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« Face au présent » : retour sur la Nuit des Idées à Beyrouth

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compte Twitter : Bruno Foucher, Nicolas Melki
Écrit par Noémie de Bellaigue
Publié le 4 février 2019

A l’occasion de la 4ème édition de l’événement, l’Institut français de Beyrouth a notamment organisé trois débats autour de l’écologie, la liberté d’expression et l’intelligence artificielle en présence d’experts français sur ces thèmes.

 

Pour cette quatrième édition mondiale de la Nuit des Idées, le thème commun aux 90 pays et 200 villes participantes était « Face au présent, lignes de front ». Au Liban, l’Institut français de Beyrouth a concocté un programme de choix : trois tables rondes, un café littéraire, une exposition d’œuvres d’artistes libanais engagés et un concert du groupe Rayess Bek et La Mirza en fin de soirée. Le tout, autour de grands sujets de réflexion d’actualité, l’écologie, la liberté d’expression et l’intelligence artificielle et face à un public principalement composé de jeunes.

 

L’écologie au Liban, un vrai projet de société
Infrastructures défaillantes, espaces verts inexistants, contournement des lois, pollution de l’air et crise des déchets ont rythmé cette discussion mené par quatre femmes autour de la spécialiste des questions environnementales à L’Orient-Le Jour, la journaliste Suzanne Baaklini.

L’architecte Hala Younes, qui a représenté le Liban à la Biennale d’architecture de Venise en 2018,  a souligné que le problème de fond résidait dans la mentalité libanaise, marquée par les conflits, qui relaie l’écologie au second plan des préoccupations. Dans son travail, elle veille à rendre intelligible les enjeux de la préservation de l’environnement au nom de l’éveil des consciences individuelles.

Josiane Yazbeck, représentante de T.E.R.R.E. Liban, a fait entendre la voix des ONG, qui constituent selon elle les seules forces de pression face au gouvernement libanais qui n’applique pas ses propres lois, notamment sur l’urbanisme ou le respect de l’environnement. La juriste a évoqué la problématique de l’eau et des projets de barrage pensés sans études d’impact environnemental.

Jocelyne Gérard, chef du département de géographie à l’USJ, a estimé, elle, que les bonnes questions doivent être posées. Selon la professeure, cela passe par la prise de compte sur la responsabilité de l’homme dans la transformation de la Terre. Sur le débat libanais, elle préconise un changement radical de cap afin de faire évoluer la conscience environnementale des Libanais.

Dénonçant la privatisation et la bétonisation de la côte libanaise, l’architecte Mona Fawaz a expliqué qu’il était possible de concilier développement économique et impératifs écologiques. Elle a également insisté l’importance de changer les habitudes de comportement et de  consommation. Selon elle, le projet de faire de Beyrouth une capitale verte est réalisable, notamment en termes de coût, dénonçant les dépenses superflues consenties par les responsables.

 

Liberté d’expression et limites de la censure

En termes de liberté d’expression, la situation du Liban est paradoxale. Dans les classements mondiaux, le pays est mal placé mais il est sans doute l’un de ceux qui respectent le plus les libertés fondamentales au Moyen-Orient.

A l’occasion de cette table ronde animée par le rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour, Michel Touma, chacun des intervenants a présenté sa vision du sujet. Le chef du bureau des médias à la Sûreté générale en charge de la censure, Mounir Akiki, et le père Abdo Abou Kassem, directeur du Centre catholique d’information, ont expliqué les contours de leur mission. Face aux réprobations du public, ces derniers ont réfuté les accusations de censure tous azimuts, en les justifiant quelques fois au nom de la bienséance.

A contrario, l’assistance a pris fait et cause pour le responsable du Centre SKeyes dirigé par Ayman Mhanna, qui milite pour la liberté d’expression, l’organisateur de la Beirut Pride, Hadi Damien, qui a décrit les difficultés de la communauté LGBT, et la comédienne et activiste Hanane Hajj Ali. Le président de la première chambre au Tribunal de première instance du Mont-Liban pour les affaires civiles, Jad Maalouf, a, lui, noté une évolution de la justice libanaise sur les questions de liberté.

La philosophe française Myriam Revault d’Allonnes a ensuite pris la parole pour remettre le débat en perspective. « En démocratie, le débat doit être ouvert et arbitrable. Il est sans conclusion définitive puisqu’en démocratie, rien n’est jamais acquis et que tout est en permanence mis à l’épreuve de la discussion », a-t-elle expliqué, soulignant dans un deuxième temps que la démocratie peut devenir un danger pour la liberté d’expression, prenant pour exemple le phénomène des fake news, la montée du relativisme ainsi que celle du négationnisme.

 

Intelligence artificielle : sommes-nous les chimpanzés de demain ?

Lors de cette dernière table ronde, exclusivement masculine cette fois-ci, l’enjeu était de comprendre comment l’intelligence artificielle, crée par l’Homme pour faciliter et améliorer sa vie, le menace.

Les intervenants étaient le philosophe français Jean-Michel Besnier, le chercheur en web-science et fondateur de l’entreprise TomKeen, Stéphane Bazan, le fondateur de Beirut Artificial Intelligence Community, Christophe Zoghbi, et le fondateur de la start-up Fig Maher Hassanieah.

Chacun a apporté son expertise pour éveiller le public sur les dangers liés à l’omniprésence du numérique dans un monde fait d’un « maillage entre l’humain, le métallique et l’information », explique Stéphane Bazan, pour cette coexistence soulève le défi de « contrôler les machines que nous créons tout en limitant les pouvoirs que nous leur octroyons ».

Pour M. Besnier, le robot est en passe de prendre le pas sur l’espèce humaine et sera responsable de son extinction dans un futur proche, de la même manière que l’homme a dominé le chimpanzé.

Selon le penseur, la civilisation humaine est vouée à disparaître au profit d’une nouvelle espèce, née de l’intelligence artificielle, qui sera plus résistante au temps et à l’environnement que nous le sommes.

Les intervenants ont également rappelé l’importance d’être vigilants sur internet, rappelant que nous partageons des données qui sont ensuite enregistrées, diffusées et utilisées pout alimenter l’intelligence artificielle des machines.

 

 

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