Accusé de blanchiment d'argent, le controversé moine Phra Dhammachayo peut compter sur son équipe spécialisée en relation publique qui, à coup de tweets, organise sa défense.
?Il n'y a jamais eu un temple de cette taille dans toute l'histoire de la Thaïlande? explique Phra Pasura Dantamano en montrant d'un geste le temple Dhammakaya.
Fondé en 1970, Dhammakaya (prononcer Dhammakaï) est aussi considéré comme l'un des centres bouddhique les plus riches du royaume qui grâce à la ferveur de ses dévots réussis à lever des dizaines de millions de dollars de fonds pour ouvrir des antennes dans près de 60 pays à travers le monde. Ce qui distingue le temple de Dhammakaya est une approche plus moderne des rites traditionnels du bouddhisme, dans ses techniques de méditation d'une part, mais surtout dans le fait que le fidèle peut payer pour réparer ses fautes ou pour arrêter le cycle des naissances ou encore avoir une meilleure vie dans la suivante.
Situé au nord de Bangkok, Dhammakaya accueille plus de 3.000 moines dans ce complexe aux allures futuristes de plus de 4 kilomètres carrés.
Phra Pasura est en charge du Département des affaires internationales du temple et dirige les opérations de relations publiques qui visent à démentir les informations sur les derniers scandales auxquels le temple est lié.
Le moine Phra Dhammachayo, considéré comme un saint parmi ses fidèles, est accusé d'avoir accepté des fonds détournés pour un montant de 1,2 milliard de bahts par le président de la banque Klongchan Credit Union Cooperative, Supachai Srisupa-askorn, lequel a été emprisonné en mars.
Le temple nie une quelconque conspiration de blanchiment d'argent de la part de son chef suprême en qualifiant les accusations ?sans fondement et déraisonnables?.
Le temple revendique que son chef, âgé de 72 ans, est trop vieux pour rencontrer les officiers de police qui souhaitent l'interroger en dehors du temple par crainte d'affrontements avec les fidèles.
Les moines et le personnel commentent allégrement l'affaire sur Twitter mais aussi via des communiqués de presse ou encore en diffusant des informations contre les accusations faites à l'encontre de Phra Dhammachayo via leur chaîne de télévision.
Temps modernes
Le temple possède en effet de son propre studio de télévision ainsi qu'un service d'édition au sein de son Département des médias. La chaîne de télévision diffuse 24h/24 les enseignements du temple, des programmes de méditation, des dessins animés et des bulletins d'informations.
Phra Pasura, ancien agent de l'air et diplômé en relations internationales, explique que les coûts sont minimes. ?La plupart des programmes et des montages sont réalisés par les moines et le salaire d'un moine c'est deux repas par jour seulement?.
Le succès de Dhammakaya vient entre autres du fait qu'il se positionne dans une vision plus moderne que les temples traditionnels afin de séduire les plus jeunes. Pour Sanitsuda Ekachai, qui a écrit des livres sur la religion, Dhammakaya offre une alternative attrayante pour les Thaïlandais en mélangeant ?vieilles croyances et valeurs matérialistes?. L'accent est mis sur l'ordre et la communauté qui est en même temps une sorte d'antidote à l'aliénation de la modernité, ajoute-t-elle.
Une modernité pourtant très présente à travers l'utilisation des technologies qui jouent un rôle clé dans l'expansion du centre bouddhique à travers le monde. Il existe plusieurs centres en Asie, aux Etats-Unis et dans une douzaine de pays européens dont la France et la Belgique.
?Dhammakaya a toujours été très actif, très intelligent, très moderne dans sa façon d'utiliser les nouvelles technologies pour accroître le nombre de ses fidèles?, explique Sanitsuda à l'AFP.
Politique en jeu
Alors que la plupart des critiques portent sur les enseignements et l'aspect financier du temple, il est aussi reproché à Phra Dhammachayo ses accointances politiques. Il y a une dizaine d'année, la police avait déjà essayé d'arrêter le moine pour des faits similaires de blanchiment d'argent. Des poursuites qui avaient été laissées tomber à l'époque où Thaksin Shinawatra était Premier ministre.
Une histoire qui avait suscité une controverse sur des liens éventuels entre Thaksin et Dhammakaya et qui ressurgit alors que la junte militaire au pouvoir à lancé une chasse aux sorcières contre les alliés de l'ancien Premier ministre. Le temple nie pourtant toutes affiliations politiques.
L'affaire contre Phra Dhammachayo prend également de l'ampleur avec l'élection du nouveau patriarche suprême par le Conseil de la Sangha. Une fonction que les bouddhistes traditionnels ont peur de voir attribuée à un proche du mouvement Dhammakaya.
Le jeu continue
Le mandat d'arrêt à l'encontre de Phra Dhammachayo a été émis le 18 mai. Fin de la semaine dernière, le moine avait finalement accepté de se rendre au poste de police, sauf qu'il aurait fait un malaise le contraignant à rester à l'intérieur du temple au moment de monter dans la voiture. Selon la police, il ne serait pas malade au point de ne pouvoir être interrogé.
Dimanche soir, près de 10.000 personnes se sont rendues à Dhammakaya afin de montrer leur soutien à leur chef spirituel selon The Nation.
Un nombre important qui bloque les actions de la police de peur de créer un mouvement de protestations de grande ampleur si elle venait à se rendre à l'intérieur du temple pour procéder à l'arrestation Phra Dhammachayo.