année ?
Ce samedi, le día de la Lealtad se célèbrera virtuellement. Ce sont des milliers de participants qui sont attendus. Pour participer à ces festivités, il vous suffit de vous rendre sur la page internet de l'évènement à partir de 13h.
Au programme, des discours de Cristina Cristina Fernández de Kirchner et de Alberto Fernández mais aussi des échanges de vidéos et des images d’archives seront diffusés. Un chat sera également ouvert pour favoriser l’échange.
La participation à cet événement est bien sûr gratuite et ne requiert pas de donner des informations personnelles, seulement une brève inscription avec quelques informations de base. Cette inscription vous permettra de créer votre avatar que vous pourrez positionner virtuellement où vous le souhaitez sur la Plaza de Mayo. Au fur et à mesure que les participants se connecteront, la Plaza de Mayo virtuelle se rempliera, donnant ainsi l’impression d’un véritable regroupement.
Grâce à l’utilisation de l’application VirtualMov, le nombre de participants et leur situation géographique ne sont pas limités. Une manière de célébrer ensemble ce jour unique pour le pays malgré les complications pandémiques actuelles.