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L'histoire allégorique des lapins de la Chausseestraße

Plaque lapin en laiton sur la ChausseestraßePlaque lapin en laiton sur la Chausseestraße
© Vianney du Manoir - LPJ Berlin
Écrit par Vianney du Manoir
Publié le 6 décembre 2022, mis à jour le 6 décembre 2022

Si la capitale allemande est connue pour son ours, le lapin aurait pu tout aussi bien devenir le symbole de la ville. Principal habitant du No Man’s Land ayant séparé la ville en deux pendant la guerre froide, il est devenu avec les années un symbole fort de liberté, métaphore des habitants de Berlin piégé dans un espace clos. 

 

La scène peut surprendre sur la Chausseestraße. Dans cette grande avenue de Berlin Mitte, on retrouve badauds et touristes tête baissée, scrutant le sol. Car pour une fois à Berlin, ville reine du street-art, l'attraction n’est pas sur les bâtiments de la capitale, mais bien dans l’asphalte. Des dizaines de lapins en laitons sont en effet disséminés le long de la rue, jusqu'à l'angle avec la Liesenstraße. Marquant l’ancien point de passage entre Wedding à l'Ouest et Mitte à l'Est, c’est une quarantaine de lapins qui sont représentés dans une œuvre d’art surprenante. 

 

Une oeuvre de Karla Sachse

Revenons quelques années en arrière. À la fin des années 90, alors que les vestiges du mur sont encore très présents dans la capitale réunifiée, la ville organise un concours pour marquer d’une oeuvre d’art les anciens points de passage. C’est à ce moment que l’idée du Kaninchenfeld (le champ de lapins) est proposée par l’artiste allemande Karla Sachse. L’idée est simple :  placer 120 lapins en laiton dans le sol, afin de marquer cet endroit historique. Si l’idée semble surprenante, elle s’inscrit en fait dans une tradition qui a fait du lapin un des symboles important du mur de Berlin. 

 

Plaque lapin en laiton
© Vianney du Manoir - LPJ Berlin

 

Le 13 août 1961, le mur est créé. D’abord simple barbelé, il est rapidement amélioré au point de devenir un système militaire complexe, avec des murs de plusieurs mètres de haut, des miradors avec mitrailleuses et des systèmes d’alarme. Si la population de Berlin Est se retrouve bloquée par le dispositif, ce n’est pas le cas des lapins, qui vont rapidement se développer dans les gigantesques bandes de terrain marquant la séparation entre les deux parties de la ville. Avec une herbe à volonté et dans un gigantesque enclos à l’abri des humains et des prédateurs, ils vont rapidement se multiplier, au point de former une véritable colonie. Plusieurs témoignages d’anciens soldats de l’Est et de l’Ouest racontent ainsi que les lapins deviennent les seules sources de distractions durant les tours de garde. En 1989, à la chute du mur, les lapins s’éparpillèrent dans toute la ville, avant de peu à peu disparaître. 

 

Affiche documentaire Les Lapins à la Berlinoise
Le Lapin à la Berlinoise, du réalisateur polonais Bartosz Konopka

 

Rapidement, les lapins se sont inscrits dans la culture populaire. Animal passif et innocent, ils ont vu leurs habitats transformés par les hommes, avant de devoir faire face à une nouvelle réalité à la chute du mur. Le parallèle est ainsi souvent effectué avec les habitants de Berlin : ils ont dû s'habituer à vivre dans un espace limité avant d'être confrontés à un nouveau paradigme lors de la chute du mur. Plusieurs documentaires et courts-métrages existent sur le sujet, le plus connu étant Le Lapin à la Berlinoise du réalisateur polonais Bartosz Konopka. Le court-métrage a notamment été nommé aux Oscars en 2010. Pour ce qui est des lapins de laitons, il n’en reste aujourd’hui qu’une quarantaine, l’urbanisation et le temps ayant fait leur oeuvre. 

 

Lapin en laiton
© Vianney du Manoir - LPJ Berlin

 

 

 

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