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Les tensions entre la Chine et l’Asie du Sud-est embrasent Twitter

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REUTERS/Matthew Tostevin/Illustration - Un "mème" illustre l’union entre la Thaïlande, Hong Kong et Taïwan face à la Chine sous la forme de l’"Alliance du Thé au lait"
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 15 avril 2020, mis à jour le 19 août 2020

La colère exprimée sur les réseaux sociaux par des nationalistes chinois à propos de commentaires publiés par une modèle thaïlandaise sur le coronavirus a déclenché une véritable tempête, unissant les militants pro-démocratie de la région dans une sorte de conflit civil verbal transnational en ligne contre les cyber-guerriers pro-Pékin, à grand renfort d’insultes et de mèmes moqueurs.

La dispute, dans laquelle les internautes d'Asie du Sud-Est se sont ralliés à ceux de Taïwan et de Hong Kong, a fait ressortir les vieilles tensions entre la Chine et ses voisins que la crise du Covid-19 a ravivées.

Selon plusieurs analystes politiques et des militants en ligne, ce conflit en ligne, qui a commencé durant le week-end, est inédit du point de vue de l’audience et de l’étendue géographique à un moment où le confinement pousse un nombre sans précédent de personnes à s’exprimer en ligne.

"C’est la première guerre géopolitique transnationale sur Twitter à laquelle les Thaïlandais se sont jamais livrés", afirme Prajak Kongkirati de l'Université Thammasat de Bangkok.

"Nous voyons des gens mettre en cause les actions et l'influence de la Chine ... Le problème des célébrités n'est que la partie émergée de l'iceberg."

Les hashtags associés sur Twitter ont généré plus de deux millions de tweets et ont été très suivis à l'échelle mondiale. Une page fans pour le principal hashtag, #Nnevvy, compte plus de 63.000 abonnés Facebook.

"Nnevvy" est le surnom sur les réseaux sociaux du modèle Weeraya Sukaram. Et tout a commencé lorsqu'elle a été accusée d’avoir partagé un message thaïlandais sur Twitter questionnant la possibilité que le coronavirus provienne d'un laboratoire chinois.

4,64 milliards de vues

Des internautes chinois furieux ont par la suite déclaré qu'elle avait semblé suggérer, dans un post sur Instagram, que Taiwan ne faisait pas partie de la Chine - Pékin affirme que l'île autonome est une partie indivisible de son territoire.

Sollicitée par Reuters, Weeraya Sukaram n'a pas répondu aux demandes de commentaires et aucun des messages en question n'était visible sur ses comptes.

Ajoutant encore de l’huile sur le feu, des comptes chinois ont ensuite accusé le petit ami de Weeraya, Vachirawit Chivaaree, d'avoir cliqué "J’aime" une fois un post présentant Hong Kong comme un pays - encore une fois une insulte pour Pékin.

Malgré ses excuses, ils ont appelé au boycott de son émission télévisée.

Les hashtags associés sur la plate-forme chinoise de microblogage Weibo ont généré plus de 4,64 milliards de vues et 1,44 million de publications.

Face au barrage pro-Chine, un mouvement de soutien s'est créé autour des deux célébrités thaïlandaises rassemblant activistes et politiciens anti-Pékin - dont le militant pro-démocratie de Hong Kong, Joshua Wong, ainsi qu’un maire de Taiwan.

"Solidarité panasiatique"

Joshua Wong a publié une photo de lui-même regardant l'émission de Vachirawit Chivaaree et a exhorté Hong Kong à "se tenir aux côtés de nos amis thaïlandais épris de liberté".

"Peut-être avons-nous la possibilité de construire un nouveau type de solidarité panasiatique qui s'oppose à toutes les formes d'autoritarisme!", a-t-il écrit.

Le militant étudiant thaïlandais pro-démocratie Netiwit Chotiphatphaisal confie que lui et Joshua Wong ont été en contact et que les Thaïlandais sont inquiets de l'influence croissante de la Chine depuis un coup d'État de 2014 en Thaïlande, dont le meneur, Prayuth Chan-O-Cha, s’est fait reconduire à la tête du gouvernement l'année dernière à l’issue d’une élection controversée.

"Le hashtag a donné l'occasion de s'exprimer", estime Netiwit Chotiphatphaisal.

Dans le même temps, certains internautes aux Philippines ont repris le hashtag pour attaquer l'action chinoise en mer de Chine méridionale.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a dénoncé là un complot destiné à semer le trouble et a déclaré que la Chine et la Thaïlande travaillaient en étroite collaboration, notamment sur l'épidémie de coronavirus.

"Certaines personnes saisissent l’opportunité pour faire de l’agitation sur Internet, susciter des oppositions entre les opinions publiques, miner les relations sino-thaïlandaises, mais leur complot ne réussira pas", a déclaré le ministère dans une réponse aux questions de Reuters.

Twitter est bloqué en Chine et accessible uniquement aux utilisateurs de réseaux privés virtuels ou ayant obtenu une approbation officielle.

La société conseil en réseaux sociaux, Drone Emprit, a découvert que des comptes gérés par des bots (programmes informatiques) utilisaient le hashtag #Nnevvy mais elle ne dit pas d'où ils viennent. Reuters a constaté que plusieurs comptes pro-Chine avaient été créés ces derniers jours ne contenant que des commentaires sur la dispute autour des stars thaïlandaises.

"Alors que #Nnevvy a commencé comme une intense guerre subite sur Twitter entre la Thaïlande et la Chine, cela s'est maintenant transformé en un échange diplomatique significatif avec Hong Kong et Taiwan", souligne Tracy Beattie de l'Australian Strategic Policy Institute.

Les insultes des nationalistes chinois contre le gouvernement et le roi de Thaïlande ont été raillées par les militants thaïlandais qui eux-mêmes attaquent leur propre administration qu’ils considèrent comme antidémocratique. Le roi a quant à lui récemment fait l’objet de critiques en ligne sans précédent en dépit de la loi très sévère de lèse-majesté qui prévoit des peines pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison pour quiconque insulte un membre de la famille royale.

Le gouvernement thaïlandais, qui suit la bataille sur les réseaux sociaux entre des utilisateurs thaïlandais et chinois, a exhorté les internautes thaïlandais à s'exprimer de façon raisonnable, a déclaré la porte-parole adjointe du gouvernement, Ratchada Thanadirek.
 

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