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Barcelone au cœur de l’amitié franco-espagnole: nouveau cycle pour la cité catalane?

Vue de Barcelone depuis MontjuicVue de Barcelone depuis Montjuic
Henry de Laguérie
Écrit par Henry de Laguérie
Publié le 11 janvier 2023, mis à jour le 23 janvier 2023

Pedro Sanchez a choisi Barcelone pour signer un traité d’amitié inédit avec la France. Il s’agit pour le chef du gouvernement espagnol de montrer que la crise catalane est terminée. C’est un jugement sans doute hâtif. Reste qu’à Barcelone, le fond de l’air a changé et la société est apaisée.

 

Qui l’eut cru ? Cinq ans après un référendum tumultueux marqué par les charges de la police espagnole contre des Catalans désireux de larguer les amarres, Barcelone accueillera le 19 janvier prochain le sommet bilatéral entre l’Espagne et la France. Cinq ans après une déclaration d’indépendance restée sans lendemain et une crise institutionnelle inédite en Espagne, Emmanuel Macron, accompagné d’Elisabeth Borne et d’une partie de son gouvernement signeront avec Pedro Sanchez un traité d’Amitié et de Coopération renforcée au cœur de la capitale catalane. Les relations qu’entretient la France avec l’Espagne seront désormais au même niveau que celle qu’elle a avec l’Allemagne et l’Italie.  

Les meilleures relations possibles avec Madrid

Après plusieurs mois de malentendus, ce rendez-vous qui se déroulera au Musée national d'art de Catalogne (MNAC) est important pour les deux pays. Le MidCat enterré par Emmanuel Macron, les passages frontaliers fermés par Paris depuis deux ans dont la très symbolique route du col de Banyuls et les liaisons ferroviaires faméliques entre Barcelone et l’Hexagone ont nourri quelques rancœurs au sud de la frontière, mais aussi au nord des Pyrénées, de Perpignan à Bayonne en passant par Toulouse. La rencontre Macron - Sanchez sera l’occasion d’évoquer ces sujets, même si concernant l’énergie, un accord a été trouvé avec le projet H2MED, le pipeline d’hydrogène vert qui devrait voir le jour d’ici 2030 entre Barcelone et Marseille. En revanche, les passages frontaliers eux, resteront fermés, au grand dam de Madrid.

Près d’un an après le début de l’agression russe en Ukraine, au moment où les rapports avec Berlin ne sont pas aussi fluides qu’avant et après l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en Italie, Paris a tout intérêt à entretenir les meilleures relations possibles avec Madrid.

 

vue du port de barcelone
Photo Henry de Laguérie

Un tournant pour l’Espagne et la Catalogne

Mais ce sommet est aussi un tournant pour l’Espagne et la Catalogne. En choisissant Barcelone, épicentre de la crise catalane de 2017, Pedro Sanchez veut montrer à l’Europe que la crise catalane ("le procés") est définitivement terminée. Après avoir gracié les prisonniers catalans et réformé le délit de sédition, il n’y a plus de problème catalan à en croire le dirigeant socialiste. Inviter Emmanuel Macron à Barcelone est pour la Moncloa une façon de matérialiser ce retour à la normale. Paris n'y a vu aucun inconvénient, bien au contraire.

Certes, l’indépendantisme et Carles Puigdemont depuis Bruxelles appellent à manifester le jour du sommet au pied de Montjuic. Le président catalan Père Aragones réfute la fin du "procés" mais il sera bien présent au MNAC. Chacun est dans son rôle. Mais quand on s’éloigne des discours politiques et des proclamations, un constat s’impose : 5 ans après, le climat s’est largement apaisé en Catalogne. Et tant pis si à Madrid, dans les rangs de la droite espagnole et de la presse conservatrice, on refuse de le voir tant il est commode d’alimenter le conflit.

A Barcelone, l’indépendantisme réaliste au pouvoir incarné par ERC n’a pas renoncé à son projet mais il admet que la sécession ne se fera pas demain. Les lignes de fracture bougent depuis que le séparatisme radical incarné par Junts est passé dans l’opposition. Aujourd’hui les socialistes catalans pourraient voter le budget d’ERC. Sur le Passeig de Gracia ou plaça Urquinaona, les conteneurs ne brûlent plus. Les émissions politiques de TV3 ne font plus recettes. Les dîners entre amis ou en famille ne tournent plus au pugilat : personne n’a renoncé à ses convictions, mais chacun voit bien que l’heure n’est plus à l’affrontement.

Emmanuel Macron, premier président français à Barcelone depuis Chirac

Est-ce à dire que tout va bien en Catalogne ? Non. Comme ailleurs, les débats sont âpres, les désaccords importants et les problèmes nombreux. Mais la Catalogne tire son épingle du jeu avec un taux de chômage contenu, une capacité à attirer des investisseurs étrangers et une sérénité retrouvée au sein de la société. Si une partie importante de la population désire toujours l’indépendance -un projet politique légitime dans une société démocratique- Barcelone n’est plus un problème aux yeux du monde. Ainsi, Ursula von der Layen était récemment dans la capitale catalane, tandis que Père Aragones était reçu à Bruxelles par plusieurs commissaires européens.

Emmanuel Macron est le premier président français en exercice à se rendre à Barcelone depuis Jacques Chirac en 2005. C’est une visite importante pour les relations franco-espagnoles. C’est aussi et surtout un rendez-vous capital pour les affaires internes de l’Espagne.

Barcelone a vocation à devenir l’épicentre de la Méditerranée

Apaisée, Barcelone n’est pas devenue la capitale d’une Catalogne indépendante et nul ne sait si elle le sera un jour. Mais n’en déplaisent à certains à Madrid, elle ne se résoudra jamais à devenir une ville de province comme les autres. Loin des discours défaitistes, elle n’a pas perdu son dynamisme et son charme.

Capitale de l’amitié franco-espagnole le temps d’une journée, Barcelone a vocation à devenir l’épicentre de la Méditerranée. 

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