La cour pénale de Bangkok a refusé mardi la libération sous caution à quatre militants politique accusés de lèse-majesté, déclenchant une manifestation dans le centre-ville
Quatre militants thaïlandais ont été placés en détention provisoire mardi dans l'attente de leur procès pour insulte au roi, a déclaré leur avocat. Il s’agit des premiers d’une longue série de cas de lèse-majesté issus des manifestations anti-gouvernementales demandant des réformes de la puissante monarchie à passer devant le juge.
Les quatre ont nié toutes les accusations, mais la cour leur a refusé la mise en liberté sous caution, les envoyant en prison car les infractions sont passibles de sanctions élevées, a déclaré l'un de leurs avocats, Krisadang Nutcharat. Les avocats avaient demandé leur libération contre une caution de 200.000 bahts (5.520 euros) chacun.
La décision de la cour a suscité la colère au sein de leur mouvement et un groupe de manifestants s’est rassemblé devant le centre commercial MBK, au carrefour Pathumwan, dans le centre de Bangkok.
"La classe dirigeante nous déclare la guerre", a lancé à la foule Panusaya "Rung" Sithijirawattanakul, l’une des figures de proue du mouvement jeune qui donne du fil à retordre au pouvoir depuis l’an dernier, appelant à un nouveau rassemblement mercredi soir.
"Libérez nos amis", criaient d'autres manifestants, certains cognant sur des pots avant de se disperser quelques heures plus tard.
Des dizaines de plaintes ont été déposées ces derniers mois contre des leaders du mouvement de contestation antigouvernementale mené depuis l’an dernier par de jeunes thaïlandais qui ont osé questionner le statut et le rôle de la royauté, bravant de façon inédite le tabou sur la critique de la monarchie et libérant les langues et les esprits sur ce sujet central de la société thaïlandaise jusque-là inabordable en public.
Au moins 58 militants ont été inculpés en vertu des lois de lèse-majesté depuis novembre, selon l’ONG Thai Lawyers for Human Rights, qui représentait mardi les quatre accusés.
Parit Chiwarak, Arnon Nampa, Patiwat Saraiyam et Somyot Pruksakasemsuk font l’objet d’accusations de lèse-majesté et d'une dizaine d'autres délits dont celui de sédition, suite à une manifestation le 19 septembre près du palais royal à Bangkok, Prayuth Petchkun, a déclaré aux journalistes le porte-parole adjoint du bureau du procureur général.
Parit Chiwarak devra également répondre d'autres accusations du même type pour ses commentaires lors d'une manifestation du 14 novembre.
Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a dit avoir fait part de son inquiétude à la Thaïlande concernant les récentes arrestations de manifestants et plusieurs peines sévères prononcées en vertu de l’article 112 du code pénal qui punit le crime de lèse-majesté de trois à 15 ans de prison par chef d'accusation.
Des experts onusiens des droits de l'homme, lundi, avaient condamné la recrudescence de poursuites pour lèse-majesté en Thaïlande et la sévérité des peines infligées. En janvier, une femme de 65 ans a été condamnée à 43 ans de prison, la peine la plus sévère à ce jour pour insulte à la royauté, selon plusieurs avocats.
Toujours en janvier, le gouvernement thaïlandais a porté plainte pour lèse-majesté contre le politicien Thanathorn Juangroongruangkit, bête noire de l’establishment militaro-royaliste, qui a questionné via les réseaux sociaux le bien-fondé de la stratégie vaccinale du royaume contre le Covid-19, au coeur de laquelle se trouve une entreprise appartenant au roi.
La Thaïlande n’avait plus vu d’affaires de diffamation royale depuis 2018, mais la police a recommencé à invoquer l’article 112 en novembre dernier, à la demande du pouvoir, alors que la liberté de parole suscitée par le mouvement étudiant vis-à-vis de la monarchie et de l’establishment traditionnel commençait à faire tache d’huile au sein de la société thaïlandaise.
Le procès des quatre militants est prévu le 15 mars et, d’ici-là, l'équipe juridique va continuer de plaider pour obtenir leur libération sous caution, a déclaré Krisadang Nutcharat.