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Gault&Millau - Jacques Bally: "En Roumanie, il y a un art de vivre."

Jacques Bally Gault&Millau roumanie interview grégory rateauJacques Bally Gault&Millau roumanie interview grégory rateau
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 14 octobre 2019, mis à jour le 14 octobre 2019

La gastronomie roumaine n'est pas encore connue dans le monde, pour que cela change, Jacques Bally, président du guide Gault&Millau s'est fixé un objectif: faire découvrir l'art de vivre et de manger à la roumaine. Rencontre...

 

 
 

Grégory Rateau: Pour nos lecteurs, pouvez-vous nous dire en quoi consiste le guide Gault&Millau?

Jacques Bally: C'est un univers qui regroupe tous les plaisirs de la bouche dans une zone géographique, dans un pays. On y retrouve principalement les bonnes adresses de restaurations, là où un chef exprime son talent, dans un lieu, un espace de vie, où l'expérience que l'on va vivre est un enchantement par la décoration, l'ambiance, le service, mais surtout par la très forte personnalité de ce que l'on va trouver dans son assiette. Le guide Gault&Millau va vous restituer aujourd'hui en Roumanie comme dans 25 autres pays, les bons endroits où l'on a une très forte personnalisation de l'assiette.

 
Comment procédez-vous pour évaluer des pays aux gastronomies très différentes?
 
En terme de méthodologie, nous avons une grille d'évaluation mondiale. Elle est unique et elle permet à tous les enquêteurs d'arriver à évaluer des restaurants dans leurs zones géographiques de manière uniformisée. Cela veut dire que si on va retrouver une note de 14 à Bucarest, elle sera l'équivalent d'un 14 à Berlin ou à Paris au niveau de la qualité proposée. C'est une grande force, un plaisir pour les voyageurs gourmands qui, à tel endroit, vont se dire "eh bien j'ai des comparatifs similaires". En revanche, il ne faut pas se leurrer, il y a des impératifs culturels de goût. Prenez, par exemple, votre enfance, vous avez été habitué à manger certaines choses auxquelles votre palais s'est habitué, cuisiné par des personnes de votre famille. Ce goût inimitable qui traverse vos papilles sera votre référant durant toute votre vie. Quoi qu'on fasse en terme de formation, de grilles, d'évaluation, il reste une part de subjectivité et c'est ça la richesse d'un terroir. Il reste toujours cette subjectivité aux enquêteurs locaux, liée à leur histoire du goût, à leurs habitudes alimentaires. Cette différence précieuse sera restituée dans notre guide.

 
Pensez-vous que la Roumanie a une chance de faire connaître sa gastronomie dans le reste du monde?
 
Quand je suis en Slovénie on me pose la même question, en Croatie également, en Géorgie, toujours la même. Il faut donc voir les choses sous un prisme différent. Cela peut se faire mais ce ne sera pas facile. Les grandes cuisines internationales, celles qui sont reconnues comme telles, sont la cuisine française suivie de près par la cuisine italienne. Il y a ensuite l'Espagne, les cuisines asiatiques et il y a aussi la cuisine marocaine. En un mot la trilogie kémia, mezze, tapas. Cela fait un tabac dans l'ensemble des concepts de restauration. Cela veut dire que les gens ont voyagé, que les goûts se sont mélangés et donc les marques culturelles ont fait parler d'elles. La cuisine c'est un véhicule culturel incroyable, on réalise à peine son plein potentiel. La force de la Roumanie donc en tant que véhicule culturel et touristique est de dire aux gens: voilà on devient un des éléments du référentiel. Cela va être le travail des chefs et ce ne sera pas de tout repos mais, dans le long terme, cela peut devenir une vraie stratégie payante pour le pays.


Comment y parvenir très concrètement?

Pour un voyageur qui se déplace, son plaisir va être de découvrir la gastronomie du pays, sa spécificité. Il faut donc lutter contre l'invasion des food-trucks et défendre sa culture, son histoire du goût, en proposant des produits de qualité, une certaine authenticité culinaire, du terroir, et en donnant du plaisir. C'est un travail aussi politique, l'office du tourisme doit aussi s'impliquer, les chefs sont les fers de lance mais c'est un travail collectif. L'avantage que l'on a c'est que nous avons cette chance d'avoir 4 millions d'ambassadeurs à l'étranger, 4 millions de Roumains hors des frontières de la Roumanie. C'est le deuxième pays après la Syrie en terme d'immigration et les Roumains gardent souvent leurs racines, leur culture, un goût prononcé pour les traditions, ce qui est quand même assez rare pour un petit pays. Moi quand je viens ici, je constate qu'il y a un art de vivre très marqué, encore faut-il bien le valoriser et encourager les acteurs qui vont contribuer à le faire rayonner.

 
Quelles sont les objectifs du guide Gault&Millau dans les années à venir en Roumanie d'abord, puis, peut-être, dans le reste de l'Europe de l'Est?
 
Notre objectif, au niveau local, c'est la promotion et la mise en valeur de la cuisine et du talent des chefs. Notre volonté est de mettre en avant un art de vivre car vivre est un art et, malheureusement, on va nous priver petit à petit de notre art de vivre et de notre culture. Ce que l'on désire avec ce guide c'est de dire aux gens "si les Roumains sortent beaucoup malgré des moyens parfois limités, qu'ils nous fassent découvrir et vivre à travers leurs espaces de vie." Nous on sera là pour les promouvoir. Pour ce qui est de la vision globale, ce que l'on souhaite c'est de devenir la référence et que les gens nous fassent confiance dans le domaine alimentaire. On reçoit une vague internationale qui balaye tous les comportements alimentaires, on défragmente tous les lieux de restauration, où l'on mange, avec qui, avec quels produits. On veut revenir à des critères qualitatifs qui vous permettront de manger des produits de bonne qualité et dans de bonnes conditions. On appelle cela le concept food-liberty, cette liberté là est énorme mais il faudra des garants, des sécurités. Gault&Millau veut donc devenir le tiers de confiance de cette universalité de la cuisine. Le projet est également éthique et sociétale. Moi j'ai cinquante ans et je sens que j'ai une certaine responsabilité par rapport aux générations suivantes, il faut aussi savoir tirer la sonnette d'alarme, il va falloir penser à la production raisonnée et durable, au bien-être animal, au circuit court, à un certain nombre de choses pour protéger notre planète. Quand on mange des tomates hors-saison, elles ne sont pas bonnes, elles viennent de pays où on les engorge d'eau, autant les manger quand elles sont pleines de goût, de jus, de saveur. Ce qui est vrai pour un produit l'est pour tout le reste, on s'en passera donc sur une courte période pour en faire découvrir de nouveaux et varier ainsi son alimentation.  
 
 
 
 
grégory rateau
Publié le 14 octobre 2019, mis à jour le 14 octobre 2019

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