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La victoire de Yingluck n’enchante pas les féministes

Avec la victoire écrasante de Yingluck Shinawatra et du parti Puea Thai aux élections de dimanche, la Thaïlande est sur le point d'avoir pour la première fois de son histoire une femme Premier ministre. Pour autant, la nouvelle n'enthousiasme pas forcément les féministes du royaume qui ne voient en Yingluck qu'une simple marionnette contrôlée par son frère, l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra

Yingluck Shinawatra devrait bientôt devenir la première femme à diriger un gouvernement thaïlandais, mais elle devra batailler ferme pour imposer sa touche féminine et se défaire de son image de "clone" de son omniprésent grand frère, l'ex-Premier ministre Thaksin.

Une sœurette qui a tiré profit du capital politique familial

La femme d'affaires de 44 ans a écrasé la campagne électorale de son sourire et de son énergie. En face, le chef du gouvernement sortant Abhisit Vejjajiva est apparu coincé dans ses manières bourgeoises, prisonnier de son image de marionnette des élites. Mais derrière le joli minois transparaît Thaksin, de 17 ans son aîné, patron de facto du parti Puea Thai depuis son exil à Dubaï, qui l'a élégamment décrite comme son "clone".

Renversé par l'armée en 2006, il a conservé sa popularité dans le nord et le nord-ouest du pays et sa soeur a d'abord su en tirer profit. "Il ne fait aucun doute que Yingluck Shinawatra a gagné ces élections parce qu'elle est la soeur de Thaksin", estime ainsi Andrew Walker, spécialiste de la politique thaïlandaise à l'Université nationale australienne de Canberra.

Un modèle qui marche en Asie

Les féministes du royaume se gardaient donc de tout triomphalisme à l'heure de la voir accéder au pouvoir, y voyant moins un progrès pour les droits des femmes et l'égalité des sexes qu'une poupée manipulée par un homme. "Comment être fière ? Le monde entier sait que c'est Thaksin dont il est question", regrette Sutada Mekrungruengkul, directrice de l'Institut de recherche sur le genre et le développement, espérant que Yingluck serait assez forte pour "sortir de l'ombre de son frère et se révéler elle même". Et de la comparer à la célèbre opposante birmane Aung San Suu Kyi, "qui s'est battue pendant vingt ans et n'est toujours pas Premier ministre de Birmanie".

Le destin de Yingluck, qui dit avoir été élevée par Thaksin à la mort de leur père, ne tranche pourtant pas avec celui de plusieurs autres grandes dirigeantes asiatiques. Benazir Bhutto au Pakistan, Indira Gandhi en Inde ou Corazon Aquino aux Philippines ont tracé une voie similaire. "C'est une formule très, très efficace en Asie", relève l'analyste et auteur Chris Baker. "Une femme puise un important capital politique d'un aïeul masculin".

La politique thaïlandaise dominée par les hommes

Dans le privé, Yingluck a acquis des lettres de noblesse comme présidente du groupe SC Asset Corp., une entreprise d'immobilier de l'empire familial. Une réussite classique, dans un pays où les femmes ont su conquérir les milieux économiques. Le consultant Grant Thornton soulignait en début d'année que la Thaïlande affichait un des taux de féminisation des fonctions de direction les plus élevés de la planète, à 45% au lieu des 20% de la moyenne mondiale.

Mais le monde politique est plus frileux. L'assemblée sortante comptait 13% de femmes, alors que la moyenne mondiale est de 19,5% dans le monde, 18,3% en Asie, selon l'Union inter-parlementaire mondiale. "La politique, localement et nationalement, a été dominée par les hommes", souligne Andrew Walker. "Beaucoup de femmes, jeunes ou âgées, seront ravies et inspirées par la stupéfiante ascension au sommet de Yingluck".

Apporter une touche de féminité à la politique

Mais il lui s'agira bientôt de ne pas décevoir. Et sa campagne ne présage rien de bon, selon Arpaporn Sumrit, du Centre d'études sur les femmes de l'université de Chiang Mai. "Elle a peut-être l'anatomie d'une femme mais elle pense comme un homme", dit-elle sèchement. "Le fait que nous ayons bientôt une femme Premier ministre ne va pas se traduire dans une plus grande égalité des sexes (...). Elle n'a jamais rien fait pour promouvoir les droits des femmes". L'heure de vérité est proche. Nattamon Tassanakulpan, 21 ans, a voté Yingluck et veut des résultats. "Je suis plutôt féministe et je veux voir ce que ça fait d'avoir une femme Premier ministre".

 

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