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1-O: La déclaration d'indépendance de la Catalogne fête ses 5 ans en pleine division

Manifestation indépendantiste en Espagne à BarceloneManifestation indépendantiste en Espagne à Barcelone
Roser Villalonga ANC
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 2 octobre 2022, mis à jour le 3 octobre 2022

Cinq ans après le référendum illégal du 1-O, le 1er octobre 2017, le mouvement indépendantiste est au plus bas et plus divisé que jamais. Retour sur un évènement marquant de l'histoire de l'Espagne

 

Il y a un avant et après "1-O" dans l'histoire de la démocratie espagnole. Pour certains, ce fut le jour du coup d'État contre l'Espagne et pour d'autres, celui où le peuple catalan a fait entendre sa voix. Cinq années ont passé et, loin d'être plus fort, le mouvement indépendantiste est plus divisé que jamais.

 

Actuellement plus de 50% contre l'indépendance

La dernière enquête auprès du CIS catalan montre d'ailleurs que 52% des personnes interrogées sont opposées à l'indépendance de la Catalogne, tandis que 41% y sont favorables. Ces pourcentages représentent une augmentation de quatre points chez les opposants à l'indépendance et une baisse de trois points chez les partisans: Ils sont donc revenus au même niveau qu'en 2015.

 

Genèse: le referendum du 9 novembre 2014

Il faut en effet chercher les racines de ce referendum en 2014, pendant le mandat d'Artur Mas. Le dauphin de Jordi Pujol avait alors annoncé un référendum de souveraineté non contraignant pour le 9 novembre de cette année-là. La raison avancée par Mas était le mécontentement généré dans la classe politique et dans une partie de la société par la perte de pouvoirs de l'autonomie catalane suite à la réduction du statut d'autonomie par le Tribunal constitutionnel (TC).

 

Artur Mas annonce le referendum du 9-N
Artur Mas annonce qu'une consultation aura bien lieu le 9 novembre 2014

 

Le référendum, qui n'avait pas été approuvé par l'État, est alors transformé en simple consultation sur "le futur politique de la Catalogne". Même s'il n'a aucun poids,  son impact est sans nul doute décisif sur le résultat des élections à la Generalitat l'année suivante, en 2015, où les partis sécessionnistes ont remporté la majorité absolue des sièges au Parlement, mais pas des voix, en formulant les élections comme un plébiscite sur l'indépendance.

 

bulletin de participation

 

Carles Puigdemont: referendum "sí o sí"

Après ces élections, Carles Puigdemont devient président de la Generalitat, en remplacement de son collègue Artur Mas, et commence à évoquer le mot "référendum" non concerté avec l'État, en prélude à une déclaration unilatérale d'indépendance (DUI) qui semblait alors lointaine mais qui a fini par se concrétiser dans l'hémicycle catalan lui-même.

 

Carles Puigdemont parle au parlement
Discours de Carles Puigdemont le 10 octobre 2017

 

Le 9 juin 2017, Carles Puigdemont annonce que le référendum sur l'indépendance se tiendra le 1er octobre 2017. Il lance alors un défi sans précédent à l'État espagnol afin de réaliser le rêve d'indépendance. Le 1er octobre 2017, le référendum illégal a bien lieu et les indépendantistes arrivent à contourner la vigilance des forces de sécurité en plaçant des urnes dans les écoles. Pour la petite histoire, ces urnes avaient été cachées de l'autre côté des Pyrénées. Le "oui" est censé l'emporter avec 90,1% et Puigdemont annonce alors la déclaration unilatérale d'indépendance, mais la met en attente. Le 27 octobre, la "république catalane, en tant qu'État indépendant et souverain" sera approuvée par le Parlement.

 

des gens manifestent a barcelone
Beaucoup de manifestants pro-indépendance le jour de la Diada 2017

 

La justice poursuit les responsables du "procés"

La réponse du gouvernement central, alors dirigé par Mariano Rajoy, consiste en l'activation de l'article 155 de la Constitution et l'appel forcé à de nouvelles élections en Catalogne. Mais la principale réaction est judiciaire. Carles Puigdemont, 13 anciens conseillers, la Présidente du Parlement et cinq membres de l'Assemblée nationale sont accusés de rébellion, sédition et détournement de fonds publics.

 

 

urnes le jour du referendum
Les urnes utilisées pendant le referendum du 1-O avaient été cachées en France

 

Mais plusieurs leaders responsables du "procés" arrivent à s'évader, dont Carles Puigdemont, qui vit toujours près de Bruxelles. Les autres sont arrêtés et le procès, qui commence en février 2019, durera 4 mois. La Cour Suprême écarte finalement le crime de rébellion et condamne les 12 accusés à des peines de prison pour sédition et détournement de fonds.

 

En juin 2021, Pedro Sánchez, qui a besoin pour gouverner du vote des nationalistes catalans, annonce des grâces partielles aux condamnés pour sédition et détournement de fonds. Sánchez justifie sa décision au motif qu'elle est "la meilleure pour la Catalogne et l'Espagne et la plus conforme à l'esprit de concorde et la coexistence de la Constitution".

 

Aujourd'hui, 5 ans après, l'indépendance est loin de l'unité qu'elle maintenait alors, et le gouvernement autonome, composé d'ERC et de JxCat, les mêmes partis qui gouvernaient il y a cinq ans, risque de s'effondrer.

 

Usure et mécontentement dans les rues

L'érosion des relations entre les principaux partis indépendantistes et l'absence d'un projet clair de construction d'une république catalane ont suscité la lassitude de la population indépendantiste. On a pu le constater clairement lors de la dernière Diada de Catalunya, le 11 septembre. Cette fête est depuis des années un thermomètre du sentiment indépendantiste dans les rues, mais la marche de cette année était la plus petite depuis 2012 et n'a pas été suivie par le président Aragonès ou les ministres ERC, estimant que le manifeste de l'ANC, l'organisation pro-souveraineté qui a organisé la manifestation, les excluait.

 

les 3 présidents descendent les escaliers
Les 3 anciens présidents de la Generalitat, Quim Torra, Carles Puigdemont et Artur Mas, à  la Maison de la Generalitat à Perpignan lors d'une comparution commune /ANC

 

 

Effet Quebec

Cette nouvelle crise d'instabilité politique ne va pas aider à améliorer la confiance des entreprises et investisseurs. La situation catalane d'octobre 2017 a démontré clairement que l'économie et la politique vont souvent de pair. La fuite des entreprises entamée après le référendum organisé par le gouvernement de Carles Puigdemont en 2017 a fait parler d'un "effet Québec". Cette expression fait référence au déclin qu'a connu la capitale de la région francophone du Canada à partir des années 1970 au profit de Toronto, suite à la victoire électorale du Parti québécois souverainiste en 1976 et qui a atteint son apogée après les référendums d'autodétermination de 1980 et 1995.

 

des drapeaux pour l'indépendance aux balcons, en 2017

 

 

Au cours de cette période de cinq ans, le transfert de siège social d'entreprises a dépassé les 7.200, selon les données de l'Association des registres de la propriété et du commerce d'Espagne. Celui de CaixaBank à Valence a été le plus représentatif des mouvements qui, à partir de ce moment, ont été effectués par de nombreuses autres sociétés. La liste des noms était conséquente : Banco Sabadell, Gas Natural Fenosa (aujourd'hui Naturgy), Grupo Planeta, Aguas de Barcelona, Abertis, Catalana Occidente, Codorníu, Grupo Gallo, Cementos Molins, Cellnex, eDreams Odigeo, etc. S'il est vrai que le flot des transferts à la fin de 2017 a considérablement diminué depuis 2019, les soldes annuels sont toujours négatifs. Le bilan de ces cinq exercices, abstraction faite de l'entrée de nouvelles sociétés, fait apparaître une perte de plus de 4.500 sociétés, ce qui prouve que la grande majorité d'entre elles n'ont pas ramené leur siège social dans la communauté. La Catalogne a plus que jamais besoin d'une stabilité politique qui permette de ramener la confiance et avec elle, les entreprises.

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