Voici une actualité qui fait grand bruit. Deux Français font partie des 21 personnes accusées d’avoir supposément fomenté un coup d’Etat contre le gouvernement malgache et l’assassinat de son président Andry Rajoelina.
Le procès Apollo 21 s’est ouvert le 6 décembre à Antananarivo, la capitale de Madagascar. Le Français Philippe François et le Franco-Malgache Paul Rafanoharana, ainsi que leurs compagnes, figurent sur la liste des principaux suspects dans l’affaire du projet supposé de renversement du pouvoir malgache. Un coup d’Etat qui devait prendre forme le 21 juillet 2021, selon les autorités.
L’arrestation des deux Français le 20 juillet
Les deux Français ont été arrêtés le 20 juillet 2021, au moment où l’affaire éclate. Philippe François, 54 ans et installé à Madagascar depuis janvier 2020, a été interpellé avec son épouse Brigitte Mroczek à l’aéroport d’Antananarivo alors qu’ils s’apprêtaient à quitter définitivement le pays. Les autorités ont découvert une clé USB lui appartenant et sur laquelle des fichiers suspects auraient été effacés, constituant ainsi l’élément justifiant son arrestation par les policiers malgaches.
Philippe François est ainsi accusé d’être un des deux cerveaux de la machination, aux côtés de Paul Rafanoharana. L’ex-colonel de l’armée française ayant servi au Tchad et au Mali nie toute implication dans un tel projet, ce qui est également le cas de son épouse.
Paul Rafanoharana, également appréhendé avec son épouse, aurait, quant à lui, admis avoir bel et bien préparé un bouleversement du pouvoir en place, mais réfute bec et ongles le fait d’avoir cherché à attenter à la vie du président Rajoelina.
Ces deux cerveaux présumés se sont connus en tant que partenaires d’affaires lorsqu’ils ont investi dans l’économie malgache via la société Tsara First, créée conjointement.
Philippe François et Brigitte Mroczek réfutent toutes les accusations
Depuis l’ouverture du procès, Philippe François et Brigitte Mroczek ont fermement nié avoir pris part à un quelconque complot de renversement du gouvernement malgache. « Il n’a jamais été question d’assassiner ou neutraliser qui que ce soit. Je n’ai jamais été impliqué de près ou de loin dans un tel projet », a martelé l’accusé face au tribunal. Et Brigitte Mroczek de déclarer, submergée par l’émotion : « Je n’ai absolument rien à voir avec cette affaire ! »
Où est le complot ?! Ce complot n’existe pas ! Il n’y a ni les gens, ni l’argent, ni les plans
Pour Philippe François, la clé USB servant de base aux accusations faites à son encontre n’a aucune pertinence. « Ce n’est pas avec deux pages de budget que l’on fait un projet. Pour réaliser un complot, il faut des hommes, de l’argent et un plan. Où est le complot ?! Ce complot n’existe pas ! Il n’y a ni les gens, ni l’argent, ni les plans », renchérit-il.
Les deux ressortissants français dénoncent une procédure viciée, les propos de Brigitte Mroczek auraient notamment été modifiés au cours de sa déposition. « Toute ma déposition a été réécrite, je n’ai pas eu le droite de la modifier », avance la principale concernée. Ses avocats, Maîtres Nini et Tahina, ont d’ailleurs relevé que leur cliente n’avait « pas été assistée par un avocat durant le deuxième et le troisième interrogatoire, elle n’a pas eu la possibilité d’en appeler un ».
Philippe François soutenu par ses pairs
Philippe François a reçu et reçoit encore un fort soutien de la part de ses proches ainsi que de ses anciens camarades de l’école militaire Saint-Cyr. Ceux-ci ne peuvent imaginer qu’une personne telle que lui puisse tremper dans une affaire de cette nature.
Un communiqué de presse et un site web ont été créés pour soutenir l’ancien officier de l’armée française. Nous avons pu nous entretenir avec Rémy Lescure, contact presse en charge de la transmission du communiqué à tous les médias français.
Il s’agit d’un problème diplomatique, qui dépasse de loin la simple personne de Philippe François
L’accusation portée à l’encontre du père de six enfants ne reposerait sur aucun fondement, d’après Rémy Lescure et toutes les personnes soutenant Philippe François. « Les soupçons portent sur Philippe à cause de cette clé USB alors que rien dessus ne l’incrimine, ce ne peut être un élément de preuve. L’investigation aurait normalement dû être plus longue et, en l’état actuel du procès, la partie adverse a été incapable d’apporter une preuve formelle de ce dont on l’accuse », déclare Rémy Lescure.
« Les fichiers effacés et projetant prétendument le coup d’Etat datent de mars 2020, on ne laisse pas plus d’une année s’écouler avant de passer à l’acte quand on prépare un coup d’Etat », ajoute-t-il.
Que ce soit ses anciens camarades ou ses proches, personne ne le croit capable d’une telle chose. « Ils connaissent très bien Philippe, ce n’est pas dans son caractère. Nous parlons de quelqu’un qui a un fort esprit de camaraderie », nous dit également Rémy Lescure.
Malgré tout ce soutien, il craint le pire et s’attend à ce que Philippe François écope d’une lourde peine. « Il s’agit d’un problème diplomatique, qui dépasse de loin la simple personne de Philippe François », conclut-il.
Une affaire aux enjeux géopolitiques internationaux de par l’importance géographique de Madagascar
Selon Rémy Lescure, Philippe François est non seulement totalement innocent mais surtout victime des relations fluctuantes entre la France et Madagascar depuis l’indépendance de du pays en 1960, notamment en raison des désaccords concernant les Iles Eparses depuis l’arrivée à la présidence française d’Emmanuel Macron en 2017. La rétrocession de ces Iles constitue un sujet de discorde entre les deux pays et, selon Rémy Lescure, le procès de l’ex-colonel Philippe François pourrait bien être un moyen de faire pression sur le gouvernement français.
La situation géographique de Madagascar, très envieuse d’un point de vue stratégique, est bonifiée par la présence d’importants champs pétrolifères sur ses territoires, suscitant évidemment la convoitise de nombreux pays, dont la France et les Etats-Unis. Ces derniers chercheraient déjà depuis des décennies à s’assurer une présence sur le territoire malgache en investissant et en rachetant nombre d’entreprises.
Quoi qu’il en soit, le procès Apollo 21 suit son cours et continue cette semaine au tribunal d’Antananarivo.