La rédaction est allée à la rencontre d'un couple vivant en Roumanie, Ioana Daniela Balauta et Pascal Garnier. Elle, est roumaine, professeur de français. Lui, est français, diplômé des Beaux arts et passionné de voyages. Ensemble ils ont décidé de tenter l'aventure franco-roumaine et de crée une agence de voyage "Tara Autentica", pour faire découvrir la Roumanie autrement.
Nous étions conscients du potentiel touristique important de la Roumanie et, malgré son image négative à l'étranger, nous avons souhaité présenter les richesses et la diversité de ce pays.
Pourquoi avoir choisi de venir vivre en Roumanie ?
Pascal: Un coup de foudre pour la Roumanie et la commune de Putna en 1998, à l'origine de la création de l'Association pour le Développement des Ecoles de Putna, dont je suis le Président, représente la première étape de cette aventure. Mais l'événement essentiel fut ma rencontre avec Daniela, fraîchement nommée professeur de français à Putna en 2001. Trois ans plus tard, l'un d'entre nous devait prendre la décision de quitter son pays. Daniela n'était jamais venue en France et avait un emploi fixe, ce qui n'était pas mon cas. De plus, la Roumanie n'était pas encore membre de l'Union Européenne, ce qui posait un problème de reconnaissance professionnelle pour Daniela. Ma disponibilité, ma passion pour la Roumanie et mes nombreuses relations nous sont parus des atouts suffisants pour tenter l'aventure. Ma décision de venir en Roumanie fut plus évidente que je l'aurai imaginé.
A partir de quel moment avez-vous eu l'idée de créer une agence de voyage, Tara Autentica ?
Pascal: En 2004, lors de cette même discussion liée à notre décision de vivre en Roumanie, la question s'est posé de savoir quelle activité professionnelle pouvait nous permettre de poursuivre notre route ensemble. J'avais organisé des expositions et des actions culturelles de promotion de la Roumanie dans la Vienne, mais également pour le patrimoine et la culture en général, toutes ces activités m'ont donc naturellement amené vers le domaine touristique. Mais pour être honnête, l'idée vient de Daniela.
Daniela: Pascal avait plus que moi la culture des voyages, comme de nombreux Français. Nous étions conscients du potentiel touristique important de la Roumanie et, malgré son image négative à l'étranger, nous avons souhaité présenter les richesses et la diversité de ce pays. De même, il était possible d'avoir accès à des formations de guide et d'agent de voyage, pour ceux qui possédaient déjà un diplôme universitaire. Après les Lettres, le tourisme est devenu pour moi aussi une nouvelle passion.
Pour toi Pascal, l'adaptation n'a-t-elle pas été trop difficile ?
Avant de m'installer définitivement, en décembre 2005, j'avais déjà eu l'occasion de beaucoup voyager en Roumanie, d'avoir pu rencontrer de nombreuses personnes extraordinaires et de lier des amitiés solides, notamment dans la commune de Putna, où nous vivons. Les habitants m'ont tout de suite adopté, le fait d'être français représentait certainement un avantage, beaucoup de Roumains étant francophiles, sans pour autant parler le français. Pour ma part, je n'ai pas eu le choix, j'ai dû apprendre à m'exprimer en roumain le plus rapidement possible. (rires) Six mois plus tard je devais obtenir mon diplôme de guide et agent de tourisme, pour recevoir nos premiers clients en 2006. J'ai également souhaité participer à la vie associative locale et départementale, devenir un acteur dans le développement touristique, culturel ou économique.
Le plus difficile a été pour moi d'apprendre la patience. En Roumanie, tout va plus lentement et suit parfois une logique pouvant échapper à une personne habituée à un autre système.
Est-ce que le fait de réaliser ce projet ensemble, et de vous isoler d'une certaine façon, a mis à rude épreuve votre couple ou au contraire l'a consolidé ?
Daniela: Notre projet personnel dans le domaine du tourisme a consolidé notre couple, car il suppose que tu dois lutter pour qu'il devienne réalité. Ce qui était plus difficile au début était d'expliquer à Pascal le fonctionnement de la société roumaine. Il possède un esprit analytique et a besoin de comprendre pourquoi ça se passe d'une manière et pas d'une autre.
Pascal: Daniela a été la cheville ouvrière de la mise en pratique de nos idées. Malgré ma connaissance du pays, beaucoup de subtilités dans le fonctionnement des institutions m'échappaient.
Pour ma part, j'ai utilisé mes connaissances des attentes du public que nous visions pour créer des séjours adaptés.
Cela a donc été un travail d'équipe qui nous a encore plus rapproché, malgré les points de vue différents liés à nos origines.
A quel moment vous vous dites: "ça c est très roumain" ou "ça c est très français" par rapport au comportement de l'autre?
Daniela: Pascal et moi percevons certaines situations chacun à notre manière, en raison d'une éducation ou d'expériences de vie différentes, mais également d'archétypes culturels bien ancrés. Par exemple, Pascal a constamment besoin de se poser des questions, de débattre tel ou tel sujet, « ça c'est très français ».
Pascal: Comme beaucoup de Roumains ayant connu la période communiste, Daniela a parfois du mal à se détacher d'une pensée collective ?traditionnaliste?, accordant peu de confiance dans la capacité des individus à changer les choses, la nécessité d'affirmer ses idées. Une célèbre expression dit d'ailleurs : ?Pendant le communisme nous n'avions le droit de rien dire, aujourd'hui, nous pouvons tout dire, mais personne ne nous écoute?.
Quels sont les destinations les plus prisées par les touristes qui choisissent votre agence ?
Daniela: La Bucovine, Le Delta du Danube et le sud de la Transylvanie sont les destinations les plus demandées. Ce sont également les plus médiatisées en France, malgré un déficit important de la présentation de la Roumanie comme destination touristique.
Pascal: Nous recevons des personnes très intéressées par l'histoire de la Roumanie, méconnue en Occident, par le patrimoine culturel et les traditions encore vivantes. Les plus de 50 ans représentent la majorité de nos clients, les 18/50 ans préférant des destinations plus lointaines ou plus ?exotiques?. Environ 25% des groupes souhaitent associer des randonnées aux découvertes culturelles.
Votre plus belle rencontre lors de vos voyages sur le territoire ?
Daniela: ma plus belle rencontre est celle d'un couple franco-roumain dans le Delta du Danube, Caroline et Petre Vasiliu. Leur passion pour la nature et la manière de la transmettre aux visiteurs est formidable, ainsi que l'exemple donné pour préserver l'architecture traditionnelle en équilibre avec l'un des endroits les plus mirifiques de Roumanie.
Pascal: Il est très difficile de choisir parmi d'innombrables rencontres, certaines transformées en amitiés de presque 20 ans. Je citerai malgré tout un jeune garçon, Ionut, habitant dans une ferme traditionnelle dans le village de Ciumarna en Bucovine, qui avait environ 14 ans lorsque je l'ai connu et que je vois grandir depuis plus de 10 ans. C'est un exemple extraordinaire de passion pour l'agrotourisme, le vrai, de travail et d'optimisme permanent, dans un pays où la majorité des jeunes souhaitent partir ?réussir? à l'étranger.
Quelles sont les nouvelles destinations que vous aimeriez faire découvrir aux touristes dans l'avenir ?
Pascal: Nous proposons déjà depuis plusieurs années des séjours dans des régions un peu moins connues des touristes étrangers, comme les départements de Covasna et Harghita, où vit une forte minorité hongroise, mais également dans le département de Neamt, aux beaux villages habités par des communautés de moniales et proposant de nombreux trésors culturels, comme le musée dédié a la civilisation Cucuteni.
Daniela: Dans l'ouest et le sud ouest, des monts Apuseni aux villages traditionnels, en passant par la superbe citadelle d'Alba Iulia, la ville de Timisoara, qui sera capitale européenne de la culture en 2021, la ville d'Oradea qui fait peau neuve, les citadelles Daces d'Orastie, des montagnes Retezat jusqu'aux Portes de Fer sur le Danube, les découvertes sont innombrables.