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Les juges tirent d'affaire le Parti démocrate

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La décision de la Cour de justice, attendue depuis plusieurs semaines, s'est faite hier en faveur du Parti démocrate après l'annonce d'un vice de forme (Photo capture d'écran LPJ)
Écrit par La rédaction de Bangkok
Publié le 30 novembre 2010, mis à jour le 10 mars 2019

La Cour constitutionnelle a estimé hier qu'un vice de forme l'empêchait de juger le Parti démocrate, dans une affaire qui aurait pu mener à sa dissolution. Une décision sans réelle surprise, mais qui ne fait que renforcer les critiques dénonçant une justice corrompue et à deux vitesses, et risque de creuser un peu plus des divisions au sein de la société
Lire aussi notre encadré, La justice indissociable de la vie politique thaïlandaise

La Cour constitutionnelle a rejeté lundi une plainte contre le Parti démocrate (PD) au pouvoir, dans une affaire qui aurait pu mener à sa dissolution et interdire de politique ses cadres principaux, en expliquant qu'elle n'avait pas été déposée dans les délais légaux. La décision sauve de la dissolution le PD, dirigé par le Premier ministre Abhisit Vejjajiva, mais a mis en colère ses critiques qui dénoncent une justice à double vitesse s'immisçant sans cesse dans la vie politique du royaume.

Un verdict vite expédié

Le juge Udomsak Nitimontree a déclaré que la Commission électorale n'avait pas respecté la date limite de dépôt lorsqu'elle a rempli la plainte, ce qui signifie qu'elle peut être rejetée sans entamer de débat sur le fond des accusations. Un vice de forme qui aura tout de même mis cinq mois avant d'être détecté, l'examen officiel de l'affaire ayant démarré le 7 juillet. "La plainte de la Commission électorale est inconstitutionnelle car le processus n'a pas été suivi correctement", a-t-il précisé, lors de la lecture du verdict. Il a ajouté que quatre juges sur six ont voté pour l'abandon de l'affaire, qui se centre sur l'utilisation frauduleuse d'une subvention de l'État de 29 millions de bahts (960.000 dollars) en 2005. La Commission électorale a appelé en avril à la dissolution du Parti démocrate sur ces accusations, ainsi que dans une affaire séparée concernant un don politique non-déclaré. La requête avait coïncidé avec les violences en avril et mai dernier, qui ont fait 91 morts et près de 1.900 blessés dans une série d'affrontements entre les manifestants de l'opposition et l'armée.

Le procureur Kitinan Thuchpramook a insisté, en déclarant devant la Cour que la plainte avait été déposée "légitimement et avec soin, sans parti pris et en l'absence de menace". En tant que dirigeant-adjoint du parti au moment des faits, Abhisit est apparu comme témoin de la défense, et a assuré que le corps électoral avait été informé des changements dans les plans de campagne. Il a aussi défendu les démocrates contre des accusations de lobbying envers certains juges de la Cour constitutionnelle. "Les Démocrates ont été en politique pendant plus de 60 ans, tout le monde est confiant", avait déclaré en amont le Vice-premier ministre Suthep Thaugsuban.

Une fracture qui se creuse de jour en jour

Plusieurs observateurs s'étaient interrogés sur la possibilité de voir les alliés d'Abhisit, notamment l'armée et l'élite de Bangkok, permettre la dissolution du Parti démocrate. Cette décision "va approfondir la rupture au sein de la société thaïlandaise", a commenté Pavin Chachavalpongpun, ancien diplomate thaïlandais et chercheur à l'Institut des études pour l'Asie du Sud-est à Singapour. Cela "va renforcer la conviction de l'opposition selon laquelle les élites et le Parti démocrate feraient n'importe quoi pour maintenir leur intérêts de pouvoir, même au détriment de la réputation et de la crédibilité de la Cour" et que "la justice à deux vitesses existe". Les manifestants anti-gouvernementaux Chemises rouges ont appelé ceux qui étaient en désaccord avec le verdict à rejoindre hier soir un rassemblement dans la province de Nakhon Pathom, à l'ouest de Bangkok. "Les juges de la Cour constitutionnelle sont une catastrophe", a réagi Somyos Pruksakasemsuk, membre particulièrement actif du groupe. Le Premier ministre a rejeté de telles accusations et a exprimé ses préoccupations face à de nouvelles manifestations. "Tout le monde devrait respecter la décision de la Cour", a-t-il déclaré.
(http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html avec AFP) mardi 30 novembre 2010

La justice indissociable de la vie politique thaïlandaise

Le Parti démocrate, qui a échappé à une première dissolution en 2007, est arrivé au pouvoir lors d'un vote parlementaire fin 2008, après que différentes décisions de justice ont évincé les alliés de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, lui-même renversé lors d'un coup d'État en 2006. Le pouvoir judiciaire avait contraint deux Premiers ministres et opposants aux démocrates à quitter leurs fonctions en 2008. Le premier, Samak Sundaravej, avait été condamné pour avoir reçu de l'argent en participant à une émission culinaire. En décembre 2008, la dissolution ordonnée par la Cour Constitutionnelle de trois partis de la coalition accusés de fraude électorale avait obligé le Premier ministre Somchai Wongsawat à quitter son poste. Cette décision avait alors été dénoncée comme un "coup d'Etat déguisé", notamment à cause d'un verdict donné plus tôt que prévu. Les manifestants royalistes Chemises jaunes, qui avaient alors bloqué les deux aéroports de Bangkok, n'ont par ailleurs toujours pas été jugés. Le verdict a été repoussé à plusieurs reprises et est pour l'instant fixé au 7 décembre, soit deux jours après l'anniversaire du roi.

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