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COMMUNAUTE – La librairie française Kyralina fête ses 5 ans

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de gauche à droite : Angela Piticaș, Valentine Gigaudaut, Elena Diaconu, Oana Calen, Sabina Suru
Écrit par Franco-Roumanie
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 7 février 2018

Près de Piata Amzei, dans une belle maison ancienne dédiée intégralement à la littérature francophone sous toutes ses formes, des libraires passionnées nous accueillent pour fêter les 5 ans d’existence de la seule librairie française de Roumanie qui a été fondée par Sidonie Mézaize. Ici, les nouveautés du moment côtoient de près des livres moins connus du grand public et qu’elles ont toutes à cœur de promouvoir. Valentine Gigaudaut, sa directrice, parle au nom de toutes les « Kyralinettes », de son métier de libraire, de la promotion de la langue française, de ses lecteurs, et revient avec nous sur ces 5 années, une aventure humaine et littéraire qui n’en finit plus de gagner de nouveaux lecteurs fidèles à une seule et même cause, la promotion de la culture.

 

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Librairie française Kyralina, Strada Biserica Amzei 10, București

 

 

 

Grégory Rateau : Quelques mots pour présenter votre librairie à nos lecteurs ?

Valentine Gigaudaut : Kyralina est la seule librairie française de Roumanie, elle existe depuis 5 ans, c’est la plus grande librairie francophone d’Europe de l’est. On a 7000 références dans 100 mètres carrés et nous sommes ouverts 7 jour sur 7. Nous proposons, mes collègues libraires et moi-même, des ouvrages généralistes, avec une pièce entière dédiée à la littérature jeunesse, de la littérature étrangère, bien entendu avec une valorisation toute particulière accordée à la littérature roumaine écrite ou traduite en français, et un rayon de science humaine qui est très important. On est aussi un lieu de rencontre, un lieu de vie pour nos lecteurs qui peuvent venir s’asseoir et consulter nos livres en toute liberté, recevoir des conseils si besoin de toutes nos libraires qui ont chacune des goûts très différents. Des formats récurrents de rencontres sont mis en place dans nos locaux, mais la librairie n’est jamais opérateur d’événements, nous accueillons, nous animons au besoin, avec toujours au cœur de chaque proposition, les métiers du livre. Nous travaillons avec toutes les institutions francophones que ce soit celles de pays arabes, de la Belgique, de la France, et d’autre. Dès qu’il y a un auteur en visite, ils ont pris le réflexe de nous le dire car ils nous font confiance. On détermine ensuite ce que l’on pourrait faire ensemble. On propose à nos partenaires de valoriser la venue d’un auteur, d’un intellectuel, éditeur, journaliste, traducteur...tous ceux qui, de près ou de loin, participent à la chaîne du métier du livre et ils sont nombreux. L’invité a ainsi l’occasion de rencontrer un public qu’il ne rencontrerait pas forcément ailleurs, toutes les générations sont présentes, d’une ouverture et d’une curiosité assez rare, qui entretiennent avec nous des liens renforcés car nous créons un rapport de grande proximité et d’écoute avec nos lecteurs. Ils deviennent vraiment des amis de la librairie. Nous leur proposons par exemple l’émission de radio « Le sons des mots » avec Radio Roumanie Internationale que j’anime avec l’un des journalistes de la section française, et qui permet de valoriser ainsi un auteur, une personnalité qui a quelque chose à dire sur la Roumanie, qui est venu pour rencontrer son public roumain à l’occasion de la traduction de son livre en roumain ou qui traite directement de ce pays dans son livre.



Vous fêtez actuellement les 5 ans de votre librairie, pouvez-vous nous en parler ?

Chaque année, la librairie a pris l’habitude de fêter son anniversaire et de produire exceptionnellement un événement. Aujourd’hui pour ses cinq ans, nous avons voulu réunir tous nos événements pour qu’ils s’accordent avec cette célébration plutôt que d’en produire un par nous-même. On n’a donc pas fait une journée spéciale comme par le passé mais on a préféré labelliser chaque événement que l’on a accueilli durant toute la période du mois de novembre pour marquer le coup. Tous nos partenaires ont participé de bon cœur, valorisant ainsi leurs événements mais également les 5 ans de la librairie. Ce mois a donc été particulièrement riche en rencontres, en débats, nous avons beaucoup travaillé avec les amis de la librairie qui participent beaucoup, en nous aidant, en faisant du bouche à oreille, en répondant toujours présents. C’est notre objectif premier, faire quelque chose avec ceux qui veulent s’impliquer, échanger, et qui ont l’énergie et la curiosité nécessaires pour rendre ces choses possibles et cohérentes pour notre librairie. Nous accueillerons 4 expositions photo dans nos locaux, pour montrer la Roumanie avec différents regards, l’une des expositions est une vente aux enchères liée à la promotion d’un livre « Contraste » dont les ventes seront entièrement reversées à des associations caritatives francophones. On va terminer de célébrer cette date de naissance avec Gaudeamus et le salon du livre, on ne pouvait pas terminer plus en beauté comme vous le voyez (rire).




La langue française est en perte de vitesse en Roumanie, quel est, selon vous, le rôle d’une librairie française ici à Bucarest ?

Personnellement, je ne fais pas du tout ce même constat, pour moi le français rayonne encore, il suffit de passer une journée à la librairie pour s’en convaincre. Il ne se passe pas un jour sans qu’une grand-mère roumaine ne passe avec ses petits enfants pour leur lire des histoires en français et leur acheter des livres illustrés. C’est un peu différent, je vous l’accorde, pour la génération des trentenaires, la génération de la Révolution, ils se sont mis à l’anglais pour répondre aux demandes du marché. L’ancienne génération s’en veut de ne pas avoir transmis le français à leurs enfants, on parle souvent ici avec des personnes qui nous le disent. Mais ce que je veux vous expliquer, c’est que justement, ce qu’ils n’ont pas pu faire avec leurs enfants, ils ont à cœur de le faire aujourd’hui avec leurs petits enfants. Rien n’est perdu, leur envie de transmission est très forte car ici en Roumanie, n’oublions pas l’importance que joue les grands-parents dans l’éducation des jeunes Roumains. Souvent les parents travaillent à l’étranger, et ce sont eux qui jouent le rôle des parents, d’éducateurs. Même les parents y reviennent d’ailleurs, la littérature jeunesse n’est pas encore très développée ici en Roumanie, la littérature française dans ce secteur attire de plus en plus de parents roumains et nous faisons tout notre possible, via des rencontres, des ateliers pour la rendre accessible à tous et à toutes. La génération prochaine, je relève le pari, sera une génération francophone.




Quel est le profil de votre public ?

On a vraiment tous les publics, toutes les classes sociales, les expatrié français ne représentent qu’une infime partie de notre clientèle. Il y a des étudiants, des enseignants, qui ne parlent pas nécessairement très bien le français mais désirent le perfectionner justement. Notre public francophone roumain représente 70% de notre clientèle et cela nous fait très plaisir à la librairie car nous valorisons cette diversité, nous avons très à cœur de consolider les liens d’amitié franco-roumains comme vous le faites avec votre lectorat.




Pouvez-vous nous décrire la journée type d’une libraire, si une journée type existe ?

C’est une question piège car j’aime entretenir la vision que les gens en ont: des personnes qui lisent toute la journée, entourées de livres. C’est un peu différent dans la réalité je vous l’accorde car il y a beaucoup de choses administratives à gérer, de la paperasse donc, les commandes, le contact avec nos lecteurs, l’accueil et pas mal d’autres choses pas toujours très rigolotes. Je préfère donc que l’on garde cette idée, de quiétude, de recueillement (rire).




Je vous comprends, j’avais moi-même cette image en tête (rire). Revenons à vos lecteurs, quels avantages ont-ils à acheter chez un libraire indépendant tel que vous?

Le contact avec nos libraires premièrement, car ici on propose un véritable échange. Nous n’avons pas de vendeuses, nous n’avons que des libraires, c’est très important de faire la distinction. La formation de libraire n’existe pas en Roumanie. Quand j’ai recruté « les Kyralinettes » je n’ai donc pas cherché des libraires de formation mais « des potentielles », avec une vraie passion pour la littérature, un univers différent, une volonté de partager leur désir de livre à nos lecteurs. Comme je vous l’avais dit, elles ont chacune des goûts particuliers, elles sont responsables de leurs rayons, qu’elles ont choisi de valoriser et qu’elles connaissent bien pour avoir commandé les livres qui le composent. Chacune a donc la liberté de commander les livres qu’elle désire mettre en avant. Nous ne sommes pas là pour vendre à tout prix les nouveautés mais pour mettre en lumière ce que l’on aime et que nous souhaitons faire découvrir à nos clients. Certains s’étonnent de trouver un livre en particulier dans nos rayons mais c’est aussi ainsi que nous élargissons notre lectorat, il y en a pour tous les goûts, nous sortons des sentiers battus pour personnaliser nos rayons et les thèmes que nous choisissons en fonction de la période, des saisons, des sorties, et de nos découvertes. C’est vivant et en perpétuelle évolution. Nous pouvons par exemple valoriser un livre peu vendu, édité par un éditeur indépendant moins visible que d’autres grandes maisons d’édition, car l’une de nos libraires a aimé le livre tout simplement et désire le faire connaître à nos lecteurs. La qualité du livre et ce que l’on ressent à sa lecture, comptent plus que tout le reste, plus que les effets de mode. Notre liberté se ressent auprès de nos lecteurs qui viennent chez nous par plaisir, pour prendre le temps de parler avec nous, de flâner dans les rayons. Nous n’avons pas la pression d’écouler des stocks de livre, nous commandons un livre et si les gens en veulent d’autres exemplaires, nous le recommandons. Deuxièmement, nos prix sont les meilleurs du marché, il s’agit du prix d’origine, que vous soyez ici ou à l’autre bout de la Roumanie, vous ne payerez qu’une fois le livre arrivé entre vos mains. Nous prenons tous les risques car parfois un livre se perd, ou l’éditeur n’avait pas la possibilité de le livrer ici en Roumanie, mais le client, lui, ne sera pas pénalisé. Notre clientèle roumaine grandit aussi car nous sommes les seuls à leur proposer des livres en français à ce prix et à leur offrir la possibilité de venir les consulter sur place, et occasionnellement de rencontrer leurs auteurs. C’est notre plus grande réussite ici, d’arriver à toucher le plus de monde possible et pas seulement des Français, d’ouvrir sur la diversité. Une dernière chose, la librairie est un lieu apolitique, nous valorisons les livres, pas les idéologies, les gens qui viennent à notre rencontre le font donc pour la découverte, et seulement pour cela, ils nous est arrivé de refuser des événements à caractère politique où le livre était en réalité un prétexte et pas une fin en soi. Notre liberté et celle de nos lecteurs, est la chose la plus importante pour nous, notre indépendance tient justement à cela.




Quelle est votre position par rapport au livre numérique ?

Eh bien les livres numériques ont fait très peur aux libraires et aux éditeurs français à leur sortie mais si l’on regarde les chiffres, ils n’ont en rien déstabilisé ou fait de la concurrence au livre papier. Nous ne proposons pas de livres numériques à la librairie mais je constate qu’ils sont très bien faits, parfois enrichis de plein de choses et à mon sens, ils peuvent aussi donner envie aux jeunes de venir vers le format papier pour les lire mais surtout pour les faire lire, les offrir. Ceux qui commandent des livres sur le net ne viennent pas dans les librairies, ils n’en ont pas besoin mais là encore, nous allons revenir à la question du contact, les gens qui viennent veulent un contact physique avec les livres, les feuilleter sur place, en parler avec notre personnel, ils se déplacent car ils recherchent cet échange bien « réel ». Il ne faut pas les opposer, le livre numérique peut être un complément pour de très gros lecteurs, ceux qui lisent sur des tablettes ne lisent pas la même chose que ce qu’ils lisent sur format papier, ce n’est pas le même geste, celui de transmettre. La façon de lire est différente aussi, nous n’avons nous personnellement aucun intérêt à se lancer sur ce marché, aucune plus-value, mais nous ne nions aucunement le fait que cela peut changer la vie de grands nombres de lecteurs ne pouvant pas forcément se déplacer ou transporter leur bibliothèque avec eux.




Vous occuperez un stand au salon du livre. Que pouvez-vous nous dire de plus sur cet événement qui viendra clôturer de manière symbolique la célébration des 5 ans de votre librairie ?

Nous serons jumelés avec le stand du Liban et de la Belgique qui ont décidé, pour nous faciliter la vie, de se mettre l’un à côté de l’autre. Nous nous occuperons donc de ces deux stands pour valoriser la francophonie. C’est une démarche importante pour nous, d’envisager la littérature belge et libanaise et de l’intégrer à notre catalogue francophone. On est très heureux de leur offrir une vitrine et permettre de répondre à de vrais besoins communautaires car il ne faut pas négliger le fait que la communauté libanaise francophone est très bien intégrée ici en Roumanie et très active. Je voulais faire remarquer le fait qu’entre la littérature libanaise et la littérature roumaine il y a énormément de points communs, entre autre, le fait que pour une grande partie de leur littérature, les livres sont écrits en langue française. Il y aura également des livres en arabe, ce qu’il est impossible de trouver ici, des livres français traduit en arabe dans la littérature jeunesse. Cela correspond à une vraie demande de la population arabophone. L’année dernière nous avions déjà fait cela au Bookfest et toute la population des pays du Maghreb a répondu présente et les gens étaient très heureux. Cet événement est l’occasion de valoriser l’ouverture et la promotion des différentes cultures autour de la francophonie.

 

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propos recueillis par Grégory Rateau

 

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