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“The Pianologist”, le rêve thaïlandais du musicien belge Jonas Dept

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courtoisie - Jonas Dept s’apprête à sortir son premier album “The Pianologist” qui marie musiques classique et électronique
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 26 février 2020, mis à jour le 26 février 2020

Musicien belge de 37 ans, Jonas Dept est plus connu en Thaïlande que dans son pays d’origine, après avoir interprété pendant des années différents répertoires, il s’apprête à sortir un premier album “The Pianologist” entre musique classique et électronique. 

Originaire de Belgique, Jonas Dept avait six ans lorsqu’il a commencé le piano. Vers l’âge de quinze ans, alors qu’il fait partie des Jeunesses musicales, il monte pour la première fois sur la scène du Botanique, une salle de concert à Bruxelles. Il réalise à travers cette expérience que la scène est son élément et il entame un peu après des études à l’Institut Supérieur de Musique et de Pédagogie à Namur avant de rejoindre le Conservatoire Royal de Bruxelles où il obtient un master en piano. La fin de ses études marque un tournant dans sa vie puisqu’il décide venir en Thaïlande à l’âge de 24 ans. 

Aujourd’hui, âgé de 37 ans, Jonas est plus connu en Thaïlande que dans son pays d’origine et il s’apprête à sortir son premier album “The Pianologist”. Tel un mixologue de bar qui mélange les ingrédients pour créer des cocktails, Jonas Dept mixe les styles de musiques entre classique et électronique tout en y ajoutant des sons parfois étranges tels que le bruit du train, des clochettes de temple ou encore la pluie de la mousson thaïlandaise. 

Lepetitjournal.com a rencontré l’artiste qui n’a pas perdu une miette de son accent belge pour discuter de son parcours en dehors des codes rigides souvent attribués à la musique classique. 

LEPETITJOURNAL.COM : Comment êtes-vous arrivé en Thaïlande ?

JONAS DEPT : Après avoir passé 4 années à l’IMEP (Institut Supérieur de Musique et de Pédagogie) à Namur en Belgique et obtenu un master en piano au Conservatoire Royal de Bruxelles, j’ai suivi mon copain de l’époque qui venait s’installer à Chiang Mai pour être professeur d’anglais. À peine arrivé à Chiang Mai, je suis tombé amoureux de la ville. À ce moment-là, mes plans étaient encore vagues, je ne savais pas si j’allais rester 3 mois, 6 mois… C’était en 2007. 

Quand je me suis décidé à rester, il a fallu trouver du boulot, j’ai approché plusieurs écoles de musique et il y en a une, la Santi Music School, qui m’a engagé comme professeur de piano. J’ai aussi commencé à donner des concerts. Au même moment, le ballet de Chiang Mai m’a contacté en me disant qu’ils avaient besoin d’un pianiste, car cela faisait deux ans qu’ils n’avaient pu faire passer les examens officiels de la Royal Academy of Dance. Aujourd’hui, cela fait 10 ans que je travaille pour le Chiang Mai Ballet Academy. 

Quel est votre public en Thaïlande ?

Quand j’ai donné mes premiers concerts à Chiang Mai, mon public était exclusivement composé d’étrangers, des expatriés surtout. Ils avaient envie d’entendre de la musique faisant écho à leur culture. Quand j’offrais des tickets à mes étudiants thaïlandais, ils ne venaient pas. Mon premier concert à Bangkok remonte à 2010 et là, le public était beaucoup plus mélangé entre les Thaïlandais et les étrangers. Depuis huit ans, la musique classique et le piano sont beaucoup plus tendance, il y en a dans les publicités, à la télévision, on trouve même des pianos dans les centres commerciaux! 

À Chiang Mai, le déclic s’est fait lors d’un concert organisé par le magazine Chiang Mai Citylife en 2015 qui a eu lieu sur le toit du centre commercial Maya. Je jouais sur une projection d’un film muet. Du fait que cela se faisait dans un centre commercial, un lieu familier pour les Thaïlandais, et qu’il y ait du visuel auquel se raccrocher, cela effrayait moins le public, il n’avait pas peur de ne pas avoir un comportement inadapté. Bien sûr, c’est mon analyse personnelle. Mais ce jour-là, sur un public de 500 personnes, la moitié était des thaïlandaise. 

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photo courtoisie Jonas Dept

Aujourd’hui, je dirais que mon public, peu importe où je joue en Thaïlande, est réellement mixte. Et puis avec le temps, je me suis fait mon réseau, je suis de plus en plus souvent contacté par des organisateurs thaïlandais pour jouer à des défilés de mode, pour des événements, des festivals… Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de pianistes polyvalents qui peuvent passer du néo-classique en alliant la technologie et l’électronique. Et du côté des expatriés, je joue souvent pour l’Alliance française, le Goethe Institut ou l’ambassade de Belgique. Je me suis fait une petite niche. 

Quel a été le déclic pour vous faire connaître en Thaïlande ?

En 2016, j’ai participé à une comédie musicale “Cocktails the Musical” en tant que pianiste-chanteur et dans laquelle il y avait l’acteur-chanteur Witwisit Pich Hiranwongkul, une star de la télévision thaïlandaise. Ce spectacle m’a vraiment permis de toucher un public plus orienté vers la musique pop, de créer un pont entre ce public et ma musique. Il y a souvent une image rigide de la musique classique et des musiciens classiques, ce que je ne suis pas. En classique, il y a cette notion qu’il faut que ce soit difficile pour que cela ait de la valeur et je suis contre cette idée, je trouve que la musique peut être très simple et magnifique et toucher bien plus.

C’est également lors de cette comédie musicale que j’ai développé ma maîtrise de la langue thaïlandaise. Les deux premières années, j’étais vraiment nul! Pendant “Cocktails the Musical”, le script était en thaïlandais, toute l’équipe c’était des Thaïlandais, il y avait des interviews à donner pour la télévision… nous avons fait 26 représentations, pendant plusieurs mois j’étais vraiment immergé dans cette langue. 

Est-ce que le fait d’être musicien cela aide pour apprendre le thaïlandais ?

Oui certainement! À la base, j’ai une mémoire auditive et en tant que musicien on développe l’oreille. 

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photo courtoisie Jonas Dept - "The Pianologist"

Vous vous apprêtez à sortir votre premier album, pourquoi seulement maintenant ?

La plupart des morceaux étaient en chantier depuis dix ans. La première chanson, je l’ai composée dans le train de Bangkok à Chiang Mai au tout début où je suis arrivé en Thaïlande, je me sentais tellement libre dans ce train, je partais à l’aventure et je laissais derrière moi huit années de conservatoire. Dans ce morceau, j’y ai inclus le son du train, ce rythme tout cassé du “tchuk tchuk”, d’inclure des sons qui m’entourent et qui m’inspirent, cela a donné le tempo pour le reste de l’album. 

J’ai passé des nuits avec mon parapluie à attendre qu’il y ait une bonne averse pour enregistrer et puis c’est à ce moment-là que tu as une moto qui passe! Ou un autre jour, j’ai pris la voiture pour aller à Khao Yai pour enregistrer des sons de cascades. 

De ces bribes et sons collectés pendant des années, je me suis seulement attelé à la tâche il y a deux ans environ. Après avoir commencé à travailler pour la Chiang Mai Ballet Academy, j’ai réalisé que Royal Academy of Dance c’était un réseau de plus de 85 académies, il y a un large répertoire à apprendre et peu de pianistes qui connaissent ce répertoire et acceptent de ne travailler que quelques semaines par an. A l’époque, j’ai postulé partout et j’ai eu beaucoup de réponses. Pendant huit ans, j’ai voyagé dans de nombreux pays en tant que pianiste de ballet, je pouvais passer six semaines à l’étranger et revenir en Thaïlande pour deux semaines avant de repartir pour un mois. Il y a deux ans, j’ai décidé d’arrêter et de pousser ma carrière de soliste à un autre niveau. 

Pouvez-vous nous décrire cet album ? 

Ma musique n’est pas vraiment classique, bien sûr mon langage pianiste vient de toute la musique classique que j’ai étudiée, cela fait partie de mes gestes, de mes réflexes et des harmonies que j’ai l’habitude de construire. J’aime bien dire que je suis un pianiste néo-classique avec une attitude rock’n roll, dans cet album il y a une réelle touche d’électronique. 

Après, du fait de vivre en Asie, on entend tant de sons si différents que j’ai fini par en absorber une partie, sans pour autant reprendre des mélodies thaïlandaises, pour les mettre au parfum occidental. J’inclus donc différents sons que j’appelle des “soundscapes” qui vont des klaxons de motos aux chutes d’eau en passant par le bruit des insectes dans la jungle ou de la pluie, c’est une sorte d’arrière-plan qui porte le piano. 

Dans ma musique, finalement, le public ne peut pas vraiment prédire ce qui va venir, cela part un peu dans différentes directions, il y a beaucoup de surprises, de suggestions… C’est ce qui se reflète aussi dans mes concerts, je n’aime pas que ce soit rigide, où il faut bien s’habiller et rester silencieux. J’aime jouer dans des endroits improbables, des lieux qui ne sont pas destinés à des concerts comme des ruines, le toit d’un centre commercial, l’aquarium du zoo de Chiang Mai… des lieux qui suggèrent quelque chose d’un peu fantaisiste et relax. 

Une de mes anciennes professeures du conservatoire m’a dit que mon album était intéressant et inqualifiable, et tant mieux! Pour certains, l’électronique est trop présente, ils ont peut-être raison, ou pas. C’est mon premier album, peut-être que dans le suivant j’irais encore un peu plus vers l’électro ou davantage vers le classique, rien n’est figé. 

Comment s’est passée la réalisation de cet album ?

Je voulais tout faire moi-même : la composition, l’enregistrement, le mixage, la postproduction… Je ne voulais pas travailler avec un ingénieur du son parce que j’ai réalisé que je ne savais pas quoi leur dire, comment leur expliquer ce que je voulais, parce que je ne connaissais pas leur langage. Je me suis donc dit que la seule manière était d’apprendre leur langage, j’ai lu plein de bouquins, regardé des tutoriels sur YouTube, essayé différents logiciels avant de trouver celui qui me convenait. Je ne suis pas sûr de fonctionner comme cela pour le prochain album, c’est un boulot de dingue, mais maintenant, je sais ce que je veux, quel mot utiliser, quelles sont les possibilités… 

L’enregistrement a été réalisé à l’Alliance française de Bangkok, ils ont offert de me soutenir et ils m’ont prêté la salle. Je me suis donc enfermé dans la grande salle, toute neuve, et qui est munie d’un magnifique piano à queue, et j’ai enregistré les huit morceaux pour l’album “The Pianologist” en 48 heures ainsi que les pistes pour un deuxième album. 

Quand est-ce que l’album sera disponible et quelle est la suite de vos projets ?

L’album est disponible sur les différentes plateformes de téléchargement de musique. Je vais réaliser des clips pour les différents singles et j’aimerais bien faire un concert pour chaque sortie. L’album en support physique sortira dans le courant de l’année, sans doute après l’été.  

Maintenant, j’ai tout le matériel d’enregistrement, j’ai la technique et les idées,... et les idées coulent à flot ! Le plus difficile est de les restreindre et de leur donner une forme définie, de les structurer. Parce que les idées non finies, c’est facile, mais clairement, il va y avoir d’autres albums et surtout beaucoup de concert, c’est la scène qui m’éclate! 

Est-ce que vous vous voyez rester en Thaïlande ?

J’aurais dit oui s’il n’y avait pas tous ces problèmes de pollution ni les problèmes politiques. Quand les pics de pollution ne se produisaient qu’un mois par an, passe encore, il suffisait de partir quelques jours. Mais là, cela s’étend sur toute l’année. Au niveau politique, dans la communauté d’artistes que je fréquente, dont mon compagnon, Oat Montien, il y a une censure inconfortable. À mon niveau, c’est plutôt lorsque je joue des compositions thaïlandaises, ce serait très mal perçu par les autorités si je les modifiais d’une manière non respectueuse selon leurs critères, moi qui suis pour la liberté d’expression, cela ne me va pas trop. 
Après, je crois que la Thaïlande restera toujours une base, je n’ai pas encore trouvé d’autre pays qui me plaise autant pour vivre et certainement pas la Belgique, il y fait trop froid! 

https://www.thepianologist.com/

Clip vidéo - single “Opium”

 

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