La Grèce est le seul état d’Europe du Sud à réglementer l’activité de "prostitution" par l’intermédiaire de l’Etat, une pratique pourtant vivement contestée par l’Union Européenne.
A Athènes, il est possible de croiser une mère de famille proposant une passe comme une étudiante offrant ses services contre de l'argent, de quoi arrondir les fins de mois. « Rien de choquant » pour les grecs qui cohabitent avec ce système de réglementation depuis 1836. D’autant plus lorsque l’on sait que celui-ci a pour but de limiter les risques encourus à l’exercice de cette activité. Néanmoins cette pratique étatique interroge. De plus en plus de commentaires appuient la thèse d’un Etat au demeurant vigilant des conditions de travail des maquerelles mais qui, dans la réalité, laisserait les travailleuses du sexe face à elles-mêmes.
Une répression de la prostitution clandestine pratiquement invisible
D’après sa loi, l’Etat Grec autorise les forces de l’ordre sans avoir à s’en justifier, à procéder à des pratiques répressives, de l’arrestation à parfois la garde-à-vue, envers n’importe quelle prostituée dès que celle-ci exerce sa profession au sein de l’espace public. En effet, la législation en vigueur à Athènes « donne droit à l’activité exclusivement à partir du moment où la fonction est réalisée dans des maisons dédiées et privatisées par le gouvernement ». La vulnérabilité des travailleuses du sexe est ainsi, selon l’Etat, inexistante à la fois par la faible présence de risques d’harcèlement, le harcèlement étant habituellement pratiqué à l’encontre des prostituées de rue, tout comme par l’absence de dangers d’ordre sanitaire pour les clients et proxénètes.
Il y a cependant une réalité en désaccord avec la réglementation actuelle visant à décourager la prostitution illégale. Dans les rues d’Athènes, il est fréquent de croiser des femmes et des hommes proposer leurs services, une fois la limite du centre-ville atteinte sans être inquiétées par la justice. La crise sanitaire a d’ailleurs accentué cet état de fait par l’apparition de "maquereaux et maquerelles" de service en pleine journée à cause du couvre-feu strict en Attique, leur interdisant toute possibilité d’exercer leur activité de nuit.
Cela est problématique. D’une part parce que la présence policière dans la capitale a été dûment renforcée ces dernières années, sans que cette dernière n’ait eu un effet contre la prostitution de rue. D’autre part parce que cette même alternative au proxénétisme a été responsable de la flambée de VIH subie par le pays en 2011. L’origine de l’épidémie s’explique par l’arrivée massive de migrants d’Afrique subsaharienne en Grèce, notamment de nombreuses femmes, ayant eu recours à cette activité sexuelle afin de percevoir des revenus, à défaut de pouvoir espérer en amasser autrement.
La faute à une discrimination systémique opérée par la société grecque à leur encontre et favorisée par l’Etat qui n’octroie aucune aide financière ou aide à l’insertion envers les migrants. Le proxénétisme clandestin se démocratise donc à nouveau dans la capitale malgré les problèmes qu’elle a auparavant causés sans que les autorités ne se saisissent de cette réminiscence. Pourquoi ?
Les gains de l’Etat à collaborer avec la prostitution illégale
Pourquoi ou plutôt pour quoi, parce qu’il s’agit bien plus là d’un retour matériel que d’une raison. Actuellement, les travailleuses du sexe sont, pour la plupart, d’origine étrangère et ainsi considérées par l’Etat grec comme des migrantes. L’Etat donc, mais également l’Union Européenne qui verse 30€ à la Grèce pour chaque réfugié bénéficiant du statut de migrant que le pays accepte sur son territoire. La récompense paraît modeste au premier abord mais est en réalité de taille au vu de l’importante crise sanitaire traversée par Athènes. A grande échelle, le cumul de ses revenus permet donc à la nation de vivifier ses finances de façon considérable. D’autant plus depuis que la pandémie actuelle a bloqué l’arrivée de tout type de revenus liés au tourisme, l’activité étant au calme plat. En acceptant le recours au proxénétisme illégal, le gouvernement donne aux migrants souhaitant s’installer ou passer par la Grèce, des « motifs d’espoir financiers. » Grâce à l’espoir suscité, certaines et certains d’entre eux peuvent espérer percevoir des revenus via cette activité malgré la forte réticence des grecs à offrir des emplois aux migrants. Par cette politique, le gouvernement a pu bénéficier en 2019 d’environ 2.250.000€ de la part de l’UE à la suite de l’arrivée de 75.000 migrants selon Les Echos.
Au-delà de cela, le marché noir du proxénétisme constitue également pour l’Etat un atout économique à ne pas négliger en cette période délicate. L’activité de la prostitution endossant l’attribut de profession en Grèce, les proxénètes légaux comme illégaux sont estimés comme des travailleurs actifs aux yeux de l’Etat. Cela lui permet ainsi de baisser considérablement son taux de chômage. Chose importante pour lui car la Grèce reçoit annuellement des aides financières allouées par l’UE en fonction de son pourcentage de travailleurs actifs. Plus il est haut, plus l’institution européenne récompense la nation par un montant conséquent.
Néanmoins la situation des travailleuses du sexe est quant à elle précaire. Tandis que l’Etat s’enrichit par l’intermédiaire de ce marché noir, les prostituées elles réalisent leurs services contre des sommes dérisoires. De 10 à 30€ en général dans les maisons privatisées par l’Etat et jusqu’à 5€ pour une prestation clandestine. En plus de cela, le nombre de proxénètes en service clandestinement augmentent de façon continue à cause de la fermeture des maisons pour raison sanitaire. Le prix d’une passe ressemble donc de plus à de quoi survivre pour les travailleuses du sexe et rien de plus. Tout un paradoxe.