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Le coronavirus donne du grain à moudre aux censeurs du Net en Asie

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Reuters
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 5 février 2020, mis à jour le 15 avril 2020

Submergés par la désinformation autour du nouveau coronavirus sur les réseaux sociaux, certains gouvernements asiatiques ripostent par des arrestations, des amendes et des lois sur les fausses informations. Un phénomène qui fait craindre aux défenseurs de la liberté d'expression un durcissement de mesures de contrôle et de répression utilisées pour réduire au silence tout forme de dissidence.

Au moins 16 personnes ont été arrêtées pour avoir posté des messages sur le coronavirus en Malaisie, en Inde, en Thaïlande, en Indonésie et à Hong Kong, tandis que Singapour utilise sa nouvelle loi controversée sur les "fake news", POFMA, pour forcer les médias et les utilisateurs des réseaux sociaux à relayer sur leurs propres posts et articles des avertissements gouvernementaux disant qu'ils contiennent des contre-vérités.

"Heureusement, nous avons désormais POFMA pour faire face à ces fausses informations", a déclaré Lawrence Wong, l'un des ministres à la tête d'un groupe de travail du gouvernement de Singapour mis en place pour arrêter la propagation du virus.

Il y a encore beaucoup de choses que l’on ne sait pas sur le nouveau coronavirus qui a fait son apparition il y a quelques semaines seulement dans la ville chinoise de Wuhan. Alors que l’on a dépassé les 420 morts, l'anxiété générale est alimentée par des publications sur les réseaux sociaux allant du bizarre au malveillant.

Les messages vont de ceux spéculant sur la façon dont le virus peut être contracté - par un jeu vidéo ose dire l'un d’eux - ou évité - un ministre birman a été réprimandé pour avoir partagé un post recommandant de manger davantage d'oignons – jusqu’à réveiller des vieux démons locaux ou encore porter des attaques racistes contre les Chinois.

"Ce que j'appelle la 'souche crétine' a créé une panique mondiale via les réseaux sociaux qui s’auto-alimente par la suite", écrit Karim Raslan dans sa chronique d’agence de presse, notant à quel point le phénomène est devenu plus difficile à gérer pour les gouvernements.

Au moins cinq personnes ont été arrêtées puis libérées sous caution dans l'État du Kerala, dans le sud-ouest de l'Inde, pour des messages sur WhatsApp, a indiqué Aadhithya R, chef de la police du district de Thrissur. Six personnes ont été arrêtées en Malaisie, soupçonnées de diffuser de fausses informations.

Au Vietnam, où une armée de censeurs du Net traque les commentaires de réseaux sociaux pour le compte du gouvernement communiste, au moins neuf personnes ont été condamnées à une amende et trois célébrités ont été invitées à s’expliquer pour leurs publications sur le coronavirus.

La Thaïlande s’est pour sa part félicitée du succès de son nouveau "centre anti-fake news" créé l'an dernier. Entre le 25 et le 29 janvier, des dizaines d’agents ont examiné près de 7.600 posts. Ainsi, le centre a identifié – et épinglé sur son site Web - 22 messages considérés comme véhiculant de fausses informations, et procédé à deux arrestations en vertu des lois sur les crimes informatiques.

"Le centre anti-fake news travaille intensément pour vérifier ces rumeurs et communiquer la vérité au peuple", a déclaré le ministre du Numérique Puttipong Punnakanta.

La Thaïlande fait partie des pays où les lois sur les publications sur réseaux sociaux ont été durcies ces dernières années malgré l’opposition des groupes de défense des droits de l’homme qui y voient un moyen pour les régimes durs de s’en prendre à leurs opposants.

Contrôle

Les défenseurs de la liberté d'expression craignent d'ailleurs que la flambée de fausses informations autour du coronavirus ne donne une opportunité en or aux gouvernements pour accroître leur contrôle sur leurs citoyens et nuire par la même occasion aux efforts sanitaires.

"La criminalisation de l’expression, même si elle vise des contre-vérités, risque très probablement d’affecter le partage d'informations en temps réel qui est essentiel pendant les épidémies", estime Matthew Bugher, chef du programme Asie du groupe de campagne pour la liberté d'expression Article 19.

La Chine censure fortement depuis longtemps les réseaux sociaux, et certains détracteurs estiment que cela pourrait avoir retardé l'information sur l’émergence du nouveau virus à Wuhan - et donc les potentielles contre-mesures.

Huit personnes ont été arrêtées après avoir été accusées d'avoir répandu des fausses rumeurs sur la maladie début janvier, mais l'affaire a été classée la semaine dernière dans le contexte de colère croissante face à la gestion de la crise.

Dans le même temps, l'application de messagerie WeChat, très largement utilisée en Chine, a ajouté des outils pour aider à tordre le cou aux rumeurs sur le virus. Le Quotidien du Peuple, journal officiel chinois, a également mis en place un outil pour aider les gens à vérifier les informations.

Les réseaux sociaux occidentaux prennent également de nouvelles mesures. Facebook a déclaré qu'il éliminerait la désinformation sur le coronavirus - un changement d’attitude qui contraste avec l'approche habituelle du plus grand réseau social du monde vis-à-vis du contenu lié aux questions de santé.

Menaces gouvernementales

Taïwan a menacé de punir la diffusion de fausses informations. La police sud-coréenne travaille de concert avec les responsables des télécommunications pour bloquer les "fausses informations", selon l'agence de presse Yonhap.

La police indonésienne a fait savoir que deux personnes avaient été arrêtées pour avoir diffusé de fausses informations et sont sous le coup d’accusations pouvant entrainer jusqu'à cinq ans d’emprisonnement. La police de Hong Kong a déclaré qu'un garde de sécurité d'un centre commercial avait été arrêté pour avoir diffusé de fausses informations sur des infections.

À Singapour, certains disent que le gouvernement utilise sa nouvelle loi sur les fausses informations de manière responsable. "De nombreux exemples de désinformation, de données confuses et de fausses informations constituent un danger évident et présent pour l’ordre public, la santé et la sécurité", a déclaré Nicholas Fang, fondateur du cabinet de conseil singapourien Black Dot Research.

Mais tout le monde ne partage pas cet avis.

La journaliste et activiste Kirsten Han fait partie de ceux qui ont reçu un avertissement pour rectification de la part du gouvernement - dans son cas pour avoir partagé le mois dernier un article sur les exécutions d'État, mais rien concernant le coronavirus.

"Ce n’est pas parce qu'il y a certains cas pouvant justifier le recours à une loi anti-fakenews, que cela signifie que ladite loi a été bien rédigée et ne peut être instrumentalisée à des fins d'abus et d'oppression", a-t-elle commenté sur Twitter.

Le nombre total d'infections confirmées dans le monde était mardi 3 février de 20.589 dont 20.438 en Chine et au moins 151 cas dans 23 autres pays et territoires.

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