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P. Sciarini : "Lors d'une crise, le fédéralisme atteint ses limites"

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Portrait de Pascal Sciarini, politologue et professeur de science politique à l’Université de Genève
Écrit par Olivia Zufferey
Publié le 8 janvier 2021

Habituellement construit du centre vers la périphérie, le fédéralisme est présent dans 28 pays à travers le monde. En Suisse, ce dernier a été développé différemment. Chez les Helvètes, ce système a été construit des régions vers le centre. Avant 1848, les cantons étaient des États souverains, puis un État fédéral a été créé. Le fédéralisme Suisse est le plus décentralisé au monde. Ce qui peut poser problème lors de grandes crises telle que celle du Coronavirus. Interview de Pascal Sciarini, politologue et professeur de science politique à l’Université de Genève.

Pourriez-vous m’expliquer le fédéralisme ?

C’est le partage du pouvoir entre le centre et les entités fédérées. Ces dernières sont, par exemple, des cantons pour la Suisse, des länder pour l’Allemagne et l’Autriche ou des États aux USA. En Suisse, le système fédéraliste est le plus décentralisé au monde. Les cantons conservent d’importants pouvoirs dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de la sécurité intérieure. La création de l’État fédéral date de 1848. Mais les cantons restent des instances importantes. Le système helvétique a aussi des compétences de décisions, que l’on appelle fédéralisme d’exécution. Les lois nationales sont votées au niveau fédéral et sont mises en œuvre par les cantons. Ces derniers jouent un rôle dans la mise en œuvre du droit fédéral et sont des lieux de pouvoir important. Cela distingue un État comme la Suisse d’un pays fortement centralisé comme la France.

Il y a 28 États fédéraux à travers le monde, qu’est-ce qui fait de la Suisse une particularité ?

Dans la plupart des pays, le fédéralisme a été construit du haut vers le bas et a délégué le pouvoir aux entités fédérées. En Suisse, la construction va du bas vers le haut. A l’époque, les cantons étaient des États souverains. Ils ont préexisté à la confédération. Puis ces derniers ont décidé de se mettre ensemble et d’adopter une constitution fédérale commune. Ces deux points sont caractéristiques de la Suisse. De plus, comme dans tout système fédéral, il y a une deuxième chambre qui représente les entités fédérées. En Helvétie, cette dernière se nomme Conseil des États. Elle a les mêmes prérogatives que le Conseil national. Toute loi suisse doit être adoptée sur la même forme et dans le même contenu par ces deux chambres. Ces dernières doivent se mettre d’accord sur le même texte. C'est une autre particularité de la Suisse. Le Conseil national est élu proportionnellement à la population des cantons, alors que le Conseil des États dispose de deux sièges dans chaque région et d’un siège pour les demi-cantons comme par exemple Bâle-Ville et Bâle-Campagne. Ces deux chambres sont l’organe législatif.

Qu’entendez-vous par l’expression du bas vers le haut ?

Cela signifie que le pouvoir passe des cantons au niveau fédéral et non l’inverse. A la différence de la France, où le pouvoir est délégué depuis Paris vers les communes, départements et régions, la Suisse délègue ses compétences de la périphérie vers le centre.  

Le fédéralisme Suisse-a-t-il des limites ?

Ces limites se sont révélées après l'arrivée du Covid-19. Le fédéralisme est une institution très intéressante lorsqu'elle fonctionne et qu’il n’y a pas de crise majeure. Dans ce cas, on peut déléguer et prendre des décisions plus près des besoins des populations concernées. Lorsqu'il y a une crise aussi incroyable que celle du Coronavirus, qu'il faut agir vite et de manière uniforme, le fédéralisme atteint ses limites. Car chaque canton adopte des mesures différentes. Par exemple, on a vu le canton de Vaud laisser ses magasins ouverts et Genève les fermer. Du coup, les Genevois allaient faire leurs courses dans le canton de Vaud. C’était une cacophonie de mesures.  

Qu’en est-il des autres États fédérés ?

Par exemple, l'Autriche a un fédéralisme assez peu décentralisé et beaucoup moins développé. Dans ce pays, les länder sont des organes de mise en œuvre. Ils ont très peu de pouvoir. Ainsi, la plupart des décisions sont prises à Vienne, comme celles liées à la crise sanitaire. L'Allemagne a un système entre la Suisse et l’Autriche en terme de décentralisation. Les länder allemands sont plus grands que les cantons suisses. C’est donc plus facile de se coordonner. Afin de bien gérer la crise du coronavirus, ces derniers ont accepté que le niveau fédéral prenne beaucoup de pouvoir. En Suisse, le problème lié à la gestion du Covid-19 n’est pas dû au fédéralisme, mais à la décentralisation de ce dernier.

 

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