Après une carrière en tant que chanteur au sein du groupe thaïlandais Shining Star, le Franco-Thaïlandais Chris Jon s’apprête à sortir son premier album solo “Soul For Sale”.
Christophe Descamps de son nom de ville est un auteur-compositeur-interprète franco-thaïlandais de 37 ans. Né à Paris d’un père Français, musicien, et d’une mère Thaïlandaise, il a déménagé à Bangkok à l’âge de 11 ans et a commencé la musique deux ans plus tard, une passion qui ne l’a pas lâchée depuis.
Après un début de carrière avec le groupe Shining Star et de nombreuses collaborations avec les artistes thaïlandais Boyd Kosiyabong, qui est son mentor, et Two Popetorn, Chris Jon se lance dans une carrière solo avec un premier album dont la sortie est prévue prochainement et dont les deux premiers singles viennent d’être mis en ligne.
Soul For Sale est un requiem aux influences R&B, soul, pop, rap, rock et world music. Il interprète dans cet album ses propres chansons en anglais et en thaïlandais dans lesquelles il aborde des thèmes pas toujours très commerciaux tels que la religion, la guerre ou encore l’industrie musicale.
Lepetitjournal.com a rencontré Chris Jon afin d’échanger sur la création de son album, d’en apprendre plus sur la scène musicale en Thaïlande, un milieu dans lequel il affirme s’être perdu, et pour discuter des défis qu’il lui a fallu relever en tant que Franco-Thaïlandais pour se faire connaître. Interview avec un artiste indépendant dont l’âme n’est plus à vendre!
Pouvez-vous présenter en quelques mots votre album “Soul for Sale” ?
Avec “Soul for Sale”, j’ai voulu me détacher du côté commercial. Chaque chanson a son style, je n’ai pas de cadre précis. Chaque texte est un tableau dans lequel je parle de sujets tels que la religion, la guerre ou l’industrie de la musique. Autant de thèmes pas vraiment adaptés pour être diffusés à la radio…
J’ai commencé à faire de la musique en Thaïlande en 2006. À l’époque, j’avais sorti un album avec mon groupe “Shining Star” distribué par Loveis/Sony Music. Je suis resté dans l’industrie de la musique thaïlandaise pendant plusieurs années et je m’y suis perdu. J’étais dans un monde où on me forçait à être quelqu’un que je n’étais pas. Il y a cinq ans, j’en suis sorti et j’ai décidé de faire mon propre album solo, de le produire de manière totalement indépendante. C’est un album où je peux être moi-même. Je crois qu’on a tellement tiré sur la corde qu’aujourd’hui, je n’ai plus besoin de faire plaisir à qui que ce soit.
Vous sortez chacune de vos chansons en deux versions, l’une en anglais et l’autre en thaïlandais, pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Je considère que c’est une responsabilité par rapport à moi-même, ma mère est Thaïlandaise et je vis en Thaïlande.
J’ai toujours écrit mes chansons en anglais. C’était déjà le cas à l’époque avec mon groupe Shining Star, même si après elles étaient chantées en thaïlandais.
Ce n’est pas toujours facile de réaliser des chansons dans plusieurs langues, je ne fais d’ailleurs pas de traduction littérale parce que le choix des mots ou des rimes ne collent pas toujours. Par contre, je garde le concept original, je réécris le texte et je le peaufine avec un expert de la langue anglaise ou thaïlandaise. Je compte même écrire prochainement certaines chansons en français.
Prévoyez-vous une tournée une fois que les restrictions sanitaires contre le coronavirus seront levées ?
Je profite de cette période pour me présenter, présenter mes chansons, monter mon propre réseau afin d’être prêt quand les concerts pourront reprendre. Je prépare mon plan d’attaque afin de promouvoir mon projet auprès des bars et organisateurs d’événements qui seraient intéressés de me faire jouer.
Le Covid-19 est une période parfaite pour sortir des chansons et les faire connaître ainsi que pour bosser sur la production, le marketing et la communication. En étant indépendant, je dois faire tout le travail qu’effectue habituellement un label, c’est un boulot à plein temps et dans lequel j’ai appris beaucoup.
Le fait d’être Franco-Thaïlandais est-il un atout ou un défi pour percer dans la musique en Thaïlande ?
J’ai grandi en tant que Français, même si je suis arrivé en Thaïlande à l’âge de 11 ans, d’autant que j’étais au Lycée français international de Bangkok. En fait, je n’ai vraiment été en contact avec mon côté thaïlandais que vers l’âge de 19 ou 20 ans, au moment où je suis rentré dans le milieu de la musique. J’ai dû m’adapter, d’autant que je chantais en thaïlandais! Ma mère m’a toujours parlé en thaïlandais mais je lui répondais en français. Et donc, en commençant la musique, il m’a fallu accélérer mon apprentissage de la langue thaïlandaise pour pouvoir chanter et ce n’était pas facile. C’est une langue très difficile et le fait de n’avoir jamais été à l’école thaïlandaise n’a pas du tout aidé. Je crois que c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je continue de chanter en thaïlandais, cela m’a pris du temps avant d’y arriver.
Comment décririez-vous l’industrie musicale thaïlandaise, un milieu dans lequel vous affirmez vous être perdu ?
L’un des problèmes dans l’industrie musicale en Thaïlande est que les artistes ne sont pas rémunérés comme ils devraient l’être. Par exemple, nous ne touchons rien sur les plateformes de streaming, même si l’on fait des milliers de vues ou de téléchargements. Nous gagnons en jouant lors des concerts, le reste, ce sont les labels qui empochent. Et donc, c’est difficile de vivre en tant qu’artiste pour quelqu’un issu d’un milieu modeste comme moi, nous avons tous des factures à payer.
Au début, avec Shining Star, j’ai été pris dans l’euphorie de me retrouver dans ce milieu. Et quand je compare le type de profil et l’origine des classes sociales, entre les autres et moi-même, je constate qu’ils sont souvent issus d’une classe sociale qui leur permet d’être artiste.
Je vois beaucoup d’artistes talentueux qui ne sont pas promus parce qu’ils ne correspondent pas aux standards commerciaux. Les gros labels ont détruit le côté artistique en mettant la priorité sur l’argent, leur vision est de faire des bénéfices sur les artistes en créant des machines commerciales à travers les boys bands ou girls bands. La culture que l’on retrouve dans les médias ne reflète pas du tout la société ni le vrai niveau de talents. Je suis persuadé qu’il y a autant d’artistes de talents que partout dans le monde mais ils ont moins de visibilité.
Quelles sont les salles de concerts que vous appréciez ?
A Bangkok, j’aime beaucoup Brown Sugar près du monument de la Démocratie ou le Saxophone à côté du monument de la Victoire. Après, je trouve qu’il n’y a pas assez de lieux pour écouter de la musique. Il y a plein de concerts d’artistes thaïlandais, de petits événements ou des bars avec de la musique de qualité, mais personne ne le sait sauf un petit groupe d’amis ou d’initiés. La musique en Thaïlande est souvent présentée comme quelque chose d’optionnel, il manque une structure qui centralise pour regrouper ou présenter les groupes indépendants ou moins connus.