Ce lundi 27 février, le député de la 7ème circonscription des Français établis hors de France, Frédéric Petit, organisait, à l’Institut français, une conférence débat ouverte à tous les expatriés français à Berlin sur le thème de la fin de vie.
Cela faisait écho à la convention citoyenne lancée le 9 décembre par la première ministre, Elisabeth Borne, sur ce même thème. 185 citoyens tirés au sort et illustrant l’ensemble de la société française se réunissent à neuf reprises pour faire un état des lieux de la fin de vie en France. Leurs travaux, supervisés par le Conseil économique, social et environnemental, aboutiront le 19 mars 2023 avec la rédaction d’un rapport qui répondra à la question : « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ».
Pour accompagner Frédéric Petit dans l’animation de cette consultation citoyenne, Catherine Vincent, ancienne journaliste au Monde et auteure du livre témoignage La mort à vivre, quatorze récits intimes, était également présente.
La situation actuelle en France et en Allemagne
La conférence a débuté par un état des lieux de la part de Catherine Vincent, relevant de sa propre expérience, sur la question de l’accompagnement en soins palliatifs à domicile. Elle a conclu de cette expérience que la société française n’est pas assez renseignée sur le sujet, a tendance à ne pas s’y préparer et à se retrouver face au mur au moment venu alors qu’affronter la question de « comment va-t-on assurer nos derniers jours » en amont, au calme, serait moins effrayant et propice à une meilleure gestion de la situation.
Les deux intervenants ont ensuite tenté de faire un point comparatif sur le cadre français et allemand concernant :
- l’euthanasie active - soit l'administration délibérée de la substance létale dans le but de provoquer la mort immédiate et sans douleur ; cela suppose le geste d’un tiers,
- et et le suicide assisté - soit l'acte de fournir un environnement et des moyens nécessaires à une personne pour qu'elle se suicide ; différent de l’euthanasie car c'est la personne elle-même qui déclenche sa mort et non un tiers.
En France, bien que les chiffres annoncent 75% de l’opinion publique étant pour une aide active à mourir, les deux procédés sont illégaux. Les seuls législations sur le sujet sont la loi de 1999 sur le droit à l’accès aux soins palliatifs ; la loi Leonetti de 2005, qui ouvre à toute personne majeure la possibilité de rédiger une directive anticipée et qui dispose que les actes médicaux « ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable » ; et la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui autorise une sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le prognostique vital est engagé à court terme.
En Allemagne, le débat est un peu plus abouti. Si l’euthanasie n’y est pas non plus légale, le suicide assisté, lui, est autorisé depuis 2020 par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe mais sans cadre légal. Trois projets de loi sont actuellement à l'étude au Bundestag, et comme il s'agit d'un sujet qui relève de l'éthique, les députés n'ont pas l'obligation de voter selon leur groupe parlementaire.
Les interrogations des Français sur le thème de la fin de vie
Est ce que le vote d’une loi irait avec le déblocage d’un budget pour assurer l’égalité de tous devant la loi ?
D’après Frédéric Petit, le problème du manque de soins palliatifs (NB : 26 départements français ne disposent d’aucune structure de soins palliatifs) ne vient pas d’un manque de moyens financiers mais de barrières sociétales. Selon lui, la société française a une vision négative de la mort et cela ne favorise pas la création de vocations. Il explique que le palliatif n’est pas assez étudié en médecine car cela va à contre-courant de ce pour quoi on les forme, à savoir pour guérir.
Catherine Vincent a appuyé cet argument en ajoutant que : « Les soins palliatifs ne sont pas une médecine qui coûte cher mais c’est une médecine qui n’intéresse pas les médecins ». Le débat est d’ailleurs revenu sur la question de l’acharnement thérapeutique car selon l’éthique française on n’a pas le droit de laisser mourir les gens, alors on tente de les réanimer coûte que coûte. Néanmoins, il a aussi été notifié que comme avec l’avortement, le médecin bénéficierait toujours de la clause de conscience s'il ne souhaite pas pratiquer l’acte.
S'il ne manque alors pas de moyens financiers, l’argent public nécessite peut-être d’être mieux dirigé a conclu le député.
D’après les participants, en Allemagne il serait un peu plus simple de se renseigner sur les directives anticipées notamment avec le document Patienten für Führung mais la question n’est pas vu du même œil selon le Land et les influences religieuses qui s’y trouvent.
Si une loi est votée, quelles seraient les limites à poser quant aux critères d’accès ?
À cette question, le député a expliqué qu’en général cela dépendait de l’âge de la personne concernée. Comme cela concerne majoritairement des personnes âgées ou avec des maladies neuro-dégénératives (sans perspective d’amélioration) l'accès à des solutions pour la fin de vie semble donc plus acceptable.
Cependant, concernant l’accès aux personnes souffrant de troubles neurologiques (bipolarité, schizophrénie, dépression sévère…), il reconnaît que si la question était posée à l’Assemblée aujourd’hui, on se demanderait si une autre solution ne pourrait pas être trouvée. Il entend les premiers critères énoncés mais il souligne l’importance pour lui des directives anticipées qui montrent que la décision vient de loin. Se présentant comme de tradition politique personnaliste, il se dit réticent à ce qu’une décision extérieure à la personne décide de son droit ou non à la fin de vie. Selon lui, on attend beaucoup du législateur mais on doit remettre l’individu au centre du choix. C'est, là encore, un point de débat étant donné la nécessité d’une législation sur la question.
Doit-on autoriser seulement le suicide assisté, l'euthanasie ou les deux ?
Quant à la question de la déresponsabilisation du personnel médical concernant la tolérance du suicide assisté mais le refus de l’euthanasie, Frédéric Petit a précisé que si le suicide assisté devait être voté, il devrait être réellement assisté et non pas une loi de façade.
Quelles solutions envisagées pour avancer sur la question ?
Parmi les solutions discutées lors de cette rencontre, ont été évoqués l’idée d’une incitation explicite par les pouvoirs publics auprès de tous à établir des directives anticipées, puis l'instauration de check up réguliers pour vérifier si ces directives ont évolué. Christine Vincent en a d’ailleurs profité pour citer "Le Conseil National Autoproclamé de la Vieillesse", un organisme non officiel qui souhaiterait créer une consultation de fin de vie non obligatoire à partir d’un certain âge, financée par les pouvoirs publics (comme les dépistages pour le cancer).
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