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Quartiers d’Istanbul : Sarıyer, entre Bosphore, gratte-ciels et forêts…

Nommé « Simas » dans l’Antiquité, l’arrondissement de Sarıyer ou "le lieu jaune", en turc, tire sans doute son nom d’anciennes mines d’argile. Habité par des pêcheurs, il se peupla, à partir du XVIIIe siècle, essentiellement de minoritaires qui y construisirent des demeures pour la villégiature. Mais pour les amateurs de mythologie, c’est à Sarıyer que se déroulèrent certains épisodes du mythe de Jason et de la magicienne Médée !

istanbul sariyeristanbul sariyer
Forteresse de Rumeli Hisarı
Écrit par Gisèle Durero-Köseoglu
Publié le 2 octobre 2023, mis à jour le 14 novembre 2023

Aujourd’hui, l’arrondissement comporte 38 quartiers et se caractérise par ses contrastes, puisqu’on y trouve le quartier de Maslak, connu pour ses gratte-ciels et son centre d’affaires de "Mashattan" mais aussi pour les romantiques pavillons de chasse des sultans (Maslak Kasırları) ; ainsi que des zones de peuplement populaire, d’anciens villages aux brinquebalantes maisons de bois, de multiples forêts et les plages de Kilyos… Voilà donc quelques points-phares de cet arrondissement très prisé pour la promenade…

 

Vue de Maslak

 

La forteresse de Rumeli Hisarı

Construite en six mois entre le 15 avril et le 31 août 1452, par le sultan Mehmet II, dans le but de conquérir Constantinople, elle dresse ses tours et ses murs crénelés sur le bleu du Bosphore. Transformée en musée en 1953, récemment restaurée par la Mairie d’Istanbul, son plan, dit-on, présenterait la particularité de dessiner en écriture coufieh l’initiale « M » du prophète Mohamed et de Mehmet II. Si vous voulez vous imaginer en chevalier, ne manquez pas l’excursion dans ce cadre moyenâgeux !

 

Forteresse de Rumeli Hisarı

 

Les charmes d’Emirgan

À Baltalimanı se trouve le Jardin japonais (Baltalimanı Japon Bahçesi), très fréquenté au printemps, en période de floraison des cerisiers. Quant à Emirgan, trois endroits viennent à l’esprit lorsque l’on entend prononcer ce nom. Le premier est la placette nommée "Sous les platanes" (Çınaraltı) où se situe l’un des plus anciens "yalis" du Bosphore  "Şerifler Yalısı", datant du XVIIIe siècle, mais aussi des terrasses où les Stambouliotes viennent prendre un brunch le dimanche. Le deuxième est le célèbre Parc d’Emirgan (Emirgan Korusu), fameux au mois d’avril pour les extraordinaires plantations du Festival de la Tulipe et pour son café situé dans un ancien manoir de bois.

 

Parc d'Emirgan

 

Le dernier est le Musée Sakip Sabancı, qui offre des expositions temporaires mais aussi l’une des plus belles collections de tableaux de Turquie, placée dans d’anciens appartements privés avec leur mobilier d’époque.

 

Musée Sakip Sabancı

 

Les "yalis" de Yeniköy

Yeniköy, village huppé, possède les plus extraordinaires « yalis » du Bosphore européen, par exemple, à la sortie d’Istinye, celui du pacha Ahmet Afif (Ahmet Afif Pacha Yalısı). Construite en style Art Nouveau par Alexandre Vallaury à partir de 1900, cette folie de milliardaire a fait couler beaucoup d’encre ; la légende prétend même que c’est là que se cacha Agatha Christie, lorsqu’elle disparut onze jours en 1926 et que la clé retrouvée dans la chambre 411 du Pera Palas ne serait autre que celle de cette demeure.

 

Bosphorus_yali_bergie

 

On peut aussi admirer à Yeniköy le "yalı" du prince impérial Burhaneddin (Şehzade Burhaneddin Efendi Yalısı), l’un des plus chers du détroit, vendu cent millions d’euros en 2015 à un émir du Qatar. Ou celui de Said Halim Paşa, utilisé pour les noces et les événements de luxe.

 

Yali du prince Burhaneddin

 

Tarabya, l’ancienne "Therapya"

Tarabya se nommait dans l’Antiquité, "Farmakeia", du nom du poison jeté dans sa rade par la magicienne Médée, lorsqu’elle redescendit le Bosphore après avoir aidé Jason à voler la Toison d’Or. Mais un patriarche orthodoxe rebaptisa l’endroit "Therapya", pour lui conférer une aura plus positive… Ce village de pêcheurs devint à la mode à la fin du XVIIIe siècle, lorsque de grandes familles de banquiers grecs du Phanar y édifièrent de merveilleuses demeures en bois pour venir y estiver, ce qui explique la présence d’un nombre exceptionnel d’églises et de sources sacrées, comme Aya Paraskevi, Aya Fotini ou Aya Marina…

L’entrée du village se caractérise par le fastueux Kiosque Huber, construit par Alexandre Vallaury pour un marchand d’armes allemand, aujourd’hui résidence d’été du président de la république turque.

 

Le Kiosque Huber

 

Ou par le magnifique édifice de l’ambassade d’été d’Allemagne, offert à Guillaume II par le sultan Abdulhamid II. La rive de Tarabya compte encore de nombreux bâtiments célèbres, comme le bâtiment asymétrique de la "Villa Tarabya", chalet construit par Raimondo d’Arronco pour l’Italie. Ou la demeure, à la façade verte et blanche, des Baltazzi, banquiers ottomans qui importèrent de Londres les premiers bateaux à vapeur d’Istanbul mais surtout connus pour la fin tragique de leur petite fille, Marie Vetsera, héroïne, avec l’Archiduc Rodolphe, du double suicide de Mayerling.

 

L'archiduc Rodolphe et Marie Vetsera
L'archiduc Rodolphe et Marie Vetsera

 

Cependant, pour la communauté française, le lieu le plus important de Tarabya est sans conteste le Lycée français Pierre Loti, installé dans le parc de l’ancienne résidence d’été des ambassadeurs de France, première ambassade installée sur le Bosphore. C’est en 1807, lorsque le sultan Selim III offrit en cadeau à la France le palais Ypsilanti, que l’endroit entra en littérature sous l’appellation de « Palais de Thérapia » et fut ensuite évoqué par de multiples écrivains, dont Lamartine, Nerval, Gautier et Farrère, pour ne citer que les plus célèbres.

 

Les deux édifices en marron de l'Ambassade de France en 190
Les deux édifices en marron de l'Ambassade de France en 1908

 

Tous les voyageurs de passage à Istanbul ont raconté la vie fastueuse du palais, ses célèbres bals où toute la haute société de Pera se rendait pour écouter de la musique européenne. Mais ce monde disparut en fumée en jour de l’été 1913, lorsqu’un incendie réduisit en cendres l’immense « yali » de bois dont ne subsiste, aujourd’hui désaffecté, que le second bâtiment, jadis utilisé pour l’administration.

Le Musée de Sadberk Hanım

Dans le beau village de Büyükdere se trouve le passionnant musée de Sadberk Hanım, premier musée privé de Turquie, ouvert en 1980 par Vehbi Koç pour exposer la collection privée de sa défunte épouse. Il abrite d’exceptionnelles pièces antiques, en particulier des bijoux ainsi que des objets d’art islamique et ottoman, et propose, dans son somptueux cadre d’époque, des reconstitutions de scènes de la vie ottomane.

 

Musée de Sadberk Hanım

 

Le village de Sarıyer

Centre de l’arrondissement, Sarıyer, village de pêcheurs, a conservé une partie de son charme d’antan, avec ses maisons ottomanes, son marché aux poissons, ses restaurants et ses spécialités culinaires, le "börek" (Sarıyer Su Böreği) et les entremets (Muhallebi).

 

Le port de Sarıyer

 

Signalons aussi qu’une multitude de plages existent entre Sarıyer et le troisième pont, où se trouve aussi le hameau de Rumeli Kavağı, fameux pour ses restaurants de poissons. Sans oublier le populaire mausolée de Telli Baba, très fréquenté par les jeunes venant y formuler le vœu de se marier…

Rumelifeneri, le phare de Roumélie

Le phare de Roumélie, construit par le Français Michel Pacha sur le site de l’antique Panyium, donne son nom actuel à l’extraordinaire village de Rumelifeneri, assez difficile d’accès (pas de route côtière) mais dont le paysage unique, évoquant la Bretagne, mérite le détour.

 

Le phare de Rumelifeneri

 

Le phare recèle une curiosité, le mausolée d’un saint, "Sarı Saltuk" ; la légende prétend que le phare s’étant effondré plusieurs fois, les habitants conseillèrent à l’architecte de placer à l’intérieur la tombe du derviche pour le rendre inébranlable…

 

Mausolée de Sarı Saltuk

 

Selon la mythologie, à l’endroit où le Bosphore se jette dans la Mer Noire, se trouvaient les fameuses Symplégades ou îles Cyanées, de monstrueuses roches bleues se déplaçant sur l’eau et broyant les navires dans leur étau de pierre. Mais lors de l’expédition de Jason et des Argonautes, partis chercher la Toison d’Or en Colchide, le chant d’Orphée sur les arpèges de sa lyre était si envoûtant que les Symplégades, charmées, restèrent ouvertes un moment, ce qui permit à la Nef Argo de franchir la passe au milieu des terribles remous… Aujourd’hui, vous pourrez voir les restes des Symplégades emprisonnés dans la digue du port.

 

Port de Rumelifeneri

 

Quant à une promenade dans les vestiges de l’ancienne forteresse, elle vous permettra de contempler l’impressionnant panorama de la Mer Noire et de vous laisser enivrer par le grondement de ses immenses vagues…

 

Forteresse de Rumelifeneri.

 

Pour finir, rappelons que c’est l’arrondissement de Sarıyer qui constitue le poumon vert de la ville, avec le village de Bahçeköy mais aussi de nombreuses forêts, comme celle d’Atatürk (Atatük Kent ormanı) ou l’Arboretum d’Atatürk ou la forêt de Belgrade, avec ses retenues d’eau de l’époque ottomane et son fameux parcours de jogging…

 

Forêt de Belgrade

 

 

Rendez-vous le mardi 17 octobre pour un nouveau volet…

 

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