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BIRMANIE - Sauver ces lieux lointains qui ont inspiré Orwell

Des toiles d'araignées recouvrent les meubles et les pièces sont depuis longtemps désertées dans la maison birmane qu'aurait habitée George Orwell, et que des artistes veulent aujourd'hui transformer en musée.

Et le club où les fonctionnaires coloniaux britanniques venaient tromper leur ennui a été transformé en coopérative à Katha, petite ville du nord de la Birmanie dépeinte par l'écrivain britannique dans son premier roman, "Une histoire birmane".
"Une histoire birmane" a ouvert la voie à "1984" ou "La ferme des animaux". Ces livres critiques de la dictature et du totalitarisme ont une résonance particulière en Birmanie, qui sort de plusieurs décennies sous l'emprise d'une junte militaire.
Dans cette petite ville située sur les bords du grand fleuve Irrawaddy, que l'on gagne par un voyage de 13 heures de train depuis la ville de Mandalay, la maison en bois de deux étages où aurait vécu Orwell, entourée d'un jardin tropical, est inoccupée depuis 16 ans.

Du policier colonial à l'écrivain
Orwell (1903-50), sous son vrai nom Eric Blair, arriva en Birmanie en 1922 et vécut à Katha (Kyauktada dans le roman), travaillant dans la police coloniale britannique, qu'il quitta en 1927 pour une carrière d'écrivain.
"La prison, le poste de police et le cimetière militaire sont dans le livre. Mais ils existent aussi en vrai dans la ville. C'est ce qui m'a amené à me passionner pour +Une histoire birmane+. Aujourd'hui, je fais mon possible pour restaurer tous les bâtiments qui apparaissent dans le livre, afin d'attirer l'attention sur notre pays et sur notre ville", explique à l'AFP le graphiste Nyo Ko Naing.
Avec quelques autres artistes locaux, poètes ou peintres, Nyo Ko Naing essaye d'alerter l'opinion, afin de lever des fonds pour sauver ce patrimoine.
Dans "Une histoire birmane", Orwell est sans concession pour cette bourgade qui "n'avait guère changé depuis l'époque de Marco Polo" et "aurait pu en rester encore un siècle de plus au Moyen-Âge si elle ne s'était révélée un emplacement commode pour y installer un terminal de chemin de fer".
Mais c'est surtout l'ennui des colons dans cette partie de l'empire britannique qui est au centre de ce premier roman, critique de l'impérialisme. D'où l'importance symbolique de lieux comme le club, toujours visible en face de la maison où aurait vécu Orwell.
Au milieu de ce bâtiment transformé en coopérative locale, on peut toujours voir le bar, certes fermé, où les fonctionnaires britanniques venaient s'accouder, passant leur temps à boire et à mépriser les indigènes.

Profondément inspiré par ses années birmanes
"Dans chacune des villes de l'Inde, le Club européen est la citadelle spirituelle, le siège de la puissance anglaise", écrit Orwell, dont les années birmanes ont profondément influencé l'oeuvre et nourri l'engagement contre l'impérialisme et toute forme de régime autoritaire.
"Le fonctionnaire maintient le Birman à terre pendant que l'homme d'affaires lui fait les poches", écrivait-il dans "Une histoire birmane", publié en 1934.
"Orwell s'est énormément inspiré d'ici pour son +Histoire birmane+. Cette maison et tous les autres lieux évoqués dans son livre devraient être transformés en musée", assure Nyo Ko Naing.
Rien n'a été fait sous la junte militaire pour préserver la maison de bois et de briques où George Orwell aurait vécu. Les araignées y tissent leurs toiles et les balcons menacent de s'effondrer.
Quelques lieux emblématiques du livre ont échappé à l'oubli ou à la décrépitude, comme l'église anglicane, toujours en fonctionnement, ou le court de tennis, autrefois interdit à la population locale, qui a été rénové et compte 15 adhérents.
Rares sont les habitants locaux qui connaissent le créateur de Big Brother, mais les touristes sont de plus en plus nombreux à venir à Katha, la plupart attirés par les lieux décrits par George Orwell. "Les gens viennent d'Allemagne, de Suède, d'Amérique. Ils viennent ici pour voir les vrais endroits du roman", confirme le révérend Daniel Say Htan, dans cette ville majoritairement bouddhiste qui compte quelque 2.000 chrétiens.
"Les quelques témoignages que nous avons de gens qui l'ont rencontré pendant ses années birmanes laissent entendre qu'il était un policier tout ce qu'il y a de conventionnel", explique à l'AFP D.J. Taylor, biographe d'Orwell.
"Mais la Birmanie lui a donné la matière première qui a nourri sa pensée plus tard. C'est une étape cruciale de son parcours politique".
(http://www.lepetitjournal.com/bangkok) lundi 16 septembre 2013

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