Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 4

SAISON FRANCE-ROUMANIE 2019 - Rencontre avec Jean-Jacques Garnier

Jean-Jacques GarnierJean-Jacques Garnier
Photo - Jean-Jacques Garnier
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 10 décembre 2018, mis à jour le 10 décembre 2018

Notre rédaction est allée à la rencontre de Jean-Jacques Garnier, commissaire pour la France de la Saison France-Roumanie 2019. Nous souhaitions approfondir avec lui les enjeux de cette saison ainsi que les retombées possibles pour nos deux pays.

 

 

 

Grégory Rateau: Pouvez-vous nous dire, en quelques mots, quels sont les enjeux de cette saison croisée ?
Jean-Jacques Garnier: La France, via l’Institut Français, organise depuis 32 ans des Saisons, à raison d’une par an, avec à chaque fois des enjeux différents en fonction du pays et des relations que nous entretenons avec ce dernier. L’objectif est quasiment toujours le même, à savoir de mieux se connaître ou se retrouver, de se rapprocher, et de dialoguer afin de favoriser un accroissement des relations diplomatiques et politiques, économiques et culturelles, au sens large.

 

   

En quoi ces évènements peuvent-ils revaloriser l'image des Roumains en France ?

Je crois que l’ignorance et la méconnaissance du pays sont les sources principales des clichés qui perdurent de la part des Français sur la Roumanie et les Roumains. Cette Saison France-Roumanie 2019 a l’ambition, pour sa partie se déroulant en France, de donner au public français l’opportunité de découvrir, parfois redécouvrir, ce pays dans toutes ses composantes et ses richesses, et de pouvoir se faire une idée de la Roumanie de 2019. En éveillant la curiosité et l’intérêt du public, nous voulons faire changer le regard du plus grand nombre sur la Roumanie.

 

 

Que pouvez-vous nous dire des liens d'amitiés existants entre nos deux cultures?  

Depuis que nous travaillons avec Andrei Tarnea, mon homologue roumain, à l’élaboration de cette Saison, nous parlons d’intimité pour qualifier la relation qui lie la Roumanie et la France. Plus d’un siècle d’échanges culturels et de migrations, et pourtant, peu de gens en France savent ce que nous devons à ceux qui sont venus, parfois de très loin, s’établir dans notre pays, ni ce que la culture française doit aux artistes roumains, venus enrichir notre façon de créer, de voir et de représenter le monde. Il suffit de citer Constantin Brancusi, ou encore Eugène Ionesco, Tristan Tzara, Cioran et plus récemment quelqu’un comme Vladimir Cosma. Par ailleurs, nombre de ces artistes ne sont pas identifiés comme Roumains par le public français.

 

 

Beaucoup de Roumains quittent le pays à cause des salaires trop bas ou de la situation politique. Comment peut-on y remédier concrètement ?

Désolé, mais il m’est vraiment impossible de répondre à une telle question d’autant plus que lors de mes missions en Roumanie j’ai rencontré bien plus de jeunes enthousiastes et optimistes (lycéens ou étudiants) qui souhaitent rester dans leur pays et contribuer à son évolution et son développement que le contraire.  Ma réponse n’est pas une réponse diplomatique, mais le témoignage de ce que j’ai réellement vécu.

 

 

L'art/la culture roumain(e) est-il(elle) encore valorisé(e) en France comme il(elle) l'a été par le passé ?

Clairement non, mis à part le Centre Pompidou qui est l’établissement public français qui a le rapport le plus étroit avec le monde des arts visuels roumains et qui continue à faire des acquisitions sur la scène contemporaine roumaine et à la mettre en valeur à travers ses collections permanentes, et également pour certaines galeries privées. Nous sommes dans une société de « zapping » et le mode de consommation culturelle n’est plus le même qu’au XXe siècle, avec l’avènement d’Internet et la segmentation des publics. L’enjeu n’est donc pas, selon moi, à placer sur le terrain de la valorisation, mais sur celui de la visibilité et de l’élargissement des publics pour cette culture.  C’est un peu ce que la Saison souhaite provoquer en s’appuyant à la fois sur ce qui existe déjà (monde associatif, artistes résidents en France, etc.) mais également grâce à tous les opérateurs culturels participants.

 

 

En France la culture est souvent, et à tort, centralisée. Les évènements de la saison seront à ce titre organisés sur tout le territoire et pas seulement à Paris. Pouvez-vous nous parler de cette décision ?  

Je ne suis pas d’accord avec le début de votre question. En effet, en France, les politiques successives de décentralisation du Ministère de la culture ont permis de créer un véritable maillage territorial permettant, au fur et à mesure, de réduire la fracture culturelle qui pouvait exister. Par ailleurs, les collectivités locales (villes, départements, régions) se sont emparées du sujet depuis de nombreuses années en développant des stratégies et des politiques culturelles territoriales ambitieuses, ouvertes à l’international et surtout adaptées à leurs géographies et leurs publics. Mais il est vrai, qu’étant donné la concentration des médias nationaux dans la capitale et un certain germanopratisme du monde culturel, on a tendance à n’entendre parler uniquement de ce qui se passe à Paris. Nous voulions justement nous adresser au plus grand nombre et donc pouvoir être présent sur l’ensemble du territoire français et pas uniquement dans les grands centres urbains, mais également en milieu rural. Nous serons donc présents dans plus de 80 villes françaises et 13 régions dont la Corse. Nous avons véritablement souhaité une Saison pour tous et par tous.

 

 

Quelle est aujourd’hui la situation de la langue française en Roumanie ?

Question importante qui touche à la Francophonie, une des composantes de l’ADN de cette Saison. Selon mes collègues de l’Institut français de Roumanie, qui œuvrent au quotidien dans ce domaine et avec qui nous travaillons à l’élaboration de cette Saison et nos collègues de l’ambassade de Roumanie à Paris, le nombre de francophones en Roumanie se situerait entre 20% et 25% de la population.

Le français reste, derrière l’anglais, la deuxième langue vivante enseignée avec 1,5M d’élèves qui apprennent le français comme LV1 ou LV2 au niveau pré-universitaire

En revanche, au niveau universitaire, nous constatons un net recul depuis une dizaine d’années car les jeunes Roumains ne considèrent pas, à tort je crois, le français comme une langue d’avenir professionnel pour eux. Je dis à tort, car étant donné le nombre d’entreprises françaises ou franco-roumaines implantées dans le pays, il existe de réelles opportunités de carrière et d’emploi. Le repositionnement du français est aujourd’hui nécessaire pour rajeunir l’image de notre langue.

Nous espérons que la Saison va également contribuer à redonner l’envie aux jeunes générations de s’intéresser à nouveau à la culture française, celle de leur temps bien entendu, et à notre langue. 

 

saison-france-roumanie-2019

Flash infos