Malgré le Covid, les tournages de films en Thaïlande vont bon train et les pros du secteur ont même confiance en l’avenir, à l’image du Français Serge Thimbre et sa maison de production TaProd.
En juillet dernier, la maison de production TaProd a terminé en Thaïlande le tournage du premier long-métrage de Malik Bentalha, "Jack Mimoun et les secrets de Val Verde". Au casting de cette comédie d’aventure familiale co-réalisée avec Ludovic Colbeau-Justin, on retrouve Malik Bentalha dans le rôle-titre, Jérôme Commandeur, François Damiens, Joséphine Japy et Benoît Magimel.
Si le tournage a pu se dérouler jusqu’au bout, l’équipe a dû faire face à un certain nombre de contraintes liées aux restrictions sanitaires contre le Covid-19 : période de quarantaine, normes sanitaires ou encore refus de certaines provinces de les laisser tourner.
Lepetitjournal.com s’est entretenu avec Serge Thimbre, directeur de TaProd, une maison de production basée à Bangkok depuis 17 ans. Le producteur français revient sur les conditions de tournage en cette période difficile en Thaïlande ainsi que les aides accordées par le gouvernement thaïlandais. Confiant sur l’avenir de la Thaïlande en tant que destination de choix pour les productions de films étrangers, il souligne le rôle bénéfique de la série à succès Le Serpent comme outil de promotion.
Quel impact a eu l’épidémie du coronavirus sur la production de films en Thaïlande ?
En mars 2020, j’étais en train de préparer le long métrage “Les Bodin’s en Thaïlande” ainsi que le jeu télévisé “Les aventuriers” dans la province de Chumphon.
Entre l’annonce d’un confinement en France et en Thaïlande, cela a semé la pagaille et les membres des équipes françaises ont paniqué et sont rentrés le 25 mars. Pour le film “Les Bodin’s en Thaïlande”, nous avions à peine eu le temps de tourner pendant 8 jours!
Ensuite, il y a eu trois semaines de calme plat en avril 2020 en Thaïlande où tout était à l’arrêt. Mais très vite, les tournages de publicités ont repris. Notre clientèle à Taprod est triple : production de films publicitaires, de long métrage et jeux télévisés.
Les agences de publicité et les annonceurs ont toujours besoin de communiquer. Malgré l’épidémie, j’ai été donc happé par les agences locales et régionales, que ce soit pour L’Oréal, Garnier, Foodpanda, Oréo, etc. Nous avons tourné avec une régularité inouïe contrairement à certains de nos concurrents de productions internationales basés à Bangkok. Pour eux, si les clients internationaux ne peuvent venir, ils ne peuvent pas tenir le coup.
Ensuite, l’équipe du film “Les Bodin’s en Thaïlande” est arrivée en septembre 2020. C’était la première équipe étrangère à revenir. Après ce tournage, nous avons enchaîné avec un autre gros projet, le film “Jack Mimoun et les secrets de Val Verde” de Malik Bentalha avec Jérôme Commandeur, François Damiens, Joséphine Japy et Benoît Magimel.
Quelles sont les difficultés pour filmer en Thaïlande ?
Le premier problème est que les règles changent tout le temps : un jour il faut faire une quatorzaine, ensuite ça passe à 10 jours avant de revenir à 14 jours d’isolation.
Pour le film de Malik Bentalha, l’équipe était venue à une période assez calme avec peu de restrictions. Ils ont dû faire une quatorzaine, par contre nous avons pu faire les repérages et toutes les préparations avec une grande liberté. Ils sont repartis en France puis sont revenus en Thaïlande en avril 2021 avec une quarantaine de dix jours cette fois.
Mais à peine le tournage avait-il commencé que la Thaïlande faisait face à une nouvelle vague et cela nous a foutu dans la m…! Retour des exigences sanitaires : pas plus de 50 personnes sur le plateau, prise de température, organisation des repas avec séparation à chaque table, tests PCR pour passer d’une province à une autre, etc.
Avant le Covid-19, dès lors que le Thailand Film Office donnait son autorisation pour tourner, nous étions libres de tourner où l’on voulait, mis à part dans les parcs nationaux où il faut d’autres autorisations. Mais avec l’épidémie, les rôles ont changé et même s’il faut toujours l’accord du Thailand Film Office, il nous faut en plus aller voir les gouverneurs de chaque province afin qu’ils donnent leur aval.
Est-ce que certaines provinces ont refusé que vous veniez tourner ?
Lors du tournage du film “Les Bodins en Thaïlande”, nous avons eu la visite du ministre thaïlandais du Tourisme et des Sports, Pipat Ratchakitprakarn, ainsi que du gouverneur de la province de Surat Thani. Le gouverneur m’avait dit que j’étais le bienvenu pour revenir.
Pour le film Jack Mimoun, nous avions prévu de filmer pendant 4 jours dans la campagne à Surat Thani avant d’aller à Phang Nga, Krabi et Phuket. Nous avions une équipe de 200 personnes et 45 jours de tournage de prévus au total. Et là, nous apprenons que nous ne pouvons pas tourner à Surat Thani, soi-disant parce que nous représentons un risque trop grand pour la population. Nous sommes allés voir le gouverneur de Phang Nga et il nous a accueillis à bras ouverts. Une équipe de 200 personnes ça remplit des hôtels. Peut-être que nous avons pu en aider certains à ne pas déposer le bilan.
Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement a également mis en place des aides pour inciter les productions étrangères à venir en Thaïlande, pouvez-vous nous en dire plus ?
Cela marche super bien en effet. Pour Les Bodin's, nous avons eu le plus gros chèque de remboursement de l’histoire du cinéma en Thaïlande. Nous avons récupéré 13% des investissements! Et je pense que nous serons dans ces eaux-là pour le film de Malik Bentalha.
Il y a en effet des aides plus importantes jusqu’à la fin de l’année 2021. Pour un tournage avec un budget de plus de 50 millions de bahts, il est possible de récupérer jusqu’à 15% des investissements et 20% pour un film avec un budget supérieur à 100 millions de bahts. Et il est même possible d’augmenter un peu la somme en faisant la promotion d’une région, en engageant du personnel local, etc.
Êtes-vous confiant pour l’avenir de l’industrie cinématographique en Thaïlande ?
Je suis super confiant ! La Thaïlande reste une destination de choix pour tourner. Aujourd’hui, il n’y a pas d’autres pays dans le monde qui offre des aides financières aussi importantes pour les tournages de film. Dans les prochains mois, j’ai un projet de film au Cambodge, il est possible qu’on le tourne en Thaïlande, justement à cause des aides du gouvernement thaïlandais.
Si on regarde la région, le Vietnam est totalement fermé et je pense qu’il le sera pour encore un an, j’ai moi-même fermé mon bureau au Vietnam. La situation en Indonésie n’est pas meilleure tandis que la Thaïlande montre de plus en plus de signes d’ouverture.
Il faut aussi ajouter que la série Le Serpent a été une très bonne publicité pour les maisons de productions en Thaïlande, les équipes de tournage et le pays. C’est la maison de production thaïlandaise Living Films qui a bossé sur la série. Pour eux, depuis le début du Covid-19, ils n’ont jamais cessé de tourner pour des productions américaines. (Living Films a récemment tourné le film Thirteen Lives de Ron Howard à Mae Sai dans le nord de la Thaïlande, NDLR)
Quels sont les prochains tournages de prévus pour TaProd ?
Je devais tourner un long-métrage en octobre ou novembre, mais nous l’avons décalé à février-mars parce que c’est encore un petit peu compliqué surtout avec la période de quarantaine. Le programme de télé-réalité Les Marseillais, dont le tournage devait avoir lieu à Bali, se fera sans doute en Thaïlande. Les apprentis aventuriers, un jeu télévisé devrait revenir pour une cinquième saison également.