Subhas Chandra Bose, contemporain de Gandhi et Nehru dans la lutte pour l'indépendance de l'Inde, fut longtemps passé sous silence du fait de son alliance avec les Allemands et les Japonais durant la seconde guerre mondiale. Mais, depuis le milieu des années 1990, son nom a refait surface et de nombreux lieux publics ont été baptisés en son honneur. En 2021, le Premier Ministre Narendra Modi a décrété le jour de sa naissance, le 23 janvier, comme le jour de la bravoure (Parakram Diwas).
Qui était Subhas Chandra Bose ? Quelles étaient ses idées et quelles furent ses actions dans la lutte pour l'indépendance de l’Inde ?
Issu d'une grande fratrie, il interrompt ses études
Subhas Chandra Bose est le neuvième enfant d’une lignée de 14 d’une famille bengali de haute caste hindoue. Il est né en 1897 à Cuttack, actuellement dans l’Etat de l’Odisha, mais a suivi ses frères dans leurs études à Calcutta puis en Angleterre. Cependant, il est expulsé du Presidency College à Calcutta pour cause de comportement violent envers un professeur et, plus tard, lorsqu'il est en cours de préparation des examens du Indian Civil Service (pour devenir fonctionnaire indien de l'empire britannique) décide de ne pas se présenter à la dernière épreuve.
Inspiré par les idées de Ramakrishna et Swami Vivekananda (Swami Vivekananda, ambassadeur de la culture spirituelle indienne), il se rend compte de l’héritage spirituel et culturel de l’Inde et considère que son pays est exploité par les colonisateurs anglais.
De retour en Inde, Subhas Chandra Bose suit les pas de son mentor Chittaranjan Das, une personnalité bengalie ayant joué un rôle important dans le mouvement d'indépendance indien et adhère au parti du Congrès. Il en devient le secrétaire général et travaille avec Nehru. Mais, ses idées sur la manière d'accéder à l'indépendance sont en opposition avec la pratique de la non violence prônée par le Mahatma Gandhi. Il est arrêté plusieurs fois par les Anglais pour désobéissance civile et emprisonné.
Une orientation vers le nationalisme, le fascisme et le communisme
Durant les années 1930, Subhas Chandra Bose se rend en Europe, rencontre Benito Mussolini et visite la Russie soviétique dont il s’inspire lors de la rédaction de son ouvrage sur la lutte pour l'indépendance de l’Inde, The Indian struggle 1920 - 1942. Il plaide pour une synthèse du communisme et du fascisme en Inde.
Cependant, tout en étant un partisan de la discipline militaire dans la vie politique et d'un gouvernement dirigé par un parti fort, Bose était opposé au totalitarisme du parti nazi et appelait à la démocratie à la fois au sein et entre les partis politiques.
Rentré en Inde, il continue son action au sein du parti du Congrès mais s’oppose fortement à Gandhi qui lui conseille de former son propre parti.
En 1941, assigné à résidence par les Anglais suite à de nouvelles actions de désobéissance civile, il s'évade et parvient à rejoindre la Russie via l’Afghanistan puis en Allemagne et rencontre Hitler. Son objectif est de convaincre les nazis de l’aider à expulser les Anglais de l’Inde. Finalement, il s’alliera avec les Japonais qui ont ouvert un front oriental en Asie du sud-est.
L’alliance avec les Japonais et l'Azad Hind Fauj
Subhas Chandra Bose, qui porte depuis son passage en Allemagne, le titre de Netaji (leader respecté) recrute les soldats indiens de l'armée britannique faits prisonniers par les Japonais lors de la prise de Singapour et fonde Azad Hind Fauj (l'armée nationale indienne) et un gouvernement indien en exil.
Mais, ses ambitions d’entrer en Inde par le nord-est sont stoppées par la défaite de l'armée japonaise et de son armée lors de la bataille d’Imphal ( L’Inde, contributrice majeure oubliée de la deuxième guerre mondiale) dans le Manipur.
Netaji Subhas Chandra Bose meurt en août 1945 dans l’accident de l’avion qui devait le ramener au Japon. Ses cendres reposent dans le temple de Renkoji à Tokyo. Certains de ses partisans ont longtemps contesté cette version de sa disparition, mais les enquêtes successives n’ont jamais réussi à prouver la thèse d’un Subhas Chandra Bose encore vivant et méditant dans une forêt.
Ouverture des archives sur Subhas Chandra Bose
En 2015, le gouvernement du Bengale occidental ouvre ses archives concernant Netaji Subhas Chandra Bose et à la fin de la même année, le gouvernement national fait de même. Les documents n’apportent pratiquement pas de nouvelles informations sur la disparition du leader indépendantiste mais par contre, sa famille découvre que sa fratrie ainsi que leurs descendants (il avait 13 frères et sœurs) ont été surveillés par le gouvernement indien jusqu’en 1972.
Les archives montrent aussi que le gouvernement indien a payé une pension à la veuve de Subhas Chandra Bose, Emily Schenkl, une Autrichienne avec qui il a eu une fille, Anita Bose Pfaff et qu’il a laissé en Autriche sans revenus pour rejoindre le front japonais en 1942.
Aujourd’hui honoré comme un héros
Vers le milieu des années 1990 avec l'arrivée au pouvoir dans certains Etats de partis nationalistes comme le Shiv Sena dans le Maharashtra, plusieurs lieux publics furent rebaptisés en l’honneur de Netaji Subhas Chandra Bose et plus particulièrement la promenade iconique de Marine Drive à Bombay en 1996. A Calcutta, c'est le gouvernement communiste de l'époque qui renomma l'aéroport international de Dum Dum en aéroport Netaji Subhas Chandra Bose en 1995.
En 2004, le film du réalisateur Shyam Benegal, Netaji Subhas Chandra Bose: The Forgotten Hero, dépeint la vie de Subhas Chandra Bose dans l'Allemagne nazie: 1941–1943 et dans l'Asie occupée par les Japonais de 1943–1945 et les événements conduisant à la formation d'Azad Hind Fauj (l'armée nationale indienne). Le film est primé en Inde et acclamé en Grande Bretagne lors du BFI London Film Festival. Il est présenté lors de la cérémonie pour l’anniversaire de l'indépendance de l’Inde le 14 août 2016.
Plusieurs citations de Netaji Subhas Chandra Bose sont régulièrement reprises par les politiciens indiens et en particulier, Jai Hind (gloire à l'Inde) adoptée par le gouvernement indien ou Dilli Chalo (en route pour Delhi) qui est actuellement le mot d’ordre de la manifestation des agriculteurs contre les réformes du secteur.
Une reconnaissance utilisée comme argument électoral en 2021
La reconnaissance de Subhas Chandra Bose est au centre de la campagne pour les élections législatives au Bengale occidental qui ont lieu en 2021 et pour lesquelles le parti du chief minister actuel, le Trinamool Congress, est en compétition avec le parti au pouvoir au niveau national, le BJP.
Le 23 janvier, Narendra Modi s’est rendu à Calcutta pour une cérémonie commémorative en l’honneur du leader indépendantiste. L'événement a donné lieu à une altercation politique entre le chief minister du gouvernement du Bengale occidental. Cette dernière, Mamata Banerjee a déclaré le jour comme Deshnayak Diwas (jour du héros national) et le premier Ministre a décrété ce jour comme Parakram Diwas, le jour de la bravoure.
L'alliance entre Subhas Chandra Bose et les forces nationalistes et puissances de l’Axe en 1942 semble avoir totalement disparu des mémoires ...