Édition internationale

BLANCHE OBSERVE - Sartre, ton oeil n'a pas bougé d'un cil

Les graphistes de la BNF ont gommé la cigarette de la main du philosophe sans retoucher son regard bancal. Blanche trouve scandaleux ce manque d'égards

Pour mieux saisir l'époque dans laquelle on vit, il faut absolument voir le catalogue sur l'expo que la BNF consacre à Jean-Paul Sartre à l'occasion du centenaire de sa naissance.
Arrêtons-nous un instant sur sa couverture et plus précisément sur la main du philosophe. Nous voilà face à un index et un majeur tendus vers le cosmos. Entre ces deux doigts se dessine un léger vide. On l'appelle aujourd'hui le vide qui tue. Il correspond en effet à l'exact emplacement de la cigarette assassine.
Des graphistes, respectueux de la loi Evin et de la santé publique, ont jugé bienveillant de gommer l'honteux mégot des doigts de Sartre. Aujourd'hui, grâce aux techniques de l'image, on peut être autre que ce qu'on a été. Et c'est une excellente nouvelle à bien des égards auxquels, par manque de place, je vous laisse réfléchir.
Cependant, je trouve les graphistes bien frileux de n'actualiser que l'illustre main.
Pas le look coco
Même si le constat est cruel, il est implacable : la face de Jean-Paul Sartre n'est plus vendeuse. Si BHL correspond toujours aux canons esthétiques en cours, le physique de JPS en 2005 ne ressemble plus à rien. S'il était encore vivant et souhaitait accéder aux débats philosophiques de l'époque chez Marco ou Ardisson, le mec à Simone devrait nécessairement prendre un coach du relooking.
Même mort, un intellectuel qui fume reste une insulte à l'intelligence : donc, c'est la moindre des corrections, on supprime la cigarette. D'ailleurs, j'ose à peine y croire, mais je me demande s'il n'y aurait pas un lien entre JPS le philosophe, et JPS le cigarettier… non, je dois m'égarer. Cela dit, quelle différence y a-t-il entre un intellectuel fumeur et un intellectuel moche ?
Alors qu'ils auraient pu lui retoucher le regard passé d'époque, les graphistes de la BNF ont laissé à Sartre intact son œil claudiquant ! Au nom de quoi une affiche se contente-t-elle de virer le mégot alors que le visage entier aurait mérité lifting ? À quoi ça sert de montrer aux jeunes un philosophe laid comme un pou quand n'importe quel logiciel peut lui refaire la face ?
À moins de sciemment vouloir faire passer JPS pour un pépé à ranger au placard, je ne vois pas.
Blanche BAUDOUIN. (LPJ) 29 mars 2005
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