L’ouverture à la concurrence du réseau ferré entraîne une véritable révolution en Espagne avec un boom du train à grande vitesse: trois opérateurs proposent désormais des liaisons TGV au départ de Madrid à destination de Barcelone / Saragosse, Valence / Alicante et bientôt l’Andalousie. En revanche, les rames à destination de la France restent à quai.
Depuis Barcelone, on peut aller déjeuner à Madrid pour une cinquantaine d’euros avec un Ouigo ou un train Iryo. Les plages de Valence sont accessibles en 1h30 depuis la capitale espagnole pour une quarantaine d’euros aller-retour.
La libéralisation du rail est applaudie et encouragée par le gouvernement de gauche car elle permet aux usagers de profiter d’une offre bien plus conséquente (50 allers retours chaque jour entre Madrid et Barcelone), à des prix beaucoup plus bas. Le trajet moyen entre les deux villes est passé de 81 à 46 euros. Longtemps sous utilisé, l’immense réseau espagnol de ligne à grande vitesse (le 2e au monde) voit sa fréquentation augmenter au détriment de l’avion.
C’est une bonne nouvelle pour les Espagnols et l’environnement, qui contraste avec l’état lamentable des liaisons ferroviaires entre la France et l’Espagne. Il y a près de 10 ans, nos deux pays inauguraient en grande pompe le tunnel du Perthus, une infrastructure chiffrée à 3.5 milliards d’euros, permettant de connecter le réseau ferroviaire français à l’espagnol. A l’époque, Perpignan s’imaginait devenir un satellite de Barcelone. A Montpellier ou Toulouse, on envisageait des aller-retours quotidiens avec la capitale catalane, facilitant des rendez-vous professionnels ou des weekends de loisir.
On apprend en ce mois de décembre la disparition de deux des quatre liaisons transfrontalières
La déception fut à la hauteur des attentes: des fréquences en nombre limité (4 à 6 allers retours par jour entre la France et Barcelone), des horaires inadaptés (impossible de faire l’aller-retour dans la journée entre Perpignan et Barcelone) et des prix exorbitants. Jamais en près de 10 ans d’exploitation, la SNCF et la Renfe qui ont travaillé ensemble sur ces liaisons n’ont cherché à développer ces lignes. Entre-temps, le Covid est venu à bout de la liaison directe entre Barcelone et Toulouse, la plus espagnole des villes françaises. Rares étaient donc les Français de Barcelone qui pensaient à prendre le train pour se rendre dans l’hexagone.
En délaissant ces liaisons, la SNCF et la Renfe ont laissé le champ libre à l’avion (une vingtaine de vols aller retours chaque jour entre Paris et Barcelone) et aux bus low cost (une dizaine de trajets quotidiens vers la France). Vueling est même allé jusqu’à proposer des vols au départ de Barcelone à destination de Toulouse ou Montpellier : un comble quand on sait que ces villes sont à moins de 400 kilomètres de la capitale catalane.
Difficile de ne pas partager l’opinion des Espagnols persuadés que Paris fait tout pour retarder l’ouverture à la concurrence et donc protéger la SNCF
Mais quand on croyait que ça ne pouvait pas être pire, on apprend en ce mois de décembre la disparition de deux des quatre liaisons transfrontalières. Fini le Lyon-Barcelone et le Marseille-Madrid, opéré par la Renfe en collaboration avec la SNCF. Les deux groupes, aujourd’hui concurrents, ont divorcé et seule la SNCF opère désormais deux trajets vers Barcelone au départ de Paris.
La compagnie espagnole a bien demandé à la France d’opérer dans l’hexagone pour proposer les liaisons transfrontalières que la SNCF délaisse mais curieusement, elle n’a toujours pas obtenu les autorisations car l’homologation du matériel roulant et la formation du personnel pose problème. Difficile de ne pas partager l’opinion des Espagnols persuadés que Paris fait tout pour retarder l’ouverture à la concurrence et donc protéger la SNCF. On comprend leur colère quand on se rappelle que Madrid a déroulé le tapis rouge à la SNCF au printemps dernier.
Le ministre Clément Beaune dit vouloir décarboner le transport et favoriser les déplacements en train. Comment ne pas être d’accord avec lui ? Malheureusement, cela reste un vœu pieux car entre la France et l’Espagne, les Pyrénées semblent toujours aussi infranchissables.