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Le mariage civil au Liban, une utopie réalisable ?

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Rana et Ryan à la sortie de la mairie de Londres, en 2011 / Photo personnelle de Rana Khoury
Écrit par Raphaëlle TALBOT
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 4 mai 2018

Au Liban, seul le mariage religieux est autorisé. Par conviction ou pour unir des époux de religions différentes, des couples s’unissent civilement à l’étranger. C’est le cas de Rana Khoury et de son mari. Leur histoire témoigne de celles de milliers de Libanais.

 

Célébrer son amour peut être un acte militant. Rana Khoury est chrétienne, Ryan est musulman. Un des deux aurait pu se convertir pour s’unir au Liban. Ils ont choisi de garder leur croyance personnelle et de se marier civilement à Londres. Sept ans après, un enfant est né de leur union et se promène dans leur appartement de Badaro. Sur son balcon et sous un soleil de plomb, elle encourage aujourd’hui les couples à se marier civilement. Elle explique la situation du pays.
 

Presque 25 000 Libanais mariés civilement
Le mariage civil est interdit au Liban. Paradoxalement, le pays le reconnait s’il est célébré à l’étranger. De plus en plus de Libanais sont séduits par cette union. La plupart vont à Chypre pour se marier. L’île méditerranéenne est située à 240km des côtes libanaises et des agences de voyage se sont spécialisées dans ce commerce matrimonial. Le mariage civil n’est pas seulement pratiqué par les couples mixtes, c’est aussi une union par conviction. 

Pour Rana et Ryan, le mariage civil était une évidence. Ils se sont rencontrés sur les bancs de la fac de AUB (American University of Beirut) à Beyrouth. Militants actifs, ils se battaient déjà pour un Etat laïc. Ils ont organisé en 2009 un faux mariage dans un bar. « L’initiative était symbolique, on voulait montrer qu’il était simple de se marier civilement », explique Rana. Depuis, la militante a créé un groupe Facebook avec des amis pour tous ceux qui veulent se dire oui civilement. Une véritable communauté est née. Aujourd’hui, 25 000 membres partagent quotidiennement leur photo de mariage à l’étranger.

En 2011, les amoureux ont décidé de s’unir à Londres, ville où Ryan avait étudié.

 

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Le faux mariage de Rana et Ryan en 2009. Photo Rana Khoury

 

Le poids des institutions religieuses
Au Liban, le mariage est religieux par tradition, mais il a des conséquences économiques. A chaque mariage ou divorce, l’église ou la mosquée récupère une somme d’argent conséquente. Si le mariage civil devient légal au Liban, les institutions religieuses perdraient donc de l’argent. Mais des religieux se sont prononcés en faveur du mariage civil.

Rana est croyante et n’admet pas l’opposition établie entre la religion et le mariage civil : « le mariage civil n’est pas contre la religion. Il doit y avoir une différence entre les croyances et l’Etat ». Son union n’a pas fait l’unanimité dans son entourage. Une partie de sa famille lointaine et conservatrice n’a pas accepté son mariage avec un musulman et son union civile.

Sur le plan administratif, la reconnaissance du mariage mixte n’a pas posé de problème mais les difficultés peuvent apparaître plus tard. Il n’existe pas de cimetière civil par exemple. Rana doit réfléchir à son inhumation. Rana espère un changement et y croit. Pour elle, pas question de se convertir à la religion de son mari pour contracter un mariage religieux. « Je ne veux pas m’adapter au système, je veux me battre pour que le système change », affirme Rana.
 

L’inégalité des droits entre la femme et l’homme
Le statut personnel libanais est religieux. C’est-à-dire qu’une personne est définie et reconnue en fonction de la communauté à laquelle la personne appartient. « Le statut personnel religieux est un statut patriarcal. Dans la plupart des religions, la femme n’a pas les mêmes droits que l’homme », explique Rana. Une fois mariés religieusement, le mari peut interdire à sa femme de voyager avec ses enfants, elle ne peut ouvrir un compte bancaire à ses enfants et en cas de divorce, la garde revient au père.

Selon la loi libanaise, seule l'union consacrée par le mariage civil est reconnue. Toutes les autres dispositions liées au couple marié sont régies par le statut personnel, d'inspiration religieuse. C'est le cas de l'héritage. C'est un problème pour Rana : « mon fils ne peut pas hériter de moi car nous n’avons pas la même religion ». En effet, dans le cas d’un mariage mixte, l’enfant a la même religion que son père et hérite de ce dernier.
 

Un combat de la société civile
Le statut personnel est discuté en ce moment au Parlement. Rana en est convaincue : « le mariage civil va être autorisé au Liban un jour, c’est dans le cours des choses ». Pour elle, cela va passer par le peuple, dans la rue, grâce aux ONG et aux législateurs : « il faut que les politiques soient à la hauteur de la population ». Les élections législatives représentent un espoir pour elle, à condition que les candidats issus de la société civile croient en un Etat laïc. « Pour que ce droit soit acquis, la société doit faire pression ».

 

Raphaëlle Talbot
Publié le 4 mai 2018, mis à jour le 4 mai 2018

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