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Guide touristique à Séville : un métier pas comme les autres

Sonia Almazan Lozano est guide locale de Séville depuis 25 ans. Plus qu’un métier, c’est une passion, qui demande un amour absolu pour la culture, les rencontres, et la transmission d’un savoir en perpétuel mouvement. Dans cette interview, elle revient sur ce qui l’a amenée à choisir ce chemin, entre des printemps chargés et des hivers bien plus calmes, les aléas de la vie de guide, et des conseils pour la jeune génération.

Sonia, Guide Officielle de Tourisme à SévilleSonia, Guide Officielle de Tourisme à Séville
Sonia, Guide Officielle de Tourisme à Séville
Écrit par Marie Lucca
Publié le 15 août 2024, mis à jour le 15 août 2024

Importance des langues étrangères

Sévillane de naissance, Sonia compte bien poursuivre cette profession jusqu’à 65 ans, date de départ à la retraite en Espagne, jusqu’à ce que ses jambes ne puissent plus supporter le rythme de journées à traverser la ville de long en large sous la chaleur andalouse.

Trilingue en italien, français et néerlandais, Sonia a beaucoup étudié les langues et voyagé avant de se concentrer sur sa ville de cœur. Durant ses années d’université elle est partie étudier à Grenade, à la faculté de traduction et d’interprétation, en français et italien. Quant à son amour des langues anciennes, il lui vient de ses années lycée, où elle a appris le grec et le latin et approfondi ses connaissances sur la culture du Sud de l’Europe. Son expérience d’un an à Anvers en Belgique avec le programme Erasmus, mis en place pour les étudiants de l’Union Européenne depuis 1987, lui a en revanche permis d’apprendre le néerlandais, extrêmement pratique, puisqu’il y a très peu de guides qui le parlent. Un « vrai challenge » selon elle, car la langue et la complexité de la construction des phrases n’a rien de commun avec la syntaxe latine. 

Après son Erasmus, elle commence en tant que guide accompagnatrice pendant deux ans. 

En 1998, la Junta met en place un diplôme 

En 1998, elle a l’opportunité de passer le concours de guide locale d’Andalousie, «une opportunité» puisque c’est la première fois que la Junta de Andalucia mettait en place ce type de concours pour les guides. Avec l’afflux croissant de touristes chaque année (3 millions de touristes par an pour 700.000 habitants), Séville s’est adaptée à la demande, et c’est toute l’Espagne qui a pu bénéficier de cette entrée nouvelle de guides sur le marché du travail. A présent, elle est un membre actif de la APIT SEVILLA, Association Provinciale d’Informateurs de Tourisme, et de CEFAPIT, la Confédération des guides touristiques officiels d’Espagne fondée en 1990. Cette organisation regroupe des fédérations et associations de guides touristiques de toute l’Espagne et vise à défendre la profession de guide touristique en tant que profession reconnue et réglementée. Tous les membres se réunissent une fois par an, la dernière réunion en date se tenait en novembre dernier à Malaga. En parallèle, elle est guide officielle du Musée de la Danse Flamenco de Séville, le seul musée dédié à la Danse Flamenco au monde.

La particularité de ce métier? «Mon bureau, c’est la ville»

Attablée au restaurant d’un des rooftops de Séville avec vue sur la cathédrale, Sonia admire ce « bureau » un peu particulier, et aux horaires tout aussi inhabituels.

Rooftop Seville

Ce qu’elle préfère dans le métier de guide touristique, c’est bien se « promener dans le rues et montrer les petites beautés, la culture de Séville ». Mais outre l’aspect culturel, qui est déterminant, c’est la rencontre de dizaines de nationalités différentes qui ajoute à cette passionnée tout le charme de son métier. Rester en contact avec ses clients est la suite logique de ses rencontres. Lors de ses déplacements en Europe, elle retrouve des amis italiens ou français dans les villes européennes, ou reçoit d’anciens touristes qui sont ensuite devenus amis, n’hésitant pas à l’appeler lorsqu’ils sont de passage dans Séville et la recontactent pour des visites.

Je crois aux coïncidences de la vie, au karma. Si tu fais les choses de manière positive, la vie te remerciera d’une façon ou d’une autre

Et ses clients le lui rendent bien : son aisance oratoire, sa positivité, son énergie, font d’elle une guide désireuse de transmettre son savoir, mais surtout de réellement communiquer avec les gens. 

C’est un travail de fidélisation : si on aime ce métier, c’est parce qu’on aime s’améliorer et être le meilleur. Séville est un musée, donc on en apprend tous les jours

Elle donnait ainsi l’exemple de la découverte du plus ancien vin au monde à Carmona, ville d’Andalousie où elle doit se rendre afin d’en apprendre plus sur ce vin de 2000 ans d’âge, et sur la commune en général, très appréciée des touristes.

Ce qui remporte également beaucoup de succès parmi les services guidés, ce sont les fameux « food tours », ces dégustations de mets locaux : tapas, vin, huile d’olive, etc... De quoi régaler vos papilles en plus de vos yeux…

Le métier de guide n’est pas sans difficultés

Cependant, quelques difficultés peuvent rayer ce disque de légèreté, sans toutefois jamais vraiment l’abîmer. Sonia travaille les week-ends et jours fériés, jours où la demande en visites est la plus forte. Ses semaines peuvent être très chargées : deux groupes peuvent parfois se présenter pour une journée, ou des congrès viennent bloquer une semaine entière. Les journées peuvent être marathoniennes durant la haute saison touristique printemps-automne, lorsque les températures n’avoisinent pas encore les 40 degrés.

Tu ne sais pas quand tu vas travailler, des gens peuvent annuler au dernier moment…

Les aléas du métier de guide sont nombreux, jusqu’à être pénalisants parfois. Par exemple, il faut économiser durant les périodes de creux comme juillet-août (à cause des températures qui peuvent monter jusqu’à 45 degrés) ou l’hiver. Une journée type se présente avec une visite le matin en général, mais rarement l’après-midi en été, car il y fait trop chaud et les monuments ferment plus tôt en hiver.

Mais le vrai problème, ce sont ces « free tours » inventés à Prague, et qui contaminent la profession des guides du monde entier. Des personnes non-reconnues par leur maîtrise en tant que guides arnaquent les touristes en leur proposant leurs services. En leur faisant miroiter une visite gratuite, les faux guides demandent en réalité à la fin de celle-ci de faire un don. Le concept se développe sous l’œil inquiet des guides, qui craignent de perdre des clients et une dévalorisation de leur métier, surtout que certains guides portant la carte d’habilitation officielle organisent eux-mêmes des “free tours”… Mais derrière cette apparence artisanale et d’improvisation sont à l’œuvre de véritables entreprises, auxquelles sont reversées les sommes récoltées. Il n’existe pas vraiment de solutions pour empêcher les “free tours” de proliférer, même si quelques options ont été mises en place. Il existe ainsi la « police touristique », qui contrôle les cartes des guides, avec un numéro de téléphone spécial, et les faux guides ne peuvent pas entrer dans les bâtiments sans carte officielle.

Une carte officielle de guide

Cette carte est un vrai laisser-passer, et une reconnaissance évidente du diplôme. En tant que Guide Officielle de Tourisme, Sonia doit porter une Carte d’habilitation pour pouvoir guider à Séville. Cette carte reconnait Sonia comme guide officielle espagnole, mais par souci de professionnalité et respect envers les autres guides du pays, chaque guide se cantonne à sa commune : Séville, Valence, Grenade, Madrid, Barcelone… Si un tour comprend la visite de plusieurs villes, le guide responsable du tour doit faire appel à un guide local, fin connaisseur de la localité.

«Des sacrifices qui en valent la peine »

Mais aux dires de Sonia, tous ces inconvénients sont des « sacrifices qui en valent la peine »…

… Car cela me permet d’avoir une série d’anecdotes toutes plus intéressantes les unes que les autres. Il n’est pas surprenant que celles qui me marquent le plus sont les retours des personnes rencontrées lors de ses tours

Elle recommande la place d’Espagne à aller visiter absolument, si vous n’avez pas le temps de vous arrêter à Séville plus de deux heures. Malgré les rumeurs, la place est gratuite depuis son inauguration en 1929 pour l’exposition Ibéroaméricaine et elle permet de comprendre immédiatement la « grandiosité » de Séville. C’est Anibal Gonzalez, architecte de renom, qui a consacré toute sa vie à la créer, mais il est mort 21 jours après l’inauguration seulement. Selon Sonia, c’est la plus belle place d’Espagne, théâtre du tournage de beaucoup de films (Laurence d’Arabie, Star Wars), et monument le plus visité des touristes espagnols, car tout le monde veut sa photo devant sa province. C’est ainsi grâce à cette place que Séville est devenue célèbre. L’hôtel le plus luxueux de Séville, Alfonso XIII, a été construit pour cette occasion, tout comme le stade du Betis, l’une des équipes de football sévillane. Séville s’est ouverte au monde et le monde a alors pu s’ouvrir à elle.

Enfin, s’il y a bien un conseil que Sonia donne à la jeune génération qui souhaite devenir guide locale, c’est de beaucoup étudier (le tourisme, l’histoire), de respecter le métier et « d’être en accord avec la loi… on ne veut pas de faux guides ici ».

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