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Avec Eat Small, Véronique met des criquets dans les croquettes

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Écrit par Justine Hugues
Publié le 20 mai 2019, mis à jour le 3 décembre 2020

Franco-canadienne expatriée à Berlin depuis plus d’une décennie, Véronique Glorieux a mis son expérience vétérinaire et ses préoccupations environnementales au cœur d’un projet entrepreneurial original. 

 

Les souvenirs de la ville de Nouakchott, entre désert et mer, fouettée par l’harmattan, Véronique Glorieux les a toujours emportés dans ses bagages. Tombée très tôt dans la marmite de l’expatriation - grâce à sa double nationalité et son enfance en Mauritanie - la franco-canadienne le confesse : « La vie à l’étranger, c’est quelque chose qu’on a toujours eu en nous ». Il y a 12 ans, avec son mari ayant aussi bourlingué, enfant, du Guatemala au Mali, elle quitte le Québec pour Berlin. « L’idée était de partir pour une courte période, et puis chaque année, on prolongeait notre séjour », raconte-t-elle. 

 

Curieuse de tout, elle s’éloigne temporairement du métier de vétérinaire pour butiner dans les médias et la culture. Réalisatrice de documentaires un jour, illustratrice de livres pour enfants le lendemain, elle nourrit aussi ses talents de photographe et chroniqueuse, via un blog et un journal francophone. « Prendre du temps pour faire autre chose, sans savoir où on va, c’est quelque chose je ne l’aurais pas pu réaliser dans mon pays d’origine », admet-elle. Même la maternité n’était pas dans ses plans. Et pourtant, elle suit les premiers pas de sa fille avec bonheur. Jusqu’à ce qu’un jour, dans une école de Kung Fu, elle croise le chemin de Gema, graphiste espagnole également expatriée dans la capitale allemande. Toutes deux partagent le même amour des animaux, le militantisme écolo et l’envie de se lancer dans un nouveau défi professionnel. 

 

Fais le bio, Médor !

 

« J’avais lu un article dans la presse canadienne sur une start-up qui produisait de la nourriture pour chiens à base de grillons, se souvient-elle. J’en ai parlé à Gema et face à son enthousiasme contagieux, on a décidé de monter notre projet ». Eat-Small est née.  Convaincue de la nécessité de trouver des alternatives écologiques et durables à l’élevage industriel et la consommation de viande, Véronique se jette à corps perdu dans le développement de la toute jeune entreprise : « On appelait plein d’éleveurs d’insectes de la région, des experts en nutrition animale. On s’inscrivait à tous les ateliers gratuits sur l’entrepreneuriat ». Objectif : développer une gamme de croquettes nutritives pour chiens et chats, sans souffrance animale ni gaz à effet de serre.  

 

Elle est alors loin d’imaginer les embuches qui l’attendent. « Lorsqu’on participait à des foires, les gens nous regardaient avec des yeux ronds. J’avais aussi beaucoup de difficultés à comprendre la documentation en allemand ou les producteurs. Combien de fois me suis-je dit que ça aurait été tellement plus facile dans ma langue maternelle ! » Qu’importe, elle y arrivera.  « Quand les personnes voient que nos produits sentent bon, que 90% des chiens les aiment et qu’on explique les enjeux, alors les réticences se dissipent », se réjouit-elle aujourd’hui. Bien qu’Eat-Small ne soit pas encore rentable - du fait de coûts de production très élevés - les perspectives sont prometteuses. Depuis la mise sur le marché des quatre premiers produits pour chiens à base de mouches soldat noir, il y a un an, la gamme des croquettes comme le réseau des distributeurs ne cessent de s’étendre. Une trentaine de magasins en Allemagne, en Espagne au Benelux proposent ses produits aujourd’hui. En Suède et en Norvège, à base de ver à farine et à destination des félins, demain. « Les gros joueurs de l’industrie observent des entreprises comme la nôtre, confie Véronique. Sceptiques, ils attendent de voir comment évolue le marché ». Avec des centaines de millions d’animaux domestiques en Europe, les chiffres de production pourraient donc bientôt décoller.

 

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Véronique Glorieux (à gauche) et son associée Gema Aparicio

 

 

L’écologie, fer de lance de son combat

 

Véronique, qui roule à vélo, fabrique ses cosmétiques et produits d’entretien, mange très peu de viande, et « seulement de la viande heureuse », est convaincue qu’une révolution des usages est en train de voir le jour. « Aujourd’hui, on pêche des poissons pour alimenter des poissons d’élevage, c’est complètement absurde. Il ne se passe pas une seule journée sans que l’on se questionne sur nos modes d’alimentation et sur la façon de faire des choix plus écologiques, observe-t-elle.  Par contre, on pense encore rarement au fait qu’un chien, même lorsqu’il pèse 15 kg, consomme presqu’autant de viande qu’un homme ». 

 

Visionnaire ou inconsciente ? L’irréductible optimiste tendrait à choisir la première option : «  On croit en notre projet, même si on a encore beaucoup de chemin à parcourir, notamment sur la sensibilisation ». Quel que soit l’avenir d’Eat-Small, la fierté de Véronique « d’avoir réussi dans une langue étrangère, sans avoir jamais dirigé d’entreprise » n’a pas de prix. 

 

 

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Les deux associées et leurs produits

 

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