Édition internationale

VU ET ENTENDU - La chauve-souris de Johann Strauss

Avec la plus célèbre des opérettes de Johann Strauss, l'Opéra de Monte-Carlo a brillamment inauguré le mandat du nouveau Directeur Jean-Louis Grinda. Il est vrai que cet ouvrage a la réputation de porter malheur aux metteurs en scène qui, s'éloignant du type viennois, cherchent des solutions scéniques à ses faiblesses et contradictions;donné de plus en version française, nous ne sommes plus sur le Prater mais naviguons entre Paris et Pontoise, le choc est donc parfois rude pour tout puriste qui se respecte car habitué aux finesses du livret original, l'argument évoquant alors plus Feydeau qu'une farce de la Vienne Impériale.

Ne boudons pas notre plaisir. Avec un spectacle plein de féerie et de fantaisie ? oublions vite un premier acte lent et soporifique ou tous cherchaient leurs marques même vocales ? Jean-Louis Grinda a réussi un compromis acceptable entre l'adaptation dans la langue de Molière et une participation optimale de l'élément musical. Il n'a pas choisi de donner à l'?uvre une vision critique et distanciée, et c'est tant mieux. Et, si la Chauve-Souris hante bien tous les rêves des mélomanes, les quiproquos enchaînés et le champagne servent d'abord à faire tomber les masques. L'admirable rage de vivre de l'air du champagne prenant alors un poids insoupçonné. Pour une dérision et un humour qui tirent vers le Meilhac et Halevy d'origine et surtout vers Offenbach.

Dans ce ballet perpétuel, la danse enchaîne sans hiatus avec le jeu d'acteurs. Emerveillement pour l'?il aussi avec les décors spirituels et luxueux de Rudy Sabounghi et les lumineux costumes de Danielle Barraud.
Plaisir de simple "lyricomane "enfin avec un plateau fort honorable qui n'a rien à envier aux plus prestigieuses distributions autrichiennes.
A Anne-Sophie Degor (Caroline) qui chante sa czardas avec une émotion véritable qui sonne juste et sans exagération superficielle, répondait Jaël Azzaretti, Adèle pleine de chic roublard et de vocalisation désinvolte, à l'abattage un tantinet rossinien. Le rôle s'y prête tellement il est vrai.
Olivier Grand apporte à Gaillardin, prototype du mari volage et jouisseur impénitent vite ramené dans le droit chemin, une stature impressionnante, une voix percutante de baryton pleine de vie et de santé, d'indéniables talents de pur comédien. Ce n'est pas pour rien que cet artiste discret et attachant va bientôt mettre Rigoletto à son répertorie?
Languide, blasée, Marie-Ange Todorovitch emporte l'adhésion avec un Prince Orlofsky plus russe que nature. Fascinante Prima Donna !
Un rien en retrait l'Alfred, archétype du ténor italien en manque de contrats. Florian Laconi joue si bien ce pastiche qu'on ne sait s'il se caricature lui-même.
Plaisir de retrouver le sympathique et très smart Marc Barrard, Duparquet (Deus ex-Machina vindicatif ?) toujours élégant et au chant racé.
Inénarrables compositions aussi de Jean-François Vinciguerra (Directeur de prison) et Jean-Philippe Corre en acolyte/éthylique geôlier Léopold.

Au pupitre Jacques Lacombe donna aux valses toutes la légèreté d'une crème chantilly et à la partition un vertige réjouissant.

Christian COLOMBEAU. www.lepetitjournal.com - Monaco, 27 novembre 2007
Photo courtoisie

Informations pratiques: www.opera.mc
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