La Thaïlande a mis en vigueur lundi l’interdiction de deux produits chimiques agricoles largement considérés comme toxiques pour l'homme. Alors que les militants écologistes saluent une étape encourageante vers la durabilité, des agriculteurs se plaignent des difficultés que cela va engendrer pour leur activité.
De nombreux pays ont déjà interdit le paraquat et le chlorpyrifos, que l’on trouve dans les pesticides ou les insecticides.
Quelque 10 millions de ménages agricoles en Thaïlande, l'un des plus grands exportateurs de caoutchouc naturel et de sucre, utilisent le paraquat pour tuer les mauvaises herbes dans les plantations de palmiers, d’hévéa, de canne à sucre, de maïs et de manioc.
"Sans paraquat, les agriculteurs thaïlandais vont subir des pertes sur les récoltes clés, car il n'y a pas d'alternative", a déploré Sukan Sungwanna, secrétaire général de la Fédération de l’Agriculture Sûre.
Les agriculteurs thaïlandais utilisent du chlorpyrifos pour tuer les vers sur les fruits, mais peuvent utiliser des alternatives.
La semaine dernière, le groupement d'agriculteurs a présenté une requête auprès de la Cour Suprême Administrative pour abroger l'interdiction, qui est entrée en vigueur lundi après que les produits chimiques ont été inscrits le mois dernier à la liste des molécules de type 4 de la loi thaïlandaise sur les substances dangereuses.
Cela signifie que leur production, importation, exportation, distribution et possession sont interdites. Le non-respect de la loi est passible d’une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison ou une amende d'un million de bahts (28.385 €), ou les deux.
La Thaïlande élabore également une loi visant à imposer une tolérance zéro vis-à-vis des cultures importées cultivées à l'aide des produits chimiques, ce qui suscite une certaine inquiétude au sein de certains groupes industriels locaux.
Les industries de l'alimentation et de l'élevage, qui dépendent des importations de blé et de soja venant principalement des États-Unis et du Brésil, ont demandé au gouvernement thaïlandais de plutôt maintenir des limites sur les résidus chimiques maximum autorisés.
En novembre, la Thaïlande avait annulé l'interdiction du glyphosate, permettant l’utilisation de l'herbicide mondialement controversé de se poursuivre dans les limites maximales de résidus (LMR) après des pressions du gouvernement des Etats-Unis.
L’ONG BioThai souligne que la santé humaine doit passer avant les affaires.
"Cette interdiction marque une transition vers une agriculture durable", a déclaré Witoon Lianchamroon, directeur de BioThai.
En 2009, le gouvernement d’Abhisit Vejjajiva, tout juste arrivé au pouvoir à la faveur de ce qui avait été qualifié de coup d’Etat judiciaire, avait ordonné le classement comme matières dangereuses de 13 herbes et plantes couramment utilisées par les agriculteurs thaïlandais comme pesticides et herbicides. A l’époque, cette initiative avait été dénoncée comme un pont d’or à l’industrie chimique, dont les produits étaient alors considérés bien plus chers que les méthodes traditionnelles.