Les élections législatives 2022 approchent. Pour le premier tour, les Français de l’étranger pourront voter à l’urne le 5 juin et par internet du 27 mai au 1er juin. A l’occasion de ces élections, Le Petit Journal rencontre chaque candidat et présente les différents programmes. Par souci d’équité et de respect du temps de parole, les mêmes questions sont posées à tous les candidats. Dans la 5 e circonscription des Français de l’étranger (Espagne, Portugal, Andorre et Monaco), cette série d’interview se poursuit aujourd’hui avec Stéphane Vojetta, actuel député LREM des Français de l’étranger et candidat sans étiquette à sa propre succession.
Stéphane Vojetta a été élu député suppléant de Samantha Cazebonne en 2017 puis réelu en 2018, suite à l’invalidation des élections de 2017. Il est l’actuel député de la 5ème circonscription depuis l’élection de Samantha Cazebonne comme sénatrice en octobre 2021.
LePetitJournal : Pourquoi avez-vous souhaité vous présenter aux élections législatives ?
Stéphane Vojetta : Député de la 5 e circonscription depuis bientôt 1 an, j’ai initié des tâches et des réformes que j’ai envie de poursuivre et de mener à bien. J’ai participé à la rédaction du programme de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. J’ai donc naturellement envie de continuer cette trajectoire déjà initiée.
Vous êtes macroniste mais vous n’avez pas été investi par votre parti, LREM, qui a préféré désigner Manuel Valls. Pourquoi maintenir malgré tout votre candidature, sans étiquette ?
Malgré tout le respect que j’ai pour Manuel Valls, en tant que politique et en tant qu’homme, j’ai vu avec tristesse son image publique se détériorer ces dernières années. L’annonce de son investiture a été une grande surprise pour moi. J’ai été submergé d’un flot de messages des Français de la circonscription qui ne comprenaient pas cette nomination. Je me suis dit qu’on avait fait une boulette électorale en investissant un candidat qui, je pense, n’est pas capable d’être élu. L’image que renvoie cette investiture n’est pas exactement celle qu’on avait en tête au moment de se lancer dans l’aventure d’En marche, à savoir renouveler les pratiques politiques et remettre les Français au cœur des décisions. On se retrouve face à un choix pour lequel personne n’a été consulté sur le terrain. J’ai du mal à accepter le fait que cette élection puisse être perdue au profit de la Gauche Unie. Je suis un battant ! Je prends donc mes responsabilités en maintenant ma candidature sans le soutien de la majorité présidentielle même si je reste Macroniste. Je suis un candidat libre, mais je ne suis pas un député isolé. Si je réussis à me qualifier pour le second tour, comme je le pense, j’aurais acquis une légitimité en étant réélu sans le soutien d’un parti. Si toutefois je me trompe, et que Manuel Valls se qualifie pour le second tour, alors je le soutiendrai. J’espère que la réciproque sera vraie.
Quel est votre lien avec la 5e circonscription des français de l’étranger ?
Je suis arrivé en Espagne en 2005. Les premières années, je passais le plus clair de mon temps à travailler pour des grandes entreprises à Barcelone même si je vivais à Madrid. J’ai donc très bien connu Barcelone jusqu’en 2011. Ensuite, je me suis recentré sur Madrid : j’ai commencé à travailler avec le gouvernement espagnol et la Banque d’Espagne sur la problématique de la stabilisation du secteur bancaire durant la crise immobilière. Par la suite, je suis devenu entrepreneur et j’ai monté une société de conseil avec laquelle j’ai notamment assisté le gouvernement Andorran dans le sauvetage d’une banque en difficulté, BPA. Je connais donc très bien Andorre pour y avoir passé presqu’un an. Mon attachement à cette 5e circonscription est fort. Mon épouse est espagnole, mes 3 enfants sont binationaux et nés en Espagne. Je n’ai pas vocation à utiliser cette circonscription comme un marchepied vers la vie politique à des niveaux plus élevés. Je n’ai pas d’ambition ministérielle. Je suis bien en Espagne et j’ai l’intention d’y rester !
En quoi votre parcours est-il marqué par les préoccupations des Français de l'étranger ?
Quand j’ai commencé mon activité de conseil indépendant à partir de 2012, j’avais des horaires flexibles et j’ai eu la chance de pouvoir me rendre disponible. Je suis devenu président de l’APA, l’association des parents d’élèves du lycée français de Madrid pendant 3 ans. J’ai pu apprendre et réfléchir en profondeur sur le système de l’enseignement du français à l’étranger, qui est un des axes prioritaire de mon programme. J’aimerais en effet revoir de fond en comble le financement des lycées français de l’étranger. Par exemple, permettre les prêts bancaires extérieurs pour financer les investissements immobiliers de ces établissements sur le long terme et réduire leur impact sur le prix de la scolarité pour les familles.
Comment voyez-vous le mandat de député ?
Ma ligne est claire : je défends le modèle d’un député actif, transparent et proche du terrain.
Quels sont, selon vous, les défis qui attendent les Français de votre circonscription ?
Il existe une grosse frustration chez les usagers et les agents consulaires concernant le renouvellement des papiers d’identité. Ils attendent un chamboulement du fonctionnement des démarches administratives et des actes consulaires. L’obligation de devoir se déplacer à Madrid, Barcelone ou Lisbonne est un vrai problème, surtout si on habite Tenerife ou Almeria. C’est le cheval de bataille principal sur lequel je me suis engagé. Après un arbitrage d’Emmanuel Macron, un test de procédures dématérialisées va avoir lieu au Canada et au Portugal et j’aimerais suivre au jour le jour cette phase dans notre circonscription.
Comment s’organise votre campagne et qui sont vos soutiens ?
Vous le savez, je communique beaucoup sur les réseaux sociaux. J’aime aller à la rencontre des gens et découvrir de nouveaux récits. J’ai donc imaginé une campagne qui me ressemble : le « Road Trip Vojetta 2022 ». Je vais traverser la 5e circonscription en voiture. J’ai prévu de parcourir 4000 kms et de faire étape dans une quarantaine de villes pour aller à la rencontre des Français de la 5e circonscription. J’ai commencé le 16 mai avec le Portugal. Concernant mes soutiens, le plus visible sont mes concitoyens qui m’envoient une centaine de messages quotidiens. Je reçois aussi de nombreux appuis de collègues députés, membres de cabinet ou élus consulaires de la majorité présidentielle, mais je leur ai demandé pour le moment de ne pas rendre ces soutiens publics car je ne veux pas que ma démarche divise ma famille politique. J’ai envie de faciliter les retrouvailles en cas de victoire aux élections !
Quels sont vos chantiers prioritaires si vous êtes élu ?
Comme je le disais, un de mes axes principaux est l’accès des familles à l’enseignement du français. Et ce, quel que soient leurs revenus. Dans le programme du président Macron pour les Français de l’étranger, nous défendons un « Pass Éducation Langue Française » afin que chaque enfant inscrit dans une institution consulaire puisse bénéficier d’une enveloppe annuelle pour suivre des activités culturelles en français ou des cours de français. Un autre sujet qui me tient à cœur est le soutien aux entrepreneurs français. J’aimerais créer une plateforme virtuelle pour favoriser l’employabilité des francophones dans la 5e circonscription. Enfin, un des engagements d’Emmanuel Macron était la création d’un statut particulier de « résidence de repli » : ce statut permettrait aux Français de l’étranger qui ont gardé une résidence en France de bénéficier d’avantages fiscaux (suppression de la taxe d’habitation, aides à la rénovation thermique), ce qui n’est pas possible avec le statut de résidence secondaire.
Comment jugez-vous le mandat de Samantha Cazebonne et quel bilan faites-vous de vos 8 mois comme député ?
J’ai toujours eu une totale fidélité pour Samantha Cazebonne et j’ai défendu son action. Quant à mon propre bilan, c’est peut-être d’abord d’avoir proposé un nouveau modèle de député : être un élu local au contact direct avec les gens, en utilisant les réseaux sociaux. En terme de contenu, j’ai été très actif et j’ai contribué à porter à Paris des évolutions qui changent la vie quotidienne des Français, comme la reconnaissance par la loi de la double nationalité franco-espagnole. Si je perds ces élections, je prendrai mes responsabilités en me retirant de la vie politique. Mais si je gagne, je crois qu’on se retrouvera encore mieux qu’avant avec ma famille politique. A ce moment-là, je compte bien changer de braquet !
Propos recueillis par Laure Linot