Traductrice littéraire et écrivain, Isabelle Cervellin-Chevalier sort son nouveau roman, Polyphonie, aux éditions l’Harmattan. Après l’Arabie saoudite et l’Afrique centrale, c’est en Grèce qu’elle nous emmène, de l’antiquité à la révolution, à travers le regard et l‘histoire de sept personnages. L'auteur nous partage sa relation avec la Grèce, ses motivations à écrire sur ce pays et, plus largement, sur l’ailleurs.
D’où vous vient cette envie d’écrire sur l’ailleurs ?
Ma vie est une aventure. J’ai toujours voulu voir si l’herbe n’était pas plus verte ailleurs. C’est un de mes traits de caractère ! J’ai choisi une vie qui me correspondait et elle m’a renvoyé ce que j’attendais d’elle. J’ai eu la chance de vivre plusieurs vies, en expatriation dans différents univers que je n’avais pas forcément choisis mais qui se sont présentés comme des opportunités à saisir ! Ces tranches de vie m’ont à chaque fois énormément apporté et j’ai toujours eu envie de partager ce que j'avais vécu.
Que représente l’écriture pour vous ?
L’art de manière générale, la création, la musique, la peinture, ont une place importante dans ma vie. L’écriture c’est mon moyen personnel de m’exprimer. Lorsque je vis quelque part, cela m’inspire. Ce n’est pas forcément le voyage en lui-même qui me donne envie d’écrire, parce que la vie est un voyage. C’est plutôt tout ce que le voyage qu’est la vie apporte, dans des situations particulières, c’est tout ce qui fait pétiller la vie et la rend unique, tous ces moments un peu extraordinaires, ce qui nous touche et provoque de l’émotion.... Tout cela pénètre dans les méandres de mon cerveau, murit, puis le déclic se fait. Les choses se mettent en place, tout prend un sens et donne vie à un livre !
Quel est votre lien avec la Grèce ?
Ça fait maintenant cinq ans que je suis installée à Athènes de façon permanente. C’est ma deuxième tranche de vie en Grèce car j’ai étudié à Corfou à l’époque. Ce pays fait partie des choses qui me sont devenues essentielles. Je ne peux pas vraiment me l’expliquer. Je ressens une similitude, une familiarité, entre ma façon d'être et l'atmosphère. On se sent soi et chez soi, on en fait partie tout à coup.
Ce pays me nourrit depuis longtemps ! Je devais avoir 8 ans lorsque la Grèce est entrée en moi pour la première fois. Je me revois à l’école primaire... J’étais en classe dans un petit village du sud de la France. Nous avions une maîtresse remplaçante et, lors d’une fin de matinée, alors que nous devions être intenables, cette femme a eu une idée extraordinaire. Elle a décidé de nous lire chaque samedi un chapitre de... l’Odyssée ! Ça a tout de suite fait écho en moi et ne m’a plus quitté depuis. J'écoutais ces histoires en me disant que c'était ça la vie, un peu comme une révélation, un coup de foudre. Depuis ça n'a fait que se confirmer et grandir.
Pourquoi écrire sur ce pays ?
J’ai toujours eu envie d’écrire sur la Grèce mais il y a tellement de choses à écrire et déjà écrites ! Il fallait le temps que ça murisse. L’idée est venue lorsque j’ai eu la chance d’écrire pour le « guide évasion », paru l’année dernière, sur Athènes et le Péloponnèse. Ça a été une aventure extraordinaire ! J’étais chargée d’écrire la rubrique “tout savoir” mais je me suis vite rendue compte que tout savoir sur la Grèce était impossible. Une vie ne suffirait pas ! On peut conseiller un site, raconter l’histoire d’une ville, décrire un paysage, parler de spécificités d’un lieu... Il faut pouvoir raconter ce pays au voyageur, chaque fois qu’il se trouve quelque part. Car la Grèce se raconte. Ce guide a été le point de départ de mon livre. Il m’a donné envie de raconter, de mettre l’écriture au service de ça. Je voulais que ça soit une invitation au voyage.
Votre roman est composé de 7 nouvelles narrées par différents personnages, qui se déroulent à 7 époques différentes. Pourquoi avoir choisi cette forme de narration ?
Mon ouvrage est un roman dans lequel la Grèce est l’héroïne. Il se présente comme un recueil de nouvelles mais aussi comme beaucoup de choses à la fois parce qu'à la fin de chacune des histoires, il y a une partie qui met le doigt sur ce qui, encore aujourd’hui, est visible de la fiction qu'on vient de lire. Et pour moi c’est ça la Grèce : c’est un pays où tout est vrai, où tout est faux, mais qu’importe ! l'important c’est que l’on parle de choses merveilleuses, d’un endroit où les hommes parlaient avec les dieux à travers une faille dans la terre que l’on appelait le nombril du monde... et puis d’un coup, on le voit ! Il y a un sanctuaire visible en vrai ! La distance est tenue entre la fiction et la réalité, l’imaginaire et l’histoire.
Comment avez-vous choisi les personnages ?
C’est plutôt eux qui se sont manifestés. Chacun collait avec le message que je voulais transmettre. Lorsqu'il est question des caryatides par exemple, ça ne pouvait être qu’un artiste qui en parlait. Quand la narratrice est une mère qui parle à sa fille, cela me permettait de parler des hommes qui partent au combat, en donnant la parole à des femmes. L’histoire sur le Christianisme, qui a tout fracassé, ne pouvait être racontée que par celui qui avait l'ordre de tout bouleverser, pour montrer à quel point c’était violent. Dans la campagne, sur le flan du mont Hélicon, ça ne pouvait être que quelqu'un de la terre, qui pouvait parler de son regard, de ses croyances, de sa manière de vivre...
Ils sont sortis de l’histoire tout seuls. De la même manière d’ailleurs qu’on construit le livre en même temps qu’il nous construit. J’ai fait des recherches, approfondi, romancé, pris certaines libertés, et j’ai appris beaucoup de choses aussi. Lorsque j’ai eu l’impression d’avoir dit tout ce que j’avais à dire, j’ai réalisé que ça faisait sept histoires ! Polyphonie, ce sont ces sept voix qui parlent dans la nuit. Ce sont d’ailleurs toutes les voix qui parlent depuis toujours !
POLYPHONIE
La Grèce, d'histoires en Histoire
Isabelle Cervellin-Chevalier
Prix de vente : 19 Euro