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Sur la route du chocolat en Thaïlande

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Catherine Vanesse
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 12 juin 2020

Malgré un marché intérieur modeste, la Thailande compte un nombre croissant d'artisans chocolatiers. Entre le développement de la gastronomie dans le royaume et les ambitions internationales de certains professionnels, la tendance est en passe de se poursuivre.

Les Thaïlandais mangent en moyenne 120 grammes de chocolat par an, loin de la consommation annuelle des Belges qui s’élève à 8 kilos! Une différence de poids qui n’a pas empêché un accroissement du nombre d’artisans chocolatier en Thaïlande ces dernières années. D’un côté, on retrouve des marques internationales comme Royce, Melt Me, Godiva, Mrs. Flowers Chocolates, Duc de Praslin (Gallothai) et de l’autre côté des marques thaïlandaises qui proposent des barres chocolatées 100 % made in Thailand telles que Mark Rin, Siamaya, Kad Kokoa, Aimmika, Paradaï, Shabar, Xoconat, etc. s’imposent peu à peu sur le marché local. 

Selon le Docteur Sanh La-Ongsri, fondateur de Mark Rin Chocolate à Chiang Mai, les premières cultures de cacao remontent au début du 20ème siècle et les premières recherches datent de 1974.

Depuis près de 30 ans, le Dr Sanh étudie les spécificités du cacao, du thé et du café en Thaïlande pour l’Université Maejo, tandis que son épouse Kanokked La-Ongsri a commencé à produire du chocolat en vrac pour le milieu industriel au début des années 2000. A eux deux, ils sont un peu les parents du chocolat en Thaïlande, mais ce n’est qu’en 2012 qu’ils lancent leur propre marque de chocolat “Mark Rin Chocolate” et se mettent à le vendre sous forme de tablettes. 

Culture du cacao en Thailande
Entre son usine et sa maison, le Docteur Sanh La-Ongsri cultive ses propres cacaoyers. Photo Catherine Vanesse

 “Au départ, la volonté n’était pas de vendre, mais plutôt de continuer les recherches. Avec la pratique et l’expérience, proposer un produit fini permet de soutenir les fermiers”, explique Irin, la fille aînée dont le prénom et celui de son frère composent le label et qui a rejoint l’entreprise familiale après ses études. Dans le nord de la Thaïlande, la famille La-Ongsri travaille avec près de 3.000 fermiers. 

Un soutien qui s’est avéré nécessaire avec la fermeture en janvier 2016 de l’usine du géant suisse du chocolat Barry Callebaut. Installée à Bang Kapong dans la province de Chachoengsao depuis 1989, Callebaut était le principal acheteur des fèves de cacao en Thaïlande, avec sa fermeture, de nombreux agriculteurs se sont retrouvés avec des fèves dont ils ne savaient que faire.

Culture du cacao en Thailande
Des fèves de cacao fraîchement torréfiées, un processus délicat dans lequel la qualité des fèves, l’humidité, la chaleur sont autant de facteurs qui peuvent influencés ses saveurs.  Photo courtoisie Mark Rin

La récolte de fèves de cacao en Thaïlande est estimée à un millier de tonnes par an, loin des pays comme la Malaisie (10.000 tonnes), le Vietnam (50.000 tonnes), l’Indonésie (100.000 tonnes). Actuellement, les plantations se situent principalement dans les provinces de Nakhon Sri Thammarat, Chumphon, Ranong, Prachuap Khiri Khan, Chantaburi, Lamphun, Chiang Mai et Nong Khai. La plupart de ces fermiers ne vivent pas que des fèves de cacao, l’arbre pouvant facilement se déployer au milieu d’autres cultures comme le durian, les mangoustans, les cocotiers, il faut plus souvent partie d’une diversification des cultures. 

Le boom de la gastronomie

Pour autant, la disponibilité des fèves de cacao ne répond pas à elle seule à l’émergence d’artisans chocolatiers en Thaïlande. “La tendance ‘Bean to Bar - de la fève à la tablette’ a démarré aux États-Unis et en Europe il y a une dizaine d’années, la Thaïlande n’a pas une culture du chocolat par contre elle a une culture gastronomique, cela a juste pris un peu plus de temps avant d’arriver ici”, explique Neil Ransom, cofondateur de Siamaya à Chiang Mai. 

Culture du cacao en Thailande
 Kad Kokoa met en avant les différentes origines des fèves de cacao en proposant des barres chocolatées de Prachuap Khiri Khan, Chumphon ou Chiang Mai. Photo courtoisie Kad Kokoa

De son côté, le chef Remy Janicot de Kad Kokoa, une chocolaterie installée à Bangkok, confirme que la Thaïlande connaît une explosion gastronomique comme en témoignent l’arrivée du Guide Michelin et la variété des restaurants dans la capitale. 

Livres, YouTube et expérimentations tels sont les outils de Phurich Tanawut, chocolatier et associé de Paradaï à Bangkok et Phromwiharn Bumroongthin fondateur d’Aimmika à Chiang Mai. “La première fois que j’ai voulu faire du chocolat, j’ai torréfié les fèves à la poêle avant de les concasser avec un pilon dans un mortier” s’amuse Phromwiharn. Des collaborations existent également entre les artisans, Aimmika, Siamaya et Mark Rin travaillent souvent ensemble pour trouver les meilleurs fèves ou se prêter du matériel pour la torréfaction. 

“Le chocolat artisanal en Thaïlande est un marché de niche et tous les chocolats que l’on trouve pour le moment sont assez surprenants, se comparer avec eux, cela permet de se poser sans cesse des questions et de continuer à évoluer” précise le Chef Remy. 

Culture du cacao en Thailande
Paradaï a fait le choix de ne se fournir qu’en fèves de Nakhon Sri Thammarat pour proposer des tablettes allant de 72 % à 100 %. Photo courtoisie Paradaï

Un marché émergent qui ne permet pas encore aux artisans de ne produire que des tablettes de chocolat. Aimmika produit son chocolat en marge de son restaurant de cuisine végétarienne à Chiang Mai, tandis que Kad Kokoa et Paradaï accueille les visiteurs dans un espace de dégustation avec au menu un large choix de boissons chocolatées, de pralines ou de gâteaux. De son côté, Mark Rin produit aussi du chocolat en vrac qui est utilisé par des chefs pâtissiers dans des restaurants et hôtels un peu partout en Thaïlande.

Siamaya a dès le début produit ses tablettes de chocolat avec comme objectif de se retrouver sur les étals des supermarchés à côté des marques importées. “Nous voulions proposer un un chocolat de qualité 100 % thaïlandais pour concurrencer les marques étrangères importées dans les grandes surfaces et nous sommes disponibles dans les supermarchés Rimping” commente Neil Ransom.

Si le chocolat thaïlandais attire les artisans et les consommateurs, le Dr Sanh estime que la Thaïlande devrait voir plus loin. “Le marché en Thaïlande est trop petit, les artisans ne peuvent acheter toute la production. Il faudrait aussi exporter nos fèves, mais c’est difficile, car la Thaïlande n’est pas considérée comme un pays du chocolat”. 

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