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Rencontre avec une amoureuse de la langue française, Dorina Loredana Popi

Rencontre avec une amoureuse de la langue française, Dorina Loredana PopiRencontre avec une amoureuse de la langue française, Dorina Loredana Popi
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 13 décembre 2021, mis à jour le 13 décembre 2021

Cette semaine notre rédaction est allée à la rencontre d'une amoureuse de la langue française, Dorina Loredana Popi, proviseure du Lycée Voltaire de Craiova et récemment nommée Chevalier de l'Ordre des Palmes académiques, par Madame l’ambassadrice Laurence Auer.

 

Les palmes académiques symbolisent une confirmation de l’importance de l’investissement personnel pour une cause commune mais aussi le rassemblement des énergies de toute une communauté francophone, celle bâtie autour du Lycée Voltaire et de la filiale de Dolj de l’Association Roumaine des Professeurs Francophones, que je coordonne depuis 10 ans.

Grégory Rateau: Qu'est-ce que cette récompense représente véritablement pour vous ?

Dorina Loredana Popi: La lettre envoyée par son excellence, Madame l’ambassadrice Laurence Auer qui m’annonçait la nomination comme Chevalier dans l’Ordre est arrivée comme un rayon d’espoir dans un quotidien chargé d’incertitudes.

J’ai éprouvé de la gratitude bien sûr et je remercie son excellence pour cet honneur. Les palmes académiques symbolisent une confirmation de l’importance de l’investissement personnel pour une cause commune mais aussi le rassemblement des énergies de toute une communauté francophone, celle bâtie autour du Lycée Voltaire et de la filiale de Dolj de l’Association Roumaine des Professeurs Francophones, que je coordonne depuis 10 ans. Les grands projets ne se conçoivent pas en solitaire, il y a une kyrielle d’esprits éveillés et empathiques qui ont rejoint mes efforts parmi lesquels  Michel Monsauret, attaché pour la coopération éducative auprès de l’Ambassade de France en Roumanie, Mme Corina Stanila conseillère pédagogique pour les projets bilatéraux de l’Institut Français et du Ministère de l’Education.

Cette distinction représente également une histoire des connexions interhumaines, des gens de valeur, du mentorat. L’appartenance à l’ordre des palmes académiques me rapproche davantage d’une personne que j’ai connue au début de ma carrière et qui a reçu cette récompense en 1997, Madame Ortansa Dumitrescu, inspecteur de français. Elle a su déceler ma passion et ma motivation et m’a offert son appui désintéressé. À ses côtés j’ai appris la leçon de la générosité et comment transmettre aux autres tout en leur permettant de briller.

 

Votre motivation a-t-elle été accrue ?

L’espoir pour la réussite des actions à venir a complété la palette des sentiments ressentis à ces moments-là. Le travail assidu, la persévérance, la résilience, l’altruisme, la solidarité sont des valeurs qui sont appuyées par la récompense reçue. C’est un exemple pour les jeunes dont nous cultivons les esprits et une leçon de la confiance dans la réussite par leurs propres forces.

Je continuerai à œuvrer pour le français et la francophonie par le biais des projets mis en marche il y a à peu près une décennie et qui ont déjà beaucoup d’adeptes tel que La caravane du français dans les écoles maternelles. Il est vrai que la joie et la curiosité des petits découvrant le français par le jeu et les chansons sont un bel exemple de motivation pour tout enseignant mais la reconnaissance du travail apporte sa pierre à l’édifice.

 

La diversité, la multiculturalité, la tolérance, l’ouverture vers le monde sont des valeurs charriées par le français et qui façonnent les esprits des apprenants. On est fiers de dire que, nous, les francophones, nous constituons une communauté dynamique, empathique et intrépide qui facilite l’accès à une multitude de cultures et de civilisations.

Quelle est selon-vous la valeur ajoutée de la langue française pour les jeunes Roumains ? 

Toute langue apprise nous enrichit, nous ouvre des voies tant dans l’espace social que dans le monde professionnel. Mais le français occupe une place de choix parmi d’autres langues enseignées à l’école par son appartenance à la famille des langues romanes qui le rapproche du roumain et par l’histoire de sa présence en Roumanie depuis belle lurette.

La diversité, la multiculturalité, la tolérance, l’ouverture vers le monde sont des valeurs charriées par le français et qui façonnent les esprits des apprenants. On est fiers de dire que, nous, les francophones, nous constituons une communauté dynamique, empathique et intrépide qui facilite l’accès à une multitude de cultures et de civilisations.

Le français devient une compétence valorisable sur le marché du travail pour les jeunes francophones à la recherche d’un emploi vu le nombre croissant d’investisseur français venus s’installer en Roumanie.  

 

Pourquoi, selon vous, cette langue est-elle en perte de vitesse depuis des années ?

Sur un marché concurrentiel où le nombre de ,"produits’" augmente de plus en plus, il n’est pas surprenant que le français n’occupe plus la même place qu’avant 1989 quand on n’étudiait que trois langues étrangères dans les écoles.

Dans le contexte de la mondialisation, le globish a encore la côte mais avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne on espère un retour au multilinguisme. Ainsi le français reviendrait-il sous les feux de la rampe.

 

Ma passion pour le français est née en famille, ma mère, élève au Lycée Fratii Buzesti avait étudié le français et son penchant pour cette langue avait laissé des traces dans la bibliothèque familiale. Des mots glissés dans les conversations et la lectures des classiques français en roumain tout d’abord, ont attisé mon intérêt.

D'où vous vient cette passion pour cette langue ?

Ma passion pour le français est née en famille, ma mère, élève au Lycée Fratii Buzesti avait étudié le français et son penchant pour cette langue avait laissé des traces dans la bibliothèque familiale. Des mots glissés dans les conversations et la lectures des classiques français en roumain tout d’abord, ont attisé mon intérêt.

Le français au collège je l’ai appris d’une manière classique, posée, sans étincelles et découvertes inédites, il y avait à ce moment-là, d’autres méthodes, on apprenait la langue comme un outil à traduction, coupée du monde contemporain, de l’actualité culturelle et sociale, ce qui provoquait un certain handicap lors de la prise de contact avec les natifs.

Au lycée, la musique a fait timidement son apparition dans les cours de français, Jaquel Brel et Patricia Kaas ont ouvert la voie vers cette approche de la langue et de la culture française et francophone.

 

Pouvez-vous nous dire ce qu'elle vous a apporté personnellement dans votre parcours ?

Après une hésitation due à l’insistance de mon père qui rêvait d’une fille médecin, j’ai choisi de suivre ma voie littéraire, éducative, en intégrant la Faculté de lettres de l’Université de Craiova, filière français. La licence littéraire focalisée sur Albert Camus - c’est peut-être de ce courant existentialiste que j’ai hérité ma philosophie professionnelle basée sur le faire" -  a été suivie d’un master en littérature sur Paul Valéry. L’étape suivante de ce parcours construit sur l’amour pour le français a été la thèse sur la littérature de la Shoah, en effet j’ai fait un doctorat en co-tutelle à l’Université de Craiova et l’Université de Limoges avec une soutenance en France.

J’ai longuement réfléchi aux cours de français que j’ai eus en tant qu’élève quand j’ai conçu mes propres cours en tant que professeur. Je considère que la réflexion sur son acte d’enseignement est absolument nécessaire si l’on veut vraiment réussir sa leçon et épargner à nos élèves le "chagrin d’école" dont parle Daniel Pennac, un de mes auteurs préférés.

La voie du management est étroitement liée au français et à la francophonie car être proviseure ne faisait pas partie de mes objectifs mais j’ai eu cette opportunité de travailler au Lycée Voltaire depuis 2015, l’année de sa fondation et j’en suis tombée amoureuse. L’ouverture vers le nouveau, la diversité, l’enseignement centré vraiment sur le besoins des élèves, c’était ce que je cherchais dans une école et j’ai décidé de rester et faire de cette école un établissement où l’on soit heureux d’enseigner et d’apprendre. Cet établissement, ayant le plus grand nombre de classes bilingue français et de français renforcé de la région, est devenu un pôle important de la francophonie et tout ce que nous avons construit pendant ces 5 ans m’ont motivée à réussir le concours pour les directeurs avec la meilleure note du département.

Un autre concept qui m’est cher, c’est l’intelligence émotionnelle, tellement vantée par David Goleman. Apprendre aux élèves d’être les maîtres d'eux-mêmes, de faire de leurs émotions des alliés, est devenu une sorte de cible stratégique au Lycée Voltaire.

D’autre part, ce type d’intelligence augmente les compétences en leadership. David Golemen disait que « diriger, ce n’est pas dominer, c’est savoir persuader les autres de travailler pour atteindre un but commun ». C’est ma croyance, ma mission et mon travail au quotidien.

 

Un message à faire passer aux professeurs qui ont eu des années particulièrement difficiles avec cette pandémie interminable ?

Le professeur doit rester celui qui inspire et motive malgré les temps difficiles. Plus que jamais, l’école doit être l’espace des rencontres heureuses.

grégory rateau
Publié le 13 décembre 2021, mis à jour le 13 décembre 2021

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