À l’occasion de sa visite en Thaïlande, Sylvie Retailleau, ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a accordé un entretien à lepetitjournal.com sur la coopération bilatérale
Lors de sa visite en Thaïlande les 20 et 21 octobre derniers, la Ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Madame Sylvie Retailleau, a rencontré de nombreux acteurs français et thaïlandais du monde scientifique et universitaire de Bangkok et Chiang Mai et signé plusieurs accords de coopération bilatérale.
Dès son arrivée, vendredi 20 octobre, la ministre française a été reçue par son homologue Supamas Isarabhakdi, Ministre thaïlandaise de l’Enseignement supérieur, de la Science, de la Recherche et de l’Innovation, avec laquelle elle s’est longuement entretenue.
Les deux ministres ont ensuite signé une déclaration d’intention sur la coopération pour l’enseignement supérieur, la science, la recherche et l’innovation qui doit notamment permettre d’accueillir de nouveaux doctorants thaïlandais en France.
La ministre s’est ensuite rendue à l’Alliance Française de Bangkok ainsi qu’à la Résidence de France où elle a pu échanger avec divers acteurs français et thaïlandais de la recherche et des affaires.
Le 21 octobre, Sylvie Retailleau, accompagnée d'une délégation française comprenant notamment l’ambassadeur de France en Thaïlande, Jean-Claude Poimboeuf, a effectué une visite de l'Institut Asiatique de Technologie (AIT) dans lequel la France est partie prenante.
À cette occasion, les représentants de l'AIT ont signé un protocole d'accord avec le Centre français de recherche agronomique pour le développement international (CIRAD), ouvrant ainsi officiellement un nouveau chapitre de la collaboration bilatérale.
Cet accord vise à définir un cadre de coopération propice au montage de projets dans les domaines de la recherche et de l’enseignement communs aux deux institutions.
La ministre et la délégation française se sont ensuite rendues à Chiang Mai pour une réunion de travail avec une vingtaine de représentants et chercheurs de l'université de Chiang Mai (CMU) au North Thailand Science Park, un complexe situé sur le campus de CMU visant à promouvoir la recherche, le développement et l'innovation dans les domaines des sciences et de la technologie, et qui comprend notamment un incubateur de start-ups.
Sylvie Retailleau, qui est elle-même chercheuse et était, jusqu’à sa nomination au gouvernement l’an dernier, présidente de l’université Paris-Sud (devenue université Paris-Saclay), a présidé à la signature d’un nouvel accord-cadre de coopération scientifique entre CMU et l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD).
Cet accord, signé par le représentant de l'IRD en Thaïlande, Xavier Mari, et la Vice-présidente de CMU, Winita Punyodom, entend définir les contours de la coopération, et de l’échange d’informations, de promotion et de suivi des activités de recherche, de formation et de conseil entre les deux instituts, particulièrement dans les domaines tels que la science de la santé (One Health), les sciences environnementales (mesure de la biodiversité par télédétection) et les sciences sociales (pollution de l’air).
Malgré son planning très chargé pour cette visite, la ministre a accordé un entretien à lepetitjournal.com dans lequel elle exprime l’importance de renforcer et de structurer la coopération scientifique bilatérale avec des pays de la région Indo-Pacifique tels que la Thaïlande, à l’heure où la France doit, comme le reste de l’humanité, relever de nombreux défis communs parmi lesquels le changement climatique.
Lepetitjournal.com : Au cours de ces deux journées marathon entre Bangkok et Chiang Mai, vous avez fait le tour d’une bonne partie de l’écosystème franco-thaïlandais de l’enseignement supérieur et de la recherche, quelles impressions ces rencontres vous laissent-t-elles ?
Sylvie Retailleau : Tout d’abord, on ressent une histoire ancienne entre la France et la Thaïlande. Il y a des collaborations qui existent depuis longtemps avec différents acteurs. Partout où je suis passée, il existait des projets communs et une volonté réelle de les renforcer et de continuer à les approfondir.
Cela était perceptible dès le départ chez mon homologue, la ministre Supamas Isarabhakdi. De par son histoire personnelle [sa mère a travaillé pendant 25 ans au service économique de l’ambassade de France, ndlr] et sa connaissance de nos projets communs sur les trois piliers que sont la recherche, la formation et l’innovation, je pense qu'elle est animée d’une volonté sincère de renforcer les collaborations. Elle a manifestement à cœur de renforcer les échanges, d'augmenter les mobilités et faire que la France soit un des pays où les étudiants thaïlandais peuvent plus fortement aller étudier et vice et versa.
Au niveau du lien innovation-industrialisation, du transfert entre académies et industries, on sent qu’il y a une conscience commune forte de l’importance de ce chaînon
Elle semble déterminée à développer cette vision de partage, et je pense que nous sommes sur les mêmes types de trajectoires, les mêmes problématiques.
Nous avons des thématiques prioritaires communes : le développement durable, l’environnement, le changement climatique, ou encore les sciences sociales, et les humanités, c’était très présent dans les échanges.
Et puis au niveau du lien innovation-industrialisation, du transfert entre académies et industries, on sent qu’il y a une conscience commune forte de l’importance de ce chaînon. Nous avons communément le souhait de valoriser la recherche et l'éducation pour aller alimenter et développer certaines industries. Il y a une dynamique, une vraie vision portée aussi bien dans les universités que chez les entreprises.
Cette vision du transfert technologique, ce rapprochement public-privé, sont au cœur de ce qu’est l’année de l’innovation France-Thaïlande
Cette vision du transfert technologique, ce rapprochement public-privé, sont au cœur de ce qu’est l’année de l’innovation France-Thaïlande. Elle nous permet de faire en sorte que les produits de la recherche soient valorisés pour la société. Je pense que là-dessus on se rejoint.
J’ajoute enfin que sur tous ces enjeux, nous avons également la volonté de continuer de progresser à travers la dimension régionale Indo-Pacifique.
Et cela correspond bien à ce que porte notre président, c'est à dire à ce que la France soit présente à l’échelle Indo-Pacifique, tout en développant des relations bilatérales fortes avec les pays. Il existe des enjeux communs dans cette région, et des spécificités par pays.
Les Thaïlandais sont très demandeurs d'ouvrir l’étendue de leurs partenariats
Lepetitjournal.com : Vous avez signé plusieurs accords au cours de ces deux journées. Voyez-vous là un renforcement significatif particulier de la coopération bilatérale franco-thaïlandaise ou cela s’inscrit-il dans le cours normal des choses ?
Sylvie Retailleau : Nous avons effectivement signé plusieurs accords, dont des prolongements d’anciennes collaborations.
Je remarque qu’ils ouvrent certaines collaborations à des champs disciplinaires nouveaux. Ça s'élargit énormément, y compris géographiquement.
Je pense en effet que les Thaïlandais sont très demandeurs d'ouvrir l’étendue de leurs partenariats, avec de la mobilité étudiante, des parcours d'éducation communs adossés à la recherche et avec cette notion de transfert de l'innovation.
Le renforcement significatif de la coopération bilatérale franco-thaïlandaise passe notamment par l'agriculture, l'alimentation durable et saine, etc. autant d’enjeux qui reviennent beaucoup, et pour lesquels la technologie permet de trouver des solutions. Je pense par exemple aux drones pour la cartographie des champs.
La notion de partenariat prend beaucoup de sens quand il s’agit de partager des compétences et des technologies.
L'Indo-Pacifique est très différente de l'Europe et pour autant nous allons tous nous retrouver très vite dans le même bateau.
Lepetitjournal.com : Quels nouveaux enjeux pèsent sur la coopération scientifique entre la France et la Thaïlande ?
Sylvie Retailleau : La France comme la Thaïlande sont des pays très impactés par le climat, par le changement climatique.
Je pense que le nouvel enjeu pour nous consiste aussi à prendre de façon plus fine la mesure des problématiques de migration, de population, d'impact à court terme, et des solutions possibles.
La Thaïlande est un pays dont une partie non négligeable du territoire connaît des migrations de populations, où l'alimentation, ou plus largement l'économie, est basée sur quelques piliers que sont l'agriculture ou encore le tourisme. Et là, on perçoit tout de suite l'impact.
Il est donc très important d'être présents dans ces pays et de pouvoir collaborer, que nos étudiants bougent et s'échangent pour découvrir, étudier, dans les deux sens, différentes approches à des problématiques similaires dans un esprit de collaboration et de partage. Et je pense qu'on a beaucoup, beaucoup à apprendre les uns des autres par rapport à ces particularités.
L'Indo-Pacifique est très différente de l'Europe et pour autant nous allons tous nous retrouver très vite dans le même bateau.
Par conséquent, que ce soit à l'échelle nationale, européenne et internationale, je pense qu’il n’y a pas mieux que les collaborations entre pays pour bien se rendre compte de ces impacts.