Les petits bonhommes des passages piétons, appelés Ampelmännchen, peuplent les rues - ou plutôt les intersections - de la capitale. Reconnaissables à leur chapeau et à leur allure expressive, ils sont devenus un véritable symbole de la capitale allemande.


Une invention typiquement est-allemande
L’Ampelmännchen est l’un des emblèmes les plus connus de Berlin. Ce sont ces petits bonhommes verts et rouges qui indiquent aux piétons s’ils peuvent ou non traverser.
L’idée de séparer clairement les flux de circulation entre piétons et automobilistes est née à Copenhague en 1933, puis s’est répandue ailleurs. Ce n’est qu’en 1957 que les États-Unis introduisent les signaux lumineux “Walk / Don’t Walk”. Mais c’est à Berlin-Est, en 1961, que naît l’idée plus intuitive et visuelle d’un petit personnage lumineux.
Karl Peglau, psychologue du trafic chargé de réduire les accidents, crée alors les figures anthropomorphes expressives : un bonhomme rouge, de face, les bras tendus pour barrer le passage ; et un bonhomme vert en marche, d’un pas décidé, pour encourager à traverser. Tous deux portent un chapeau iconique, qui les rend plus visibles et sympathiques, notamment pour les enfants.
Le succès est tel que l’Ampelmännchen devient un outil pédagogique majeur dans les campagnes de prévention routière, en particulier à travers des émissions de télévision pour enfants en RDA.

Un symbole de la division Est/Ouest
Alors que l’Allemagne de l’Est adopte fièrement l’Ampelmännchen, l’Allemagne de l’Ouest choisit un design plus standardisé et sobre, proche de celui utilisé en France ou dans d'autres pays européens. Cette divergence symbolique reflète plus largement la division idéologique entre les deux blocs.
Même après la réunification, cette différence visuelle perdure dans certaines parties de Berlin. Les Ampelmännchen sont ainsi devenus un symbole persistant de l’héritage culturel de la RDA. Avec la réunification de l’Allemagne en 1990, une politique d’uniformisation des signalisations s’engage dans tout le pays, privilégiant les modèles ouest-allemands. Cette volonté de supprimer les vestiges de la RDA mène à la disparition progressive des Ampelmännchen, jugés obsolètes.
Cependant, dès le milieu des années 1990, de nombreux citoyens de l’ex-RDA s’y opposent. Ils perçoivent ces petits bonhommes comme un repère culturel familier et attachant, loin des idéologies politiques. Ce mouvement citoyen donna lieu à des campagnes de sauvegarde et à la création de comités de défense.
Une renaissance et un phénomène culturel
Le tournant s’opère en 1996, lorsque le designer Markus Heckhausen récupère des verres colorés issus des anciens feux usagés pour créer des lampes décoratives. Devant l’enthousiasme populaire, il fonde en 1999 la société MAKE design GmbH avec la designer Barbara Ponn, lançant la première collection officielle Ampelmann.
Aujourd’hui, AMPELMANN est devenu une véritable marque déposée. On recense plus de 600 produits dérivés : sacs, t-shirts, mugs, cartes postales, etc. Des boutiques spécialisées et même des cafés lui sont consacrés !
En 2005, les villes de Zwickau et Dresde innovent avec l’introduction de l’Ampelfrau, version féminine du personnage. D’autres pays européens, comme les Pays-Bas, le Danemark ou l’Autriche, ont eux aussi adopté ce concept.
Un symbole respecté et une discipline à l’allemande
En Allemagne, le respect des signaux lumineux est une norme sociale forte. Il n’est pas rare de voir des piétons attendre sagement que le feu passe au vert, même en l’absence totale de voitures. Traverser au rouge est mal vu et peut même entraîner une amende de 5 €, voire 10 € en cas de mise en danger.
L’Ampelmännchen symbolise donc bien plus qu’un simple signal lumineux : il incarne la rigueur civique, la pédagogie, mais aussi une certaine nostalgie bienveillante. Il reflète à la fois l’histoire d’une ville divisée, la résilience de ses habitants, et leur capacité à transformer un vestige du passé en icône moderne et universelle.
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